Le président Azali Assoumani a mobilisé ses équipes, dès la formation de son premier gouvernement, pour procéder à une révision de fond en comble de la “Stratégie de croissance accélérée et de développement durable”, la Sca2d. Son objectif est d’aligner ce programme pays sur les priorités du gouvernement, notamment en matière d’énergie et d’infrastructures et de cadrer ou réorienter les projets retenus autour des Objectifs de développement durable (Odd) des Nations unies. Cette révision répond à un engagement pris et répété dans toutes ses allocutions : celui de fédérer toutes les initiatives à une vision commune à long terme autour du concept d’émergence à l’horizon 2030. C’est dire que l’enjeu est de taille et l’ambition presque un rêve.
La “Stratégie de croissance accélérée et de développement durable” (Sca2d) réalisée en 2015 a l’ambition de faire des Comores un pays émergent “respectueux des droits de l’Homme, de l’égalité de genre et promouvant l’Etat de droit”.
Les Comores visent haut, très haut : porter le taux de croissance annuel du Pib réel à 6,1 % en moyenne en inscrivant, comme priorités de cette stratégie, la croissance durable, l’emploi, l’adaptation aux changements climatiques et la bonne gouvernance.
Quatre priorités
Ces priorités tournent autour des quatre axes stratégiques, la première étant “l’accélération, la diversification et la durabilité de la croissance” en apportant un soutien conséquent aux filières économiques, notamment l’agriculture et la pêche, et la protection de l’environnement par l’institution et la préservation d’un réseau d’aires protégées.
La deuxième priorité a trait au “développement des infrastructures de soutien à la croissance”, notamment les ports, les routes, les réseaux de communication et d’électricité.
Vient ensuite, en “axe 3”, le “renforcement de l’accès aux services sociaux de base et à la résilience des ménages”. (Éducation, eau et assainissement, santé, emploi, etc.).
L’”axe 4” porte sur “le renforcement de la gouvernance et des capacités de résilience institutionnelle et humaine”, par l’amélioration du système judiciaire et des services décentralisés, la réforme de la Fonction publique (Fop). Le budget prévisionnel proposé en 2014 était de 625 milliards de francs comoriens soit, environ 1,5 milliards de dollars américains (ou encore 1,27 milliards d’euros), la majorité des dépenses prévisionnelles est destinée aux infrastructures et notamment la réhabilitation des ports.
Le “Profil pays 2017” élaboré par la Commission économique pour l’Afrique indique que l’économie comorienne n’a pratiquement pas d’existence. Sa structure ressemble à celle des “petits états insulaires tel que défini par le modèle MIR AB (Bertram &Watters, 1985), un acronyme qui veut dire Migration, Remittances, Aid Financed and Bureaucracy”.
Un modèle économique qui survit grâce aux envois de fond de sa diaspora et l’aide internationale qui couvre l’important déficit commercial, dans un environnement ou le secteur privé n’est pas dynamique et le secteur public important mais peu efficace.
L’un des défis majeurs de la prochaine décennie reste la victoire sur le chômage. Des sources de l’Institut national de la statistique et des études démographiques (Inseed) indiquent que la part des inactifs a augmenté entre 2003 et 2013 passant de 47 % à 50 %.
Ses statistiques reprises dans le “Profil pays 2017” de la Commission économique pour l’Afrique démontre que “le taux de chômage se situerait au sens strict du BIT entre 10,6 % et 13,5 %. Les trois quarts des emplois seraient pourvus par des structures informelles, notamment le secteur agricole. Le secteur de l’administration publique s’est développé passant de 3 % à 16 % de la population active et les activités commerciales, qui occupaient seulement 2 % de la population, occupent maintenant près de 15 % des actifs. En revanche, le secteur industriel s’est peu développé attirant seulement 8 % des actifs contre 5,5 % en 1980”.
Politique volontariste
En 2017, on prévoyait un taux de croissance de 3 % marquant une légère reprise amorcée en 2016 après une période de ralentissement en 2014 et 2015 due à la crise prolongée de l’approvisionnement en électricité qui a porté un coup fatal à la croissance économique, causant ainsi une faible exécution du Programme d’investissements publics (Pip).
Cette reprise s’explique par une politique volontariste qui s’est traduit par la construction de trois nouvelles centrales thermiques pour mettre fin aux graves pénuries de courant électrique, et la reprise des activités de la mise en place d’une centrale à fuel lourd.
