Les investissements de Duval aux Comores ne sont toujours pas au rendez-vous, trois ans après, «une mission de prospection» dans les îles au terme de laquelle les hauts responsables du groupe avaient promis de soutenir des projets stratégiques susceptibles de booster des secteurs clés de l’économie comorienne.
Éric Duval, à la tête d’une forte délégation est arrivée aux Comores en avril 2017. L’homme d’affaires a été reçu en audience par le chef de l’Etat, Azali Assoumani, avec l’engagement de soutenir des projets dans les secteurs de l’hôtellerie et du tourisme, innover dans la microfinance, lancer une unité de transformation de l’ylang ylang comorienne, soutenir une politique de gestion des déchets et ouvrir un centre commercial.
Un mirage financier ?
L’engagement phare n’est autre que la recapitalisation de la Banque de développement des Comores (Bdc) avec la promesse d’injecter des fonds pour relever les capacités financières de l’établissement confrontée à de sérieuses difficultés de trésorerie. «Nous avons toujours cru au groupe, notre but est d’aider des entreprises étrangères à venir investir dans le pays pour soutenir l’économie, créer des emplois et des services, c’est l’ambition du chef de l’Etat», a soutenu une source gouvernementale.
Le Groupe Duval deviendra alors actionnaire majoritaire à la Bdc avec 52% des parts après la cession des actions de l’Agence française de développement (Afd) et celles de l’I&P, un autre groupe français. «Le gouvernement a tout fait, il s’est battu pour que Duval vienne aux Comores car nous avons toujours voulu qu’un grand groupe comme Duval accompagne la politique du président», poursuit notre source. Mais, deux ans après, les patrons de la holding française sont toujours en 2018. Il est difficile de spéculer si le groupe dispose ou pas des capacités financières à la hauteur de ses ambitions aux Comores ou s’il s’agit d’un mirage financier.
Au fil des mois, le ratio de liquidité de la banque commence à inquiéter d’abord les responsables de l’établissement qui en informent régulièrement le régulateur. Faute de provisions, la Bdc voit ses ratios prudentiels se détériorer. La Banque centrale des Comores (Bcc) décidera alors de placer l’institution sous observation en octobre 2019 avant de passer à la vitesse supérieure en plaçant, depuis le 18 mai dernier, «sous administration provisoire». En cause ? Le non-respect des engagements de Duval. Le régulateur avait indiqué que «le financement attendu est de 7 millions d’euros dont 2 millions d’euros pour les investissements», d’après son courrier N°433/2020/Dsbr, adressé à Duval via sa filiale Finafrica. «Le montant minimal requis pour la recapitalisation est estimé à 1,6 milliard de francs», avaient rappelé les autorités monétaires.
Il s’agit, selon Younoussa Imani, de permettre aux actionnaires de se retrouver pour décider des mesures à prendre pouvant permettre à l’établissement de retrouver ses équilibres nécessaires. Un administrateur sera alors nommé par la Bcc en la personne de Hassane Azali, considéré comme un maillon aguerri du système bancaire.
Le doyen, tout comme l’administrateur nommé à la Bfc, avaient «pour mission de présenter des plans de restructuration qui doivent avoir pour objectif, la reconstitution des fonds propres de chacun des établissements concernés», selon leurs lettres de missions. Deux mois après, l’administrateur de la Bdc dit ne pas vouloir s’exprimer avant la réunion des actionnaires. «Je ne souhaite pas m’exprimer avant la tenue de l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la banque», a-t-il concédé. A la question de savoir à quand aura lieu cette assemblée générale des actionnaires, Hassane Azali répond : «vous allez l’apprendre prochainement».
Malgré le non-respect des promesses du repreneur, la Banque de développement des Comores poursuit ses services au profit de sa clientèle. L’établissement a connu «de légères performances» en 2019 comparées à celles de l’année 2018. Les responsables avaient annoncé «une hausse» du Produit net bancaire (Pnb) comparé à celui de l’année 2019 mais aussi «une hausse de 40% des crédits aux entreprises par rapport à 2018».
Une spoliation de la banque
L’investissement du groupe français reste aujourd’hui le plus grand inconnu puisqu’à ce jour «il n’y a eu aucun euro versé», selon nos sources. A rappeler que la Bdc a été détenue, depuis 2014, par le groupe Investissement et Partenaires (I&P) à la tête duquel se trouvait Pierre Carpentier, lui-même devenu le maître d’œuvre de l’opération d’acquisition des parts d’action au profit du groupe Duval. Pierre Carpentier est à la tête de la Finafrica, la filiale de Duval qui assure «la gestion des gros investissements» du groupe. Sauf que de nombreux medias africains continuent à se poser de nombreuses questions sur les promesses faites par Duval à de nombreuses institutions opérant dans les secteurs de la microfinance et de l’immobilier, comme l’a d’ailleurs rappelé en avril dernier l’agence ecofin dans un article sur les promesses d’investissements du groupe français en Afrique de l’Ouest notamment.
Aux Comores, il était question de transférer «la partie Micro-finance» de la Bdc à Finadev mais les modalités de cette scission des services n’avaient pas fait l’unanimité dans les rangs des cadres de l’établissement. Ces derniers craignaient une spoliation de la banque alors que le Groupe Duval n’avait toujours pas ouvert le compte de provisions promis d’un montant de 7 millions d’euros. Une promesse qui est restée aujourd’hui toujours en l’état. Mais, pour des techniciens comoriens, le non-respect, aujourd’hui, des engagements par Duval ne signifie pas pour autant que le groupe n’allait pas, demain, se ressaisir pour se mettre à jour. Les autorités contactées ont refusé de se prononcer sur le dossier Duval, estimant que celui-ci se trouve aux mains du régulateur.
A.S. Kemba