Quel est votre état d’esprit à cinq jours de la conférence de Paris ?
Notre état d’esprit est particulièrement positif car nous venons de constater que beaucoup de pays et d’entreprises privées internationales ont répondu à notre invitation. C’est une grande satisfaction. Les Comores entretiennent de très bonnes relations avec les organisations financières internationales. Des efforts ont été fournis pour ramener le niveau d’endettement des Comores qui était de 66% à 7%. Ce sera donc un endettement soutenable qui nous permettra d’accéder à des prêts en entente avec le Fmi avec qui nous allons signer très prochainement un programme. Nous avons aussi de très bons rapports avec des Etats. Je citerai la France qui vient, par exemple, de nous accorder un don de 150 millions d’euros. Nous avons de très bons rapports avec l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, la Chine et d’autres pays qui nous soutiennent dans nos efforts de développement. Mais nous voulons miser beaucoup plus sur le secteur privé qui joue un rôle très important dans le drainage des investissements dans ce monde globalisé. Nous allons donc à Paris pour nous adresser aux institutions financières, aux Etats mais aussi au secteur privé international. Comme vous le savez, le secteur privé crée non seulement de l’argent mais aussi des emplois. Nous allons à Paris pour mobiliser le secteur privé international parce que nous avons aussi des projets qui peuvent être financés.
Et le secteur privé national ?
Les portes sont ouvertes. Si le secteur privé national souhaiterait s’impliquer, ce serait une très bonne chose. Et cela a été toujours d’ailleurs le souhait du gouvernement. Les investissements internationaux ne peuvent pas se réaliser aux Comores sans l’implication effective du secteur privé national. Il peut bien évidement prendra part à cette dynamique. Mais nous comptons bien le sensibiliser comme cela a été fait récemment en Afrique du sud où on a réuni le secteur privé local pour leur demander leur apport dans les cinq ans à venir dans les investissements du pays. Mais ça, c’est une autre histoire.
Puisque vous parler d’investissements, qu’en est-il des fonds souverains internationaux ?
Les fonds souverains sont la propriété des Etats. Ces derniers acceptent de céder une partie de leurs fonds pour aider d’autres pays, soit sous forme d’emprunts, soit sous forme de dons selon les modalités convenues. L’objectif pour certains est de mieux fructifier leurs fonds. Donc, on ne peut rien dire pour l’instant. Je sais qu’il y a des Etats qui ont été invités et qui ont confirmé leur participation. Il leur appartiendra de se prononcer sur les formes d’accompagnement financier dans un cadre de partenariat pour accompagner les ambitions des Comores en matière de développement.
Il y a le côté financier mais aussi le côté politique. Quelles sont les organisations politiques invitées à la conférence ?
L’Organisation des Nations-unies, l’Union africaine, la Ligue des Etats arabes seront là. Mais aussi de nombreuses institutions régionales et internationales. Toutes ces organisations seront là pour soutenir la démarche du président Azali Assoumani. Elles seront là surtout pour constater que le chef de l’Etat a engagé un processus d’émergence du pays d’ici à 2030 en adéquation avec la vision de la communauté internationale, je citerai par exemple les Objectifs de développement durable (Odd) de l’Onu et l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
La conférence est organisée sous le parrainage du chef de l’Etat français, Emmanuel Macron. Comment analysez-vous cette implication forte de la France?
A mon avis, cette implication traduit la volonté de refonder les relations de partenariat stratégique entre les Comores et la France. Cela ne veut pas dire que les relations n’existaient pas auparavant. Mais la vision des deux pays a pris une autre dimension tournée beaucoup plus sur le souci de la France de rendre visible son action aux Comores. La France a compris qu’il faut rendre beaucoup plus visible ses interventions aux Comores avec des grands projets qui auront des effets directs et immédiats dans les îles. Cela ne montre pas que, par le passé, la France ne nous a pas accompagnés. Elle a apporté une immense contribution notamment au niveau du capital humain. Il y a certains qui construisent mais il y a d’autres qui s’occupent de la formation. Il y a déjà un projet de formation-insertion, expérimentée par beaucoup de pays et qui permettra notamment d’accompagner les jeunes à mieux s’insérer dans la vie professionnelle.
Combien de pays ont-ils répondu favorablement à l’invitation du gouvernement comorien?
Je n’ai pas un chiffre précis mais je sais que beaucoup de pays ont confirmé leur participation à la conférence. Nous avons travaillé hier soir (dimanche 24 novembre, Ndlr) et nous avons noté plus d’une cinquantaine de pays. Un chiffre qui n’est pas définitif. Bien sûr, nous n’avons pas invité le monde entier. La salle de la Banque mondiale a une capacité de 200 places. Nous avons fait des invitations en fonction des capacités de la salle qui va accueillir la conférence.
Justement, puisque vous parler de la salle, certains ont laissé entendre qu’elle ne pouvait pas accueillir tous les invités…
La salle a une capacité de 200 places. C’est suffisant pour répondre à nos besoins en capacité d’accueil.
Le gouvernement comorien souhaite lever jusqu’à 4 milliards d’euros de fonds. Qu’est ce qui a été fait techniquement jusqu’ici pour espérer atteindre cet objectif?
