Un vaste plateau ouvert, un sol stratifié bois foncé, des bureaux privés et une grande salle multifonctionnelle, entre autres. Un décore design tout comme les mobiliers des bureaux, des espaces de travail non cloisonnés. Tout pour donner l’envie d’y rester ou d’y retourner. Nous sommes à Comor’Lab, le nouvel espace de cowoking. Ailleurs, depuis une vingtaine d’année les petits bureaux fermés cèdent la place à ces grands espaces sans cloisons. Economie de place, bonne circulation de l’information et atmosphère convivial. Visite guidée dans l’un des Open espaces de la place sise à Maluzini à une jette de pierre du grand marché d’Ikoni.
Dès l’entrée, le décor est planté. Pour accéder au plateau, il vous faudra un badge magnétique. N’étant pas des “nomades” ni des “résidents” comme dit le jargon des lieux, il nous a fallu patienter. Il faut dire que c’était un samedi. La plus part des occupant avaient déjà quitté le lieu. Un jeune homme, en chemise blanche et pantalon à pince de couleur noire se présenta à nous. Il s’agit de Youssouf Abdoul-Madjid, directeur opérationnel de Comor’Lab.
“On nous avais annoncé incessamment votre arrivée”, lance-t-il après nous avoir ouvert la porte d’entrée à l’aide de son badge magnétique. Il faut noter, aussi, qu’en ce samedi 18 janvier la météo n’était pas clémente. Sans compter qu’on s’y est rendu sur deux roues.
Activité intense
La visite peut commencer avec le patron des lieux comme guide. En pénétrant sur le plateau, l’hygiène, le décor, la lumière, une multitude de couleurs, rien ne nous vous laisse indiffèrent.
“Ici, c’est l’Open space (badani = salon en langue comorien). Il poursuit : “deux sortes des gens travaillent ici. Des consultants indépendants et les entrepreneurs qui détiennent des Pme. On les appels des résidents. Leur adresse est ici, tout est localisé ici. Des consultants peuvent eux aussi établir leur siège social. Mais la plus part d’entre eux sont des nomades. Eux peuvent louer l’espace en une journée, une semaine ou un mois pour travailler”. A côté, il y a une pièce en bois et baie vitrée, ornée par une table, des chaises et un téléviseur. “C’est ce qu’on appelle une bulle. Une salle de réunion qui peut accueillir jusqu’à huit personnes mise à la disposition des gens qui sont dans l’open space”.
La visite continue dans l’allée qui donne aux bureaux privés. “Des entreprises se sont installées ici”. “C’est une salle multifonctionnelle qui peut accueillir jusqu’à quarante-cinq personnes avec Internet, rétroprojecteur, etc.”, ajoute-t-il. Le lieu a accueilli beaucoup d’activité de la Bm, Efoicom, l’Uccia, l’Aenrtic. On y organise nous-même des activités. Tel que le Global start-up weekend woman, une activité de création de start-up avec beaucoup de partenaires qui a regroupé des étudiants, des élèves et des personnes qui ont des idées d’entreprises. La salle mise à la disposition des étudiants est équipée comme celle des consultants. “Au-delà du prix différent, cette salle où ils peuvent fréquenter le milieu professionnel leur permettra de développer, peut-être, d’autres aptitudes”, fait-il observer. Le prix par personne varie entre 15.000fc et 35000 dans l’espace cowoking, la demi-journée à la journée, semaine et mensuel. Une semaine pour ba’adani revient à 15.000fc alors que pour l’espace étudiant c’est pour un mois. 2MC, Kinu Ink, Nouvel Opaco, Nun Shop, Sowo wise Pazh, i2e clean. Tels sont les entreprises, syndicats et autre startup qui ont élu domicile à Comor’Lab. Si leurs domaines d’interventions diffèrent, ils ont en commun le digital. En effet, tous et toutes sont dans l’e-commerce, développeur web, cabinet de coaching, nettoyage de voitures.
Avantage divers,gain de temps, etc.
Au-delà du confort et des facilités accordées, il y la mutualisation des infrastructures avec les colocataires. “Pour nous deux choses sont intéressantes. Les facilités. Parce que quand j’avais mes bureaux, j’ai géré la logistique. J’avais du mobilier, je devais l’entretenir. Les infrastructures que j’utilisais. C’était de la location dont je devais payer et surtout m’occuper.
Ici, Comor’lab s’occupe de tout. Les bureaux, la maintenance, le ménage. Cela me laisse du temps pour m’occuper d’autres choses. Quand je me lève le matin, je ne perds pas de temps à savoir s’il y a de l’eau, de l’électricité ou de connexion. Ce temps je l’occupe à développer mon entreprise. Et vu que ce sont des infrastructures mutualisées, il y a aussi un intérêt financier”, apprécie le directeur général de la société digitale Kinu Ink Toimimou Ibrahim. La première société à avoir épousé ce concept de cowoking et déménagé à Comor’Lab.
