La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) aurait reçu la somme d’environ 900 millions de francs entre 2015 et 2016, au titre de l’aide budgétaire octroyée fin décembre 2015 par le royaume d’Arabie Saoudite à l’Union des Comores. Selon nos informations, dans le détail, l’institution chargée de l’organisation des élections aurait reçu les sommes de 501 millions de francs en 2015 et 400 millions l’année suivante.
Une goutte d’eau, si l’on sait que le total de cette aide budgétaire était évalué à 40 millions d’euros, soit la coquette somme de plus de 19 milliards de franc (7,5 pour cent du Pib des Comores).
Depuis le mois de janvier dernier, la Section des comptes s’intéresse à seize affaires, dont l’aide du Royaume saoudien (lire Watwan’eco du 17 mars 2017). Et depuis quelques jours les principaux bénéficiaires de cet argent sont sollicités pour expliquer son utilisation, conformément au programme annuel de contrôle des comptes publics portant sur l’exercice 2012- 2015, de la Cour suprême.
Rappelons que dans une note explicative sur l’utilisation de l’aide budgétaire saoudienne et les trois milliards de la deuxième licence Telma, la Direction générale de la comptabilité publique et du Trésor avait expliqué que l’argent a été consacré essentiellement à payer les salaires, biens et services, la dette publique et à des investissements (la Cour suprême s’intéresse également à la gestion de l’octroi de cette licence, Nldr)
Pour l’utilisation de ces deux fonds, la note révèle que le montant décaissé au 31 décembre 2015 s’élevait à plus de 16 milliards de francs sur un montant global des versements de plus de 25 milliards. Il en restait un peu plus de 9 milliards de francs à cette même date.
L’impunité des cols blancs
Nous apprenons, par ailleurs, qu’une partie de l’aide aurait été mobilisée pour financer des travaux de réfection des routes, exécutés par la société française, Colas, et le groupe turc, Kulak. Notons que la Section des comptes de la Cour suprême, qui avait fait part dans son rapport sur l’exécution de la loi de finances 2015 d’une hausse exceptionnelle des recettes extérieures, avait dénoncé «l’absence de transparence dans la gestion du budget de l’État.»
Pourquoi le cas de la Ceni passionne tant ? La portée politique de cette institution - la politique étant le sport national aux Comores après le foot - y est sans doute pour quelque chose. Et la réélection, lundi dernier, d’Ahmed Mohamed Djaza à la tête de cette commission électorale, n’a fait qu’accentuer le sentiment de malaise de la population comorienne, face à l’impunité dont continuent de bénéficier les délinquants en col blanc.
Rappelez-vous, c’est ce même Djaza reproché, avec ses collaborateurs, par la Cour supreme de l’Union des Comores, d’avoir fait volatiliser plus de 153 millions de francs sans pièces justificatives, lors des élections harmonisées de 2015. Sorti par la petite fenêtre de la prison de Moroni, suite à une mise en liberté provisoire fin décembre dernier, le revoilà entrant par la grande porte d’une Commission moins indépendante qu’on veut nous le faire croire.