Nous allons à Paris pour soumettre et vendre des projets aux partenaires et investisseurs internationaux. Nous allons convaincre nos partenaires et le secteur privé international à nous accompagner dans un cadre de partenariat gagnant-gagnant. Les opportunités sont là. Partout dans le monde, on continue, par exemple, à fabriquer des bateaux et des avions et tout cela dans le but de transporter les hommes et des marchandises. Les Comores constituent un vrai marché de 800 mille à 1 million d’habitants puisqu’il faut compter aussi la diaspora qui intervient massivement dans le pays sur le plan financier. Nous avons donc un marché.
Nous allons à Paris pour vendre ce marché auprès des opérateurs économiques internationaux, aux hommes d’affaires. Ils peuvent venir investir ici dans les infrastructures routières, dans les ports, les aéroports, le tourisme comme cela se fait partout ailleurs. Il y a des bailleurs qui financent des infrastructures et qui assurent la gestion pour récupérer leur argent. Les ouvrages reviennent la propriété des Etats après un certain délai.
Le tourisme est en premier ordre des projets phares, qu’est-ce qui vous a vraiment convaincu?
L’archipel des Comores est une destination touristique encore non exploité. Et surtout une destination touristique nouvelle avec une vision nouvelle à savoir la vision écologique qui prend en compte les aspects environnementaux. Nous avons la chance de disposer de nombreux paradis touristiques, des sites, de la faune et de la flore.
Et le tourisme impose des préalables notamment la question des déchets. Et là, nous avons des projets qui sont vendables. Et, il y a déjà, de nombreuses sollicitations, beaucoup d’investisseurs manifestent un intérêt à mettre de fonds dans des programmes de traitement et de gestion des déchets, dans l’énergie. Et le président est en train de sensibiliser à son niveau. Son message est passé parce que je suis très sollicité dans le secteur du tourisme, de l’énergie et de transformation des déchets (ramassage et traitement). Je suis très confiant quant au succès de cette conférence.
Le suivi de la conférence revient toujours sur les lèvres de nombreux citoyens. Quels sont les mécanismes mis en place pour assurer le suivi de la conférence de Paris?
Laissez-nous d’abord organiser la conférence et écouter ce que les autres vont nous apporter. Nous verrons ensuite comment gérer l’après-conférence. Nous allons ensemble nous assoir pour prioriser les actions en fonction des résultats. Mais je peux vous dire que l’esprit est le même. Ce sont des partenaires d’ordre étatique et institutionnel ou des partenaires privés. Il y a des mécanismes propres de suivi pour chaque partenaire et pour chaque investisseur privé international.
Il y a cette diaspora économique comorienne. Comment comptez-vous mobiliser les Comoriens de l’étranger qui souhaitent venir investir dans leur pays?
Notre diaspora a été mobilisée, plus particulièrement celle qui intervient dans le domaine économique. Elle a été mobilisée et a manifesté sa volonté de prendre part à la conférence. On a inscrit pas mal de nos frères et sœurs dans divers panels. Mais comme vous le dites, les Comores, c’est leur pays. La diaspora envoie beaucoup d’argent ici mais, d’une manière générale, c’est pour acheter de l’or, du riz. L’argent va beaucoup plus dans la consommation courante liée surtout aux grands mariages et aux fêtes. D’ailleurs, le phénomène gagne du terrain même en France.
Ce n’est pas une mauvaise chose parce qu’il y aussi cette envie de vivre. Mais il y a d’immenses opportunités d’investissements pour la diaspora aux Comores.
Mais, toujours, si demain, des opérateurs économiques internationaux veulent investir aux Comores, on peut réserver une part importante à notre diaspora pour qu’elle puisse s’associer avec des investisseurs. Je sais qu’il y a beaucoup de Comoriens qui ont beaucoup d’argent, qui investissent en France, en Tunisie, en Allemagne et même aux États-Unis et qui peuvent engager des investissements dans leur pays. C’est donc le moment de le faire. C’est le vœu que je peux formuler.
La Banque mondiale, le Pnud, l’Afd jouent un rôle très important dans ce processus. Sur le plan technique et organisationnel, où en est-on exactement ?
Il n’y a aucun problème particulier pour le moment. On s’achemine tout droit vers la conférence de Paris. Il y a ceux qui sont à Paris et qui travaillent régulièrement. Nous prenons au jour le jour les dispositions nécessaires à la réussite de cet évènement. Tout se passe comme prévu.
Y a-t-il un message particulier?
Le message est le même. Nous allons à Paris pour convaincre nos partenaires traditionnels et le secteur privé international à accompagner les Comores dans cette vision de l’émergence du pays. Et là, je m’adresse plus particulièrement à certains membres de la diaspora installée en France. Bien évidemment, personne ne peut contester leur combat. Cette diaspora a des objectifs, un combat et une façon de voir les choses qui lui est propre et qui n’est pas forcement celle que nous incarnons. Nous sentons que le pays va de l’avant. Cette diaspora est très importante, elle joue son rôle ici. Mais le rôle attendu de la diaspora consiste à investir dans le développement du pays. L’investissement, ce n’est pas acheter de l’or à Dubaï ou des meubles en Chine mais de créer de la valeur ajoutée et des emplois. J’encourage cette diaspora à revenir au pays pour y investir.
Propos recueillis par
A.S.Kemba