Autre aspect. “Cet espace est censé être une communauté d’entreprises qui travaille dans le même domaine que nous, dans des domaines qui se complètent avec la synergie des idées et des compétences que cela suppose. Parce que le temps qu’on passe à se côtoyer entre entrepreneurs dans le domaine du digital, nous permet d’avoir cette proximité qui peut fait fleurir de nouveaux projets, des innovations au profit du pays”, a-t-il ajouté. Il précise : “J’ai besoin d’une compétence qui n’est pas dans la boite ? Je peux trouver chez mon voisin qui est là. Ça se fait assez facilement, parce que je peux aller jeter un coup d’œil, comme ça en avance et lui réciproquement”.
Même réaction pour chez cette stagiaire à Nun Shop, Aicha Mohamed, une Pme basées dans le digital et le e-commerce. “En tant que stagiaire, j’ai bénéficié de beaucoup des choses que je ne sais pas. Ici, j’ai les soutiens qu’il me faut, je participe à des formations, etc.”. “C’est une entreprise de communication et marketing digital et de vente en ligne. Mon travail consiste à trouver en ligne des fournisseurs, des partenaires et des potentiels acheteurs. Nous des fournisseurs malgaches, mauriciens ou autres. Là je rédige des contrat avec des fournisseurs dans les domaines de l’alimentation, des vêtements de confection et des ustensiles”.
Défis
Mais Comor’Lab ce n’est pas le confort, il y a aussi les défis à relever. Notamment sur le concept lui-même qui est nouveau dans le pays. Mais aussi un déficit de communication.
Pour le patron de Kinu ink le défi est à deux niveaux. A l’entendre, il y a un niveau de communication et de marketing pour que les gens connaissent le lieu. L’autre niveau selon lui est culturel, qui fait que les gens ne sont pas habitués. “S’asseoir et travailler côte à côte. Pour nous, un bureau c’est un milieu fermé où “tu” rentres et tu as “ta” chaise. C’est un concept nouveau et il y a un travail pédagogique à mener pour que les gens sachent apprécier les avantages”. En l’occurrence, ajoute-t-il, il y a les difficultés liées à l’état de la route à la limite du praticable.
Pour Youssouf Abdoul-Maguid, le défi consiste à créer une “synergie”. Il faut parvenir à créer des “connexions” de travail, une “complémentarité”. Par exemple ? “Moi je ne suis pas créateur de contenu, mais il a un journaliste indépendant créateur de contenu, et si je suis développeur on peut s’associer. Je créerai la maquette du site et lui développera le contenus”.
Pour l’heure, le jeune responsable du lieu ne semble être satisfait du taux de fréquentation. L’espace n’est rempli comme il le voudrait. Cependant, il est pleinement satisfait du fait que des rencontres s’y font. “Les gens collaborent entre eux”.
A l’en croire, jusqu’au 31 octobre dernier l’espace avait reçu la visite de cinq cent personnes entre les simples visiteurs, ceux qui sont venus travailler, ceux qui ont participé à des ateliers et aux autres évènements organisés. Quatre entreprises y résident, des startups qui y ont leur siège social.
Comor’Lab est un projet de l’Association comorienne des technologies de l’information ou l’Actic. “Nous nous sommes inspirés de ce qui se fait ailleurs. Il y a plusieurs concepts d’espaces de co-woking en Europe ou en Amérique. Nous avons eu l’idée de créer cet outil qui pourrait aider les jeunes grâce à un accompagnement et des formations”, insiste Naguib Mhamadi coordinateur technique de Comor’Lab dont le projet date de 2015 via le projet Rcip4.
Bienvenu et bon vent !
“Avant, les pouvoirs publics étaient réservés sur ce que l’Artic voulait pour un espace de co-woking. Ils se sont demandé pourquoi demander autant d’argent. Mais au fur et à mesure, ils ont compris. La Bm (Banque mondiale) aussi. Puis on nous a fait confiance”.
L’Open space a, d’abord, était conçu comme un espace convivial. Dans ces espaces, la proximité rend la communication plus fluide. Fini les bureaux fermés aux portes desquels les employés n’osaient pas frapper et les secrétaires qui empêchaient de s’en approcher. Désormais, la convivialité et le tutoiement sont la règle. L’atmosphère y est bon enfant et la hiérarchie moins pesante.
Le concept date des années 1960. Aux Comores, il vient juste de débarquer avec seulement deux adresses à Moroni. Bienvenu et bon vent !
Maoulida Mbae