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Abdou Katibou, directeur général de l’Anpi : “Nous devons en priorité assainir le climat des affaires”

Abdou Katibou, directeur général de l’Anpi : “Nous devons en priorité assainir le climat des affaires”

Économie | -   Abdou Moustoifa

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Investissements aux Comores, accords de partenariat avec les institutions financières mondiales, aide de la Banque africaine de développement ou encore climat des affaires, les chantiers entrepris par le directeur général de l’Agence nationale pour la promotion des investissements sont nombreux. Dans une interview qu’il a accordée à Al-Watwan, Abdou Katibou, nommé depuis le mois d’octobre dernier, revient sur ces réformes. Bien qu’il reconnaisse que des progrès notables ont été enregistrés, il reste convaincu que le chemin à parcourir est encore long.
 

Quelles sont les missions précises assignées à l’Anpi par le gouvernement ?


Trop souvent les gens font une confusion en croyant que notre mission est de faire des investissements ce qui n’est malheureusement pas le cas. Notre rôle est de promouvoir les investissements afin que les investisseurs viennent travailler dans le pays. Nous avons donc un mandat consistant à simplifier toutes les procédures permettant  l’amélioration du climat des affaires.
 


Quelles sont les difficultés que vous rencontrez depuis que vous avez pris les rênes ?


Notre  principale difficulté est d’ordre financier. Cette agence a été créée en 2009. Sauf que comme, la plupart des agences mises en place ces derniers temps, les initiateurs n’ont pas songé aux moyens de financements. Nous sommes là pour faire la promotion du pays. Mais hélas l’Anpi n’a pas été dotée de moyens conséquents pour fonctionner parfaitement.

Aujourd’hui, nous avons une subvention annuelle de 46 millions de francs provenant de l’Etat dont 95% sert à payer les agents. Ces soucis financiers nous empêchent  de participer aux différents forums mondiaux pour vendre notre pays. Le capital humain reste aussi un facteur important vu la responsabilité qu’on nous a confiée. Et le nôtre doit être formé afin qu’il rivalise avec les autres. Il faut des formations permanentes.
 


Quelles sont les actions que vous avez menées jusqu’ici pour donner une visibilité à l’agence ?


Depuis que je dirige cette institution, nous avons engagé plusieurs réformes parmi lesquelles, se trouve la mise en place d’une coopération avec la douane. Tout le monde croyait que nous étions une entreprise chargée des exonérations ce qui n’est pas le cas. Nous avons analysé plus de 70% des conventions d’établissement signées avec les gouvernements précédents.

Le nombre des exonérations abusives a été divisé par quatre et les résultats sont là. Si la douane a  pu faire des recettes de plus de 30 milliards en 2017,  c’est  grâce aux efforts de l’Anpi qui a contribué dans ces progrès. A noter que nous sommes là pour défendre à la fois les intérêts de l’Etat mais aussi ceux  des promoteurs. 

Pour ce qui est de la visibilité de l’agence, il était primordial de chercher  des moyens pour renforcer le capital humain, afin de réaliser les activités urgentes. Nous avons sensibilisé le gouvernement. Dans toutes ces démarches, nos équipes ont élaboré un business plan juste pour apporter la pierre à l’édifice en attendant les contributions. 
 


Vous venez d’obtenir une aide financière auprès de la Bad qui se chiffre à 600 millions de francs-comoriens. A quoi servira cet argent ?


C’est la première fois que nous avons bénéficié d’un don comme celui-ci. Mais ce sont les résultats d’un travail de longue haleine. Car conscients que nous avons entamés des partenariats avec des bailleurs. Si ce fonds nous a été accordé, c’est grâce aux négociations menées entre les deux parties. Celles-ci ont commencé depuis le mois de mai dernier.

Un programme d’activités a été élaboré en tenant compte de notre business plan. Et nous misons sur la promotion des investissements, la formation des agents, visibilité de l’agence, sensibilisation de la population, la diaspora, la mise en place d’un site web, doter des moyens de travail  pour ne citer que ceux-là.

