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4è édition de la Foire «Made in Comoros» / Des «produits de qualité», mais «pas suffisamment abordables»

4è édition de la Foire «Made in Comoros» / Des «produits de qualité», mais «pas suffisamment abordables»

Économie | -   Dayar Salim Darkaoui

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La foire «made in Comoros», c’est aussi de la musique. Si les principaux intéressés ne se sont pas bousculés pour exposer leurs œuvres au Retaj hôtel, le pays a de quoi faire valoir sur la scène régionale, continentale voire même mondiale. Quoi de mieux pour vous accueillir, à l’entrée des stands d’exposition que ce rêve, Tsihoro, la chanson de la reine de la musique comorienne, Chamsia Sagaf : «Tsilala tsihoro Komori ngiyona raha. Nkogno ndzima zisiwa zine zihimi. Nyandzo mahaba zitsanganya wanadamu. Tadjiri masikini haki ndzima. Ridjitenge na msaanda washidjeni. Rirendeha mfano hamwa ntsi zindji». De l’avis général, les produits proposés sont «incontestablement, de qualité». Pour ce qui est du prix, allez vous faire une idée.

 

Un pays prospère. Quatre îles, ensemble, main dans la main. Les Comoriens unis dans l’amour et la solidarité. Sans discrimination. Un pays qui s’auto-suffit. Et exemplaire partout dans le monde. Le rêve de Chamsia Sagaf, n’aurait pas pu mieux s’exprimer que dans cette foire rassemblant des talents issus des quatre îles de l’archipel, venus partager, dans la joie et la bonne humeur, leur savoir-faire. De la menuiserie à la broderie en passant par la gastronomie, le cosmétique, le recyclage, la peinture ou encore le numérique, presque tous les secteurs sont représentés.
Le Made in Comoros sait s’ancrer et, quand il le faut, suivre l’évolution du monde. Les habits traditionnels, nkandu, kofia et autres djoho, comme de coutume, ne font pas défaut dans les stands d’exposition. Mais ils sont un peu émoussé par les modèles d’une nouvelle génération d’artistes novateurs.
«Zaf design», ce sont quatre couturiers (Zakariya, Abdou Chakour, Abou Hanifa et Farouk Antoine) réunis dans une même enseigne. Des grands habitués des salons régionaux de la mode. Ils proposent dans leur stand, des vestes, pantalons et robes, à base de wax, de dentelle ou de laine, et mélangés à du jean. Quelques uns des modèles présentés, samedi 13 octobre dernier au Vip club, en marge de la préparation du neuvième Salon de la mode de l’Océan indien 2018 sur l’île de La Réunion.
Les tissus sont importés du Kenya, et les modèles fabriqués sur place dans leurs ateliers de couture. «Les gens ont tendance à acheter leurs produits à l’extérieur, alors que nous avons des artistes capables de produire la même chose sur place, avec la même qualité», fait savoir Ali Boina, un apprenti couturier de la société Farouk Fashion. Il faut compter, ici, 15.000 la veste, jusqu’à 20.000 francs comoriens la robe. Des prix «toujours négociables», avance notre interlocuteur.

Sites web, application,
stratégies et autres marketing

Non loin de là, l’on retrouve le stand de Swana Studio. Un simple ordinateur est exposé sur la table, faisant tourner en boucle les œuvres de ce studio de création artistique qui offre des services en communication, design et packaging. Dans ce stand, comme dans celui de l’agence de production digitale Kinu ink, situé juste à côté, les gens ne se pressent pas. L’agence offre des prestations de services numériques : sites web, application, stratégies et autres marketing.
Elle accompagne, pour ainsi dire, les entreprises comoriennes dans leur transition vers le numérique. Ici aussi, seuls des ordinateurs composent le stand. «Les clients n’affluent pas, tout simplement parce qu’ils ne voient pas de produits exposés. Ils se disent, en voyant les ordinateurs, que cela n’a rien à voir avec le «Made in Comoros». Nous avons du mal à faire comprendre ce que nous vendons», explique le chef exécutif de Kinu ink, Toimimou Ibrahim.


Le stand de Nectalab, lui, par contre, ne chôme pas. Un monsieur s’enquiert sur la qualité et le prix des produits. Des produits à base de plantes énergétiques, à l’exemple de l’ylangylang et du gingembre, mélangés à de l’huile de coco, et utilisés dans le cosmétique ou encore l’alimentation. Le technicien en biochimique du laboratoire, Maoulida Bourhane, salue l’initiative de cette foire dédiée aux produits locaux mais souhaite «que cet événement ne soit pas simplement occasionnel. Nous devons disposer d’un centre de communication, où nous pouvons exposer nos produits afin d’amener les gens à consommer local».

“Kumbara”

A l’extrême opposé des stands cosmétiques, se trouvent les stands d’alimentation. Des pots de confiture, du hachard, du thé et de la farine à base de riz y sont exposés. «Nos produits sont conditionnés pour préparer de la bouillie et du thé traditionnels. L’un à partir de farine de riz mélangé à du poivre, et l’autre à partir de gingembre», explique la productrice de la société, Kumbara Faouzia Amadi. Le sachet de bouillie de farine de riz coûte 1.250 et celui de thé au gingembre 1.500 francs.
Assise dans son stand, à quelques mètres de là, Faouzia Abdallah Mmadi propose du mataba (feuilles de manioc pillées) salé ainsi que du manioc, lesquels sont empaquetés et vendus dans les supers marchés de la place. Les 500 grammes de «mataba ya masiwa» valent 500 francs et le kilogramme de «mhogo wa masiwa», 1.000 francs.
Les clients affluaient, hier matin, dans la grande salle de l’hôtel Le Retaj. Mais rares étaient ceux, cependant, qui ressortaient avec des produits. Et pour cause, les prix, estimés trop élevés. «Les produits sont de bonne qualité mais ils sont chers, alors qu’ils sont faits ici aux Comores. La petite bouteille de hachard coûte 1.250 voire 2.000 francs là où on la trouve à 5.00 francs au marché. Le petit sachet de shihondro est vendu 300 francs, vous imaginez», réagit Housnat Youssouf, une des deux jeunes femmes rencontrées à la sortie de la foire. Deux étudiants de l’Université des Comores diront la même chose, mais à propos des livres. «Il y a des livres intéressants sur l’histoire des Comores, mais les prix sont largement au-dessus de nos moyens. Jusqu’à 12.500 francs, le livre. C’est quasiment le prix de mon loyer», lance Chamsoudine Amir, en deuxième année de Science économie à l’Université de Mvuuni.
Il n’est pas étonnant donc que certains vendeurs affirment ne pas avoir vendu de la journée. Si la qualité des produits n’est pas remise en question, les prix le sont. Reste, donc, à trouver le juste équilibre pour favoriser la production et la consommation des produits made in Comoros. Car, comme a dit Chamsia Sagaf à propos de son rêve, «zo tsi andjabu. Ngazi pvirawo harimwa ntsi zindji».


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