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Dr Ahmed Kassim : «Une monnaie des Brics pourrait bouleverser l’économie mondiale, y compris celle des Comores»

Dr Ahmed Kassim : «Une monnaie des Brics pourrait bouleverser l’économie mondiale, y compris celle des Comores»

Économie | -   Said Toihir

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Alors que les pays membres du groupe des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), bientôt rejoints par d’autres comme l’Iran ou l’Égypte, travaillent sur la création d’une monnaie commune, les questions se multiplient sur ses conséquences à l’échelle mondiale. Que peut signifier ce tournant géopolitique pour un petit pays comme les Comores ? Le journal Al-watwan s’est entretenu avec Dr Ahmed Kassim, ancien doyen de la faculté de droit de l’Université des Comores, pour en comprendre les enjeux.

 

Que signifie pour vous cette volonté des Brics de créer leur propre monnaie ?

C’est une évolution stratégique majeure. Les Brics veulent mettre fin à leur dépendance au dollar américain, qui domine actuellement les échanges commerciaux mondiaux. Avec une monnaie commune, ils pourraient renforcer leur autonomie économique et contourner les sanctions occidentales. Ce projet reflète un besoin de rééquilibrer les rapports de force dans le commerce international.

Est-ce que cette monnaie pourrait vraiment rivaliser avec le dollar ?

Pas immédiatement, bien sûr. Le dollar reste puissant, soutenu par la taille de l’économie américaine et la confiance des marchés. Mais si la monnaie des Brics est bien conçue (par exemple adossée à l’or ou à un panier de devises), elle peut gagner en crédibilité progressivement, notamment dans les échanges entre pays du Sud. Ce serait le début d’un glissement progressif vers un système monétaire multipolaire.

Et qu’en est-il des Comores ? Ce projet peut-il nous concerner ?

Absolument. Les Comores, bien qu’éloignées de ces grandes puissances, sont intégrées à l’économie mondiale. Nous importons beaucoup, notamment en utilisant l’euro et le dollar. Si les Brics réussissent leur projet, cela peut offrir de nouvelles opportunités commerciales, notamment avec des pays comme la Chine, l’Inde ou l’Afrique du Sud. Cela pourrait aussi réduire notre dépendance vis-à-vis du dollar, dont les fluctuations affectent directement nos prix à l’importation (riz, carburant, matériaux de construction, etc.).

Cela signifie-t-il que les Comores devraient se tourner vers cette nouvelle monnaie ?

Pas forcément s’y précipiter, mais s’y préparer intelligemment. Il faut anticiper les réajustements mondiaux. La Banque centrale des Comores pourrait, par exemple, réfléchir à diversifier ses réserves. Et les responsables économiques devraient suivre de près ces évolutions, surtout si les investissements des Brics se renforcent en Afrique.

Cette évolution est-elle une menace ou une opportunité pour notre pays ?

Je dirais une opportunité, à condition d’être lucides. Nous devons rester ouverts aux nouvelles dynamiques économiques sans rompre nos équilibres. La future monnaie des Brics peut servir de levier stratégique, surtout pour un pays insulaire comme le nôtre, qui cherche à mieux s’insérer dans les échanges régionaux et internationaux.

Un dernier mot ?

Ce que nous vivons est peut-être le début de la fin de l’hégémonie du dollar. C’est un changement lent, mais profond. Les Comores, comme d’autres petits États, doivent observer, analyser, et surtout préparer leur position dans ce nouvel ordre mondial.

 

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