logo Al-Watwan

Le premier journal des Comores

Bambao M’tsanga I Du «sel bio» pour des clopinettes

Bambao M’tsanga I Du «sel bio» pour des clopinettes

Économie | -   Sardou Moussa

image article une
La ville de Bambao M’tsanga grouille de jeunes aux ambitions extraordinaires. Certains d’entre eux comptent d’abord sur leurs propres bras pour se créer un destin. Une marque de fierté pour toute une communauté. Après les unités de distillation des fleurs d’ylang, la ville peut encore compter désormais sur sa saline qui produit du sel bio grâce à la brave détermination de Jaffar Mouhidine. Reportage.

 

Il est midi à Bambao-Mtsanga, ville de l’Est de Ndzuani. Sous un soleil de plomb qui chauffe les lieux, un homme, vêtu d’un tee-shirt rouge usé, sa salopette bleue rabaissée jusqu’à la taille, débout dans ses bottes en caoutchouc et coiffé d’un sombrero, s’affaire devant deux bassins à moitié remplis d’eau de mer. De loin, il nous invite à le rejoindre.
Jaffar Mouhidine, c’est son nom, est un homme patient, qui n’aime pas expédier les choses. «Ah non ! Ne me dites pas de faire vite car je vous ai attendu ! On va prendre notre temps…», plaisante-t-il, en réponse à notre «on ne va pas trop vous prendre votre temps…». Et la visite de la fabrique de sel ne tardera pas à commencer.
Pour celui qui ne sait pas comment le sel marin est fabriqué, les installations de Jaffar ne lui diront sans doute pas grand-chose. Pas évident en effet que tout ce sel entassé dans le bâtiment d’en face, dans des sacs ayont contenu du riz estampillés «Onicor», à même le sol, ou déjà «broyé» et emballé dans leurs sachets de la marque «Sel bio de Bambao m’tsanga» et prêts à la vente, proviennent de ces deux œillets de 8 mètres sur 4, et d’une hauteur équivalant à celle d’une marche d’escalier.

Des sacs estampillés «Onicor»

La production du sel marin est simple, mais demande de la patience et de la surveillance. Dans cette saline qui produit jusqu’à cinq tonnes de sel par an, la récolte (normalement à l’aide d’un long râteau en bois) se fait chaque semaine. L’eau de mer salée est mise dans les œillets, et subit une évaporation grâce au soleil et au vent. Arrivée à une certaine concentration, la cristallisation du sel commence. Selon notre interlocuteur, un litre d’eau salée peut donner entre 32 et 34 grammes de sel.

La saline produit jusqu’à cinq tonnes de sel par an

Lavé (si nécessaire), broyé (pour le cas du sel de table), conditionné, puis distribué aux vendeurs, le sel de Jaffar Mouhidine fait durement travailler trois autres employés, que l’on n’aura pas l’occasion de rencontrer cette fois. Le «Sel bio de Bambao m’tsanga» actuellement produit répondrait, selon Jaffar, à toutes les qualités du type de sel appelé «fleur de sel», riche en magnésium, oligo-éléments et fer, et différent du sel ordinaire «fortement chargé de sodium». Il serait donc de meilleure qualité et recommandé aux personnes souffrant d’hypertension artérielle.

«Dans notre pays, l’on mange du sel gros seulement, or il y a d’autres types de sel, comme la ‘’fleur de sel’’, qui contient moins de sodium, substance qui favorise l’hypertension artérielle. J’ai eu l’idée de produire ce type de sel justement pour permettre à la population de consommer du sel de qualité», affirme-t-il. Il aurait sans doute du terminer sa phrase par «du sel de qualité à prix bas», car c’est bien le cas.  A 250 francs le sachet de 250 grammes, la fleur de sel de la saline de Bambao est offerte : en pharmacie, elle vous coûterait 4.000 francs !

250 francs le sachet de 250 grammes

Et pourtant Jaffar et ses collaborateurs n’ont pas encore sorti la tête de l’eau : concrétisé en 2015, grâce à un accompagnement financier de l’Union européenne, l’association qu’ils ont alors fondée pour porter ce projet n’a pas fini de rembourser sa part (9 millions de prêt bancaire) du montant total investi, estimé, selon lui, à 30 millions de francs. «Ce n’est qu’un début. L’on avance doucement, difficilement. Nous participons à des tontines pour pouvoir rembourser notre dette. Nous ne prenons pas le risque de verser les recettes sur un compte en banque car la vie est dure, l’on risquerait de les bouffer le lendemain», ricane-t-il.

L’extraction du sable marin et le dépôt d’ordures sur la plage

Et comme si les difficultés financières ne suffisaient pas, d’autres écueils «d’ordre social» viennent lui compliquer encore l’existence ! Elles s’appellent extraction du sable marin et dépôt d’ordures sur la plage longeant le site de production. Cela s’appelle aussi litige foncier avec l’autorité locale, lequel litige a conduit le chef du village à condamner l’accès au site, tout juste à cause d’un banal échange de propos entre une autorité municipale et le beau-frère de Jaffar, d’après le récit de ce dernier. Au final, même si notre océanographe de formation aujourd’hui recyclé dans la production de sel affirme que son produit est «de plus en plus apprécié», ce n’est apparemment pas tout le monde qui en veut.

Commentaires