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La prévision de recettes budgétaires : Un exercice technique essentiel pour le pilotage des finances publiques

La prévision de recettes budgétaires : Un exercice technique essentiel pour le pilotage des finances publiques

Économie | -   Contributeur

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Michel Bua et Ibrahim Ahamada (Fonds monétaire international) ont abordé dans un long article, la question de la prévision des recettes budgétaires plaidant pour “un travail rigoureux aussi bien dans la préparation, le suivi en exécution, que lors de l’évaluation a posteriori pour en tirer les leçons pour l’avenir”. Ils prennent appui de leur argumentaire, “la récente révision de la loi de finances 2017” qui selon les auteurs de l’article, “illustre la nécessité de la bonne prévision des recettes budgétaires, qu’elles soient fiscales ou non fiscales”. Ils développent les trois paramètres qui “doivent être notamment prises en compte lors de la préparation du budget” notamment les perspectives économiques et leurs impacts sur les recettes ; les mesures de politique fiscale nouvelle ; et enfin l’amélioration de la performance escomptée des administrations de recettes.

 

La collecte des recettes budgétaires et leur utilisation à travers l’exécution de la loi de finances, constitue un élément central des politiques publiques d’un gouvernement. Aussi, celles-ci doivent faire l’objet d’un travail rigoureux aussi bien dans la préparation, le suivi en exécution, que lors de l’évaluation a posteriori pour en tirer les leçons pour l’avenir.

La récente révision de la loi de finances 2017 illustre la nécessité de la bonne prévision des recettes budgétaires, qu’elles soient fiscales ou non fiscales. Il n’est pas inhabituel que le cadrage budgétaire d’un pays soit revu à la hausse ou à la baisse pour tenir compte des fluctuations de la conjoncture et son impact sur les recettes effectivement collectées mais aussi pour répondre à des besoins inattendus en dépenses (évènement politique, climatique, conflit armé…). Sauf évènement exceptionnel, la bonne qualité de la préparation budgétaire doit normalement limiter l’importance de la révision budgétaire.

Trois paramètres doivent être notamment prises en compte lors de la préparation du budget dans la prévision de recettes qui doit être établie par nature d’impôt et non pas sur un montant global de recettes escompté ex nihilo. Il s’agit :
- des perspectives économiques et leurs impacts sur les recettes ;
- les mesures de politique fiscale nouvelles ;
- et enfin l’amélioration de la performance escomptée des administrations de recettes.

Pour être efficace, la prévision des recettes budgétaires doit s’inscrire dans le respect des grands principes de finances publiques notamment ceux de l’unité et de l’universalité budgétaires. Elle doit aussi se faire sur des bases réalistes en visant l’exhaustivité des recettes en distinguant clairement recettes cash, recettes d’ordre et recettes résultant d’opérations d’annulation de dettes croisées.

En effet, il est essentiel que les prévisions de recettes soient établies sur l’empirisme et non pas sur l’intégralité d’un potentiel fiscal estimé aussi justement soit-il. Il est tout à fait exceptionnel que l‘intégralité d’un potentiel soit atteint même pour des administrations fiscales extrêmement performantes. La progression de la performance dans la collecte des recettes est nécessairement graduelle.

Par expérience, on sait que gagner 1 à 2 points de pression fiscale en une année constitue une amélioration significative de la performance même pour une administration qui met effectivement en place des réformes. Les évolutions enregistrées par Maurice, les Seychelles ou encore le Cap Vert, pays qui ont pourtant connu des transitions fiscales importantes au cours de ces quinze dernières années, reflètent cette incontournable réalité. 

La prévision des recettes budgétaires est un exercice avant tout technique, une fois les propositions de mesures de politiques fiscales arrêtées, qui relèvent plus de la sphère politique. En effet, il s’agit sur la base des constats passés, de prendre en compte les incidences attendues de la conjoncture macroéconomique et des perspectives mais aussi d’évaluer la performance à attendre des administrations fiscales. Il ne s’agit pas uniquement des performances financières mais avant tout en termes d’activités, impôt par impôt, dans les différentes actions que doit conduire l’administration fiscale dont notamment l’identification des contribuables, le suivi déclaratif, le contrôle de l’assiette et enfin le recouvrement.

De manière plus concrète, constater par exemple qu’une partie des importateurs en douane réguliers ne sont pas immatriculés par l’administration fiscale doit conduire à la prise de mesures visant à leur immatriculation sur la base de renseignements ou du croisement des informations (1).

La mise en œuvre de ces mesures doit faire l’objet d’un suivi statistique régulier pour en mesurer l’efficacité. Dans le même ordre d’idée, le constat d’une forte défaillance déclarative des contribuables déjà immatriculés doit immédiatement se traduire par une politique de mises en demeure des défaillants et au besoin leur taxation si les déclarations ne sont pas déposées. Des indicateurs répondant aux standards internationaux rendent compte de la performance relative d’une administration et constituent des facteurs d’alerte (2).

En conclusion, le pilotage des administrations de recettes et plus largement celui des finances publiques et celui de la prévision de recettes en amont, doivent être conduits sur la base de la collecte et l’exploitation d’informations statistiques rendant compte précisément de l’efficacité des administrations et des activités réalisées pour en améliorer les performances. Ils ne doivent pas être circonscrits à l’exigence d’un montant de recettes attendues. Il est significatif que le Ministre des finances ait pris la mesure de cette difficulté en s’investissant personnellement dans la mise en œuvre des recommandations des rapports d’assistance technique.  
   
Michel Bua et Ibrahim Ahamada

(1) l’information entre administrations et donc une meilleure maitrise du fichier des contribuables.
(2) Par exemple, un taux de dépôt des déclarations à l’échéance inférieur à 95% pour les grands contribuables constituent un facteur d’alerte, de même le ratio valeurs importées / PIB produit par la douane doit faire l’objet d’un suivi attentif comparé avec des pays aux caractéristiques analogues.

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