Et cet argent servira à financer des activités. En gros, il s’agit d’un projet qui couvrira une période de trois ans. Dont l’objectif est de rehausser le niveau des investisseurs nationaux et internationaux. Actuellement nous comptons nouer des partenariats avec le Comesa, la Banque mondiale etc.

 


Comment analysez-vous l’atmosphère du climat des affaires aux Comores ?


Nous reconnaissons qu’un travail a été fait concernant le climat des affaires. Toutefois, nous devons comprendre que celui-ci  doit être amélioré. Surtout il y a le problème relatif au non-respect des textes. D’ailleurs, ce dernier point avait fait l’objet d’un débat intéressant lors du séminaire de deux jours organisé depuis mercredi à l’hôtel Retaj.

Nous  pensons  que le chemin à parcourir est long car le climat des affaires doit être optimal pour attirer autant d’investissements structurants. Un facteur incontournable pour relancer la croissance économique, seul moyen qui aidera le pays à baisser le taux du chômage. Nous appelons les autorités comoriennes à nous épauler.

Sinon nous risquons de tomber sur des investisseurs à la Bashar Kiwan. Nous proposons la mise en place d’un conseil supérieur des investissements qui devra se réunir ne serait-ce qu’une seule fois par an. Cela permettra de rassurer les investisseurs car ils auront l’occasion d’exprimer leurs doléances. Mais l’urgence est de faciliter l’accès aux financements. Car les banques sont là. Il faut un travail de synergie entre la justice, le gouvernement et les banques.

 


Plusieurs investisseurs surtout étrangers restent toujours réticents à toute forme d’investissement dans le pays. Selon vous quels sont les raisons de cette appréhension ?


Depuis que j’ai pris les rênes de l’Anpi, nous avons remarqué un engouement de plusieurs investisseurs qui se présentaient. Sauf que peu d’entre eux reviennent. La première cause de ce silence radio est la qualité de l‘environnement des affaires. N’empêche qu’il existe d’autres paramètres tels que l’absence d’infrastructures routières, aéroportuaires, sanitaires qui jouent un rôle aussi dans ce phénomène. 

 

 

Donc à mon avis il faut réunir toutes les conditions puis après, nous pourrons mener une campagne pour inviter les investisseurs. Le fait que  le montant des investissements étrangers directs(Ide) est inférieur par rapport à celui de nos voisins bien que nous ayons le code d’investissements  le plus avantageux de la région  est un exemple qui illustre la nécessité d’assainir notre climat des affaires. Ainsi nous pourrons atteindre l’émergence prônée par le chef de l’Etat. 
 


Les Comores sont rongées par  un mal profond à savoir la corruption. Que préconisez-vous pour l’éradication de ce phénomène qui freine le développement du pays ?


Notre priorité repose sur la réforme du climat des affaires pour redonner confiance aux investisseurs. Sans oublier le fait que ces derniers tiennent comptent des classements mondiaux, comme Doing busness. Donc il faut impérativement lutter contre la corruption. Pour ce faire, il faudrait que la justice mène à bien son travail. Là-dessus, Il n’y a pas de quarante mille solutions.

 


Le programme de la citoyenneté économique censé permettre au pays de décoller n’a pas du tout bénéficié à la population. Il est  entaché de plusieurs scandales. Selon vous, faut-il abroger la loi une bonne  fois pour toute ou il serait mieux de l’améliorer en canalisant le programme pour le bien du pays ?


Même si il s’est avéré que les autorités de l’époque avaient exercé un forcing pour le vote de la loi. Mais le non-respect des textes fut la cause qui a engendré ces déboires. Car si notre pays respectait les lois et les textes, des gens comme Bashar Kiwan n’allaient jamais débarquer ici. A mon avis il faut suspendre l’opération afin de mener une discussion profonde. Ça sera donc l’occasion de dire si oui ou non il faut recadrer le programme ou stopper une fois pour toutes. 

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