Le gouverneur de la Banque centrale des Comores (Bcc), Younoussa Imani, se réjouit du résultat net provisoire de 1 milliard 192 millions francs affiché par le système bancaire à la fin 2017. Ce chiffre démontre une nette amélioration par rapport à décembre 2016 qui avait affiché un résultat global négatif de -520 millions francs. Cette rentabilité s’explique notamment par la réduction des pertes de certaines banques en difficultés et des résultats positifs enregistrés par d’autres institutions. Le gouverneur, Younoussa Imani, soutient que le secteur bancaire se porte mieux. “L’encours de crédit s’est amélioré de 847 millions passant de 80,8 milliards au dernier trimestre 2017 à 81,7 milliards au premier trimestre 2018, en liaison avec la progression des crédits à court et à long terme.” Idem pour l’encours des dépôts qui a également enregistré “une hausse (+1,9%) pour se situer à 99,6 milliards à fin mars 2018 contre 97,7 milliards à fin décembre 2017. Ces évolutions ont entrainé une légère hausse du total des bilans consolidés (+1%), passant de 121,7 milliards à 122,9 milliards à fin mars 2018.”
Une note d’optimisme est enregistrée sur le progrès de l’activité bancaire, avec un volume de transactions traité à la chambre de compensation qui s’élève à 180,3 milliards francs en 2017 contre 124,4 milliards francs en 2016, soit une hausse de 44,9%. La qualité du portefeuille s’est par contre dégradée, avec un taux de créances douteuses passant de 23,4% en décembre 2017 à 24,3% en mars 2018, après 20,2% en mars 2017, ceci en relation avec la mise en application du règlement N°5 de la Bcc relatif à la classification et au provisionnement des créances des établissements de crédit, pris en application de la loi bancaire.Si les résultats enregistrés “sont encourageants”, le Gouverneur reconnait que le chemin qui reste à parcourir est encore long pour une transformation structurelle des banques pour qu’elles se tournent vers des financements à long terme capable de porter l’économie vers l’émergence.
Le grand paradoxe du système financier comorien a toujours été de se retrouver “en situation de surliquidité et confronté aux contraintes conjoncturelles qui limitent les BEF à accorder que des crédits à court terme.” Cette situation place le secteur privé dans un grand dilemme et freine le développement de l’économie. Le deuxième goulot d’étranglement se situe au niveau des créances douteuses et irrécouvrables pour la plupart qui a plombé le secteur bancaire durant la dernière décennie.
Situation atypique
L’idée d’une rencontre entre les banques, le secteur privé et la justice fait son chemin pour dégager des solutions. Cette rencontre vise à offrir un cadre de réflexion pour comprendre l’origine de l’accumulation des créances douteuses, proposer des solutions pour y remédier, optimiser le financement pour répondre aux besoins de l’économie mais aussi booster la croissance économique afin de répondre à la vision de l’émergence.Pour cela, il faudra, pense le gouverneur, quadrupler le Pib et passer d’une croissance qui varie entre 2 et 3% à une croissance qui oscillera entre 8 et 10%. Dans le cadre des préparatifs de ce séminaire, la Banque centrale compte s’appuyer sur cinq consultants qui travailleront durant deux mois pour proposer des pistes sur les thèmes cités et formuler des recommandations sur les solutions concrètes répondant aux préoccupations actuelles des banques et du secteur privé d’une part et la manière de se positionner sur le marché financier et attirer des fonds moyen et long terme d’autre part.
Plusieurs pistes de réflexion sont sur la table et ce séminaire permettra de sélectionner les plus pertinentes et les mieux adaptées à la situation des Comores.
Selon lui, “l’économie comorienne révèle une situation atypique.” D’une part, le secteur bancaire et de micro finance disposent de liquidités excédentaires disponibles et faiblement rémunérées et d’autre part l’économie du pays est confrontée à de sérieux problèmes de développement en raison des difficultés rencontrées par les opérateurs et les ménages pour le financement de leurs projets. Le grand défi est de mettre en place “les moyens propres à développer un climat de confiance réciproque entre les créditeurs et les débiteurs”, un climat qui s’est profondément détérioré ces dix dernières années. Les banques déplorent l’insuffisance de garanties crédibles et le dysfonctionnement du système judiciaire qui constituent les obstacles majeurs au développement du secteur financier.
Pour Younoussa Imani, la Banque centrale des Comores s’est fixée comme objectif de réunir toutes les parties prenantes autour d’une table pour redéfinir ensemble une nouvelle ligne de conduite pour un meilleur financement du secteur privé. Il s’agit d’un projet novateur où la Bcc travaille ensemble avec les banques, la justice et le secteur privé pour améliorer les conditions des prêts et obligations auprès des entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises (Pme).
Propositions concrètes
Ce séminaire va donc “établir un diagnostic et une évaluation complète de la situation actuelle en matière de financement de l’économie par le secteur bancaire”, “identifier tous les obstacles au financement de l’économie en relation avec les différents intervenants (prêteurs, emprunteurs, Banque Centrale et justice)” et enfin “proposer des solutions concrètes répondants d’une part aux besoins des Banques pour réduire le risque crédit et d’autre part aux besoins des acteurs économiques (entreprises et ménages) pour faciliter l’accès au crédit”.Ce séminaire va s’atteler à dégager “des pistes pour la mobilisation d’autres sources de financement de l’économie” et “explorer d’autres stratégies élaborées par les autres pays d’Afrique de la Zone Franc, et de la sous-région en matière de développement du secteur financier, et para-financier, pour en tirer les enseignements nécessaires à l’élaboration d’une stratégie proprement comorienne.”
Le gouverneur a assigné à ce séminaire la mission de se pencher sur “la demande de financement en général” pour permettre “d’identifier les agents présentant des besoins de financement, leurs caractéristiques, leurs atouts et leurs faiblesses, la nature et la forme de leurs besoins en matière d’accompagnement”. Un module présentera aussi “l’offre de financement, ses limites et les outils nécessaires pour lever les barrières de cette offre de financement” notamment les questions liées aux dossiers de présentation, formations des Chefs d’entreprises dans l’expression de leur projet, la formation des spécialistes bancaires dans l’étude et la reformulation éventuelle des besoins etc... Il sera également surtout question d’élaborer “une investigation complète sur les litiges entre les banques et le secteur privé. L’objectif est de parvenir à des propositions concrètes en matière d’accélération des jugements et exécutions des décisions de la justice liées aux crédits bancaires.”
Propos recuiellis par AAA
Tableau : Les créances bancaires sur l’économie en millions FC
Source: Banque Centrale des Comores