Le taux de croissance 3 % enregistré reste en dessous des taux des autres pays d’Afrique de l’Est et par rapport au taux de croissance démographique qui est estimé à 2,5 %. Cette croissance reste, également, en deçà de la cible de 6,1 % fixée par la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable.
Le gouvernement cherche à stimuler l’économie par la mise en œuvre d’un plan d’investissement ambitieux ciblant les infrastructures. Après l’amélioration de la fourniture en électricité, mettant fin aux fréquentes pénuries, le gouvernement s’emploie à moderniser la Fonction publique et à améliorer le recouvrement des recettes fiscales, afin d’accroître les capacités de financement des dépenses d’équipement.
L’économie est soutenue par les envois des fonds de la diaspora qui représentent plus de 20 % du Pib. Ces transferts financiers constituent une condition essentielle à l’équilibre de l’économie nationale. La balance commerciale est structurellement déficitaire, avec des exportations reposant sur la vanille, le girofle et l’ylang-ylang et des importations, qui représentent près de 40 % du Pib.
L’enjeu est d’inverser cette tendance et de faire en sorte que l’économie des Comores soit portée par les secteurs à forte croissance à savoir le tourisme, la pêche et l’agriculture.
Les enjeux
Assiste-t-on ces dernières années à une transformation structurelle de l’économie des Comores? Entre 1984 et 2014, la structure de Pib n’a pas évolué, la part du secteur industriel a diminué au profit du secteur des services. Au niveau de la structure de l’emploi, des changements notoires se sont opérés, la part de la population active dans le secteur agricole passe de 74 % à 42 % entre 1980 et 2013. Cette transformation ne s’est pas produite à l’avantage de secteurs à plus forte productivité.
On peut donc conclure que les Comores n’ont pas connu de transformation structurelle de leur économie pouvant conduire à une accélération et une amélioration de la croissance.
Résultat : le niveau de pauvreté touche 34,5 % de la population. Avec un revenu annuel de 759 dollars des États unis par habitant, selon les estimations de la Banque mondiale, les Comores se placent au 160ème rang sur cent quatre vingt huit pays en matière de développement humain.
Cependant, les efforts menés pour améliorer l’environnement des affaires sous l’impulsion des associations et syndicats des chefs d’entreprises, notamment en matière de transfert de propriété et d’obtention des prêts, ont produit des effets dans le classement Doing business de la Banque mondiale, les Comores passant de la 159ème place en 2015 à la 153ème place en 2016.
Il a fallu, juste, un an d’atermoiements par rapport aux mesures à prendre et Doing Business rétrograde les Comores du classement mondial, de la 153ème à la 158ème place, selon une évaluation des indicateurs quantitatifs sur la réglementation des affaires ainsi que sur la protection des droits de propriété de cent quatre vingt dix économies.
Du plan d’investissement quinquennal
Pour s’inscrire dans le processus menant à l’émergence, le gouvernement présente un plan d’investissement quinquennal (Piq) 2016 -2021, dont 70 % du budget prévisionnel est consacré aux infrastructures. L’action cible, en priorité, le réseau routier considéré comme un frein au développement. Les projets pharaoniques qui sont programmés touchent à la construction d’un complexe hospitalier de référence, d’un nouvel aéroport et d’un port en eau profonde à Ngazidja dans le cadre de partenariats public-privés avec des sociétés chinoises, ainsi que le développement de structures hôtelières, dont le plus ambitieux est la reprise de Galawa par le groupe Armada et l’extension par le Turkys Group of companies, Vigor, de l’hôtel Golden Tulip (l’hôtel Itsandra).
Avec ses faiblesses économiques touchant de nombreux secteurs, l’une des sources de la stabilité économique des Comores demeure le rattachement du franc comorien à l’euro.
La parité entre le franc comorien et l’euro constitue par contre et de l’avis de nombreuses études, un obstacle de taille au développement des exportations comoriennes, même si elle offre la garantie d’une stabilité économique et du maintien du prix des importations.
L’inflation a, quant à elle, été maitrisée en raison de la baisse du prix des produits pétroliers et des mesures prises par le gouvernement pour maîtriser les prix des produits de première nécessité, analyse la Banque centrale des Comores
Rassemblés par Ahmed Ali Amir
Source :
- Commission économique pour l’Afrique (Profil pays 2017)
- Banque centrale des Comores
- Statistiques de l’Institut national de la statistique et des études démographiques (Inseed)
- Al-watwan Magazine