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Cautions des investisseurs étrangers I Le président du tribunal commercial défend la décision

Cautions des investisseurs étrangers I Le président du tribunal commercial défend la décision

Économie | -   Abdou Moustoifa

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Actuellement fixée à 25 millions de francs, cette somme qui pourrait évoluer dans le temps, selon le magistrat Ahamada Hamidou, sert de garantie en cas de problèmes de l’investisseur de nationalité étrangère.

 

Le 9 novembre dernier, le Syndicat national des commerçants (Synaco), dénonçait lors d’une conférence de presse, la réouverture d’une trentaine de magasins, qui seraient détenus par des étrangers, alors qu’ils ne sont pas conformes. Selon les commerçants, les propriétaires auraient refusé de verser une caution exigée par le tribunal du commerce, dont le fondement juridique divise jusqu’ici. Mais d’après le président, Ahamada Hamidou, cette obligation de verser la somme de 25 millions de francs est tout à fait justifiable et a pour but de protéger les intérêts du pays.


«Un juge a trois rôles. Appliquer une loi qui est claire, compléter celle qui ne l’est pas, éclairer enfin voire créer quand il y a carence, ce qu’on appelle la jurisprudence. Il s’agit là de créer le droit, quand il n’y a pas de texte, en attendant que le législateur intervienne», a indiqué, dans un premier temps, le président du tribunal commercial, dans un entretien accordé à Al-watwan, mercredi. De nombreuses voix estiment, en revanche, que la caution n’est mentionnée nulle part et qu’il faudrait donc légiférer avant de demander aux investisseurs étrangers de s’en acquitter, même si son utilité fait plus ou moins l’unanimité.


«Le chef de l’État, dans ses différents discours, n’arrête pas d’appeler les investisseurs à venir au pays leur assurant qu’ils bénéficieront des mêmes droits que les locaux, notamment leur liberté de transférer les devises à l’étrangers sans restriction dès lors qu’ils paient toutes les taxes légales. C’est du moins ce que dit notre code des investissements promulgué en janvier 2021, une loi qui catégorise les types d’investisseurs reconnus par la loi», a poursuivi le magistrat qui a cité plus de deux textes pour justifier la caution de 25 millions de francs, somme qui selon lui, pourrait évoluer dès l’année prochaine.

Ohada

Le président du tribunal du commerce tient à rappeler que l’Ohada considère le capital social comme garantie des créanciers. «Je souligne que seul le registre du commerce nous permet de savoir si l’investisseur a un contentieux ou n’a pas payé un impôt. C’est pour cette raison que nous estimons qu’une garantie est plus que nécessaire», a-t-il martelé avant d’avancer les raisons qui l’ont confortées.«Nous avons aussi relevé que des investisseurs étrangers prennent l’argent de certains comoriens pour exécuter des travaux mais ils n’honorent jamais leurs engagements et fuient le pays. Le client se retrouve seul sans savoir vers qui se tourner», a illustré Ahamada Hamidou, citant par ailleurs le cas des personnes qui se présentent comme des investisseurs et contractent des prêts auprès des banques locales avant de disparaître.


«La conséquence, cela fait grimper le taux des créances douteuses et les banques les répercutent sur les taux d’intérêt des clients», déplore le président du tribunal du commerce qui a mentionné le code de 1804, en vigueur, pour justifier le fondement de sa décision. Ladite loi, prévoit selon le magistrat des conditions d’entrée des étrangers dans le pays, dont une «Caution judicatum solvi».«Le juge peut fixer une somme de la caution. Nous avons commencé par 25 millions pour les petites et moyennes entreprises et l’année prochaine ce sera 40 millions ainsi de suite. Le compte est domicilié à la Banque centrale des Comores sous la supervision du trésorier payeur général. Si un étranger s’en va, on vérifie d’abord s’il n’a aucun problème avant qu’il ne récupère ce fonds de garantie», a clarifié le magistrat avant d’ajouter que pour l’heure, ce sont les anciennes entreprises qui se conforment.

Disparition

Pour les toutes nouvelles PME, on les laisse lancer les activités d’abord. «Nous voulons surtout des gens sérieux pour investir et non le contraire. Car il se trouve que la plupart des sociétés étrangères ouvrent et repartent le lendemain avec le capital social et le registre de commerce. Personne ne les revoit. D’où l’exigence de la caution», insiste l’ex-président du tribunal de Moroni.


A la tête du tribunal commercial, lancé depuis 2020, le magistrat Ahamada Hamidou dénonce le manque d’accompagnement et de collaboration dans ce travail d’assainissement. A l’entendre, près de 40 magasins détenus par des étrangers sans le moindre cadre légal, avaient été fermés. Mais certains ont rouvert à son insu, ce qui a irrité le Synaco.
Au sein des organisations patronales du pays, tout le monde est d’accord pour la protection des commerçants locaux, sans pour autant rejeter les étrangers. «Mais que le tribunal se serve d’un cadre légal comme pour les cautions», estime un entrepreneur comorien sous le sceau de l’anonymat.

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