Au lendemain du premier jour du mois sacré de ramadan [notre reportage étant réalisé lundi], les marchés de Moroni grouillent de monde. Il est 9 heures et le Petit marché de la capitale ou «shindo shahale» est plein à craquer.
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Certains font les cent pas, d’autres se sentent perdus, mais très peu essaient de marchander. La raison est simple. Les prix annoncés par les autorités nationales pour ce mois béni sont loin d’être ceux pratiqués en réalité.
Certains n’en croient pas à leurs yeux. C’est le cas de deux femmes habillées en «Shiromani». L’une d’elles confiera avoir passé deux heures à faire le tour du Petit marché sans trouver chaussures à son pied. L’autre expliquera qu’il y a, en fait, une réduction des prix «mais, verbalement».
Annoncé à 400 fc le kilo, un tas de bananes continue de s’écouler à 1000 fc, le thon blanc est à 1500 fc le kilo au lieu des 1250 à 1400 fc annoncés. Quant à la viande congelée, elle est à 2200 au lieu de 1750 fc au maximum.
Les vendeuses refusent catégoriquement de vendre le kilo de patate douce à 350 fc au lieu de 1000 fc le tas, ou le manioc à 300 fc au lieu de 1000 fc. Quant au tarot rouge dont le kilo est évalué à 700, le tas se discute à partir de 2000 fc.
L’envahissement des produits agricoles importés
Papotant avec ses clients, Maman Madjanazi, originaire de Mwadja-ya-Hamahamet, pointe du doigt les autorités. Selon elle, les prix ne peuvent pas baisser tant que les vendeurs en gros ne seront pas contrôlés. Elle s’acharnera contre l’importation de produits cultivés sur place, notamment les tarots et le manioc, entre autres.
Les poissons continuent de fleurir au Petit marché. Dans ce secteur, les vendeurs se passeront le mot pour ne répondre à aucune question de notre part. Nous réussirons tout de même à constater que le kilo du thon rouge est moins cher qu’annoncé puisqu’il se vend à 1000 fc.
En revanche, le thon blanc connaît une hausse de 100 fc et les vendeurs en assument. «Va appeler les politiques pour qu’ils viennent acheter au prix de 1000 fc», s’écriera l’un d’eux.
Par la suite, nous rencontrons une gérante d’un magasin qui vend en gros et en détail. Elle optera pour le statut anonyme. Perchée sur une chaise confortable et contemplant les efforts de son employé, elle marquera son étonnement vis-à-vis du comportement des consommateurs.
«Nous ne savons pas ce que les clients veulent», dira-t-elle. En clair, elle estime que les clients refusent d’acheter les produits moins chers dès lors que la concurrence les vend au prix fort sur fond de suspicion sur la qualité du produit.
Désormais, elle vend le kilo de viande à 2200 fc et le kilo d’ailes de poulet à 1100 fc loin des prix exigés par les autorités. Avant de quitter les lieux, une dame qui vendait des tarots et du manioc nous interpellera. «Vous devriez diminuer les prix chez les grossistes, notamment la viande ou le poulet et arrêter de venir nous embêter.
Si j’achète le sac de tarots rouges à 25.000 fc, je ne vois pas comment je vais accepter de peser ou de vendre à perte», tranchera-t-elle. Une idée originale sera avancée par Maman Madjanazi qui proposera la création d’«un marché d’Etat» où l’on vendrait les produits importés ou cultivés par les agents étatiques.
Prix en baisse au Snac
Au grand marché de la capitale, Volovolo situé au nord de la ville, les choses ne sont guère différentes. Les vendeurs nous interpellent, mais dès que nous déclinons notre identité, ils refusent de se confier à nous. Jusqu’à ce que nous remarquions la présence du service de contrôle des prix. Ce dernier par l’un de ses représentants estimera que les prix sont globalement respectés.
Mais lorsque nous l’avons mis devant le fait accompli, il se démontera. Nez-à-nez devant un vendeur de viande qui pratique un prix exorbitant, à savoir 2000 fc au lieu de 1200 à 1750 fc, le poisson vendu à 1500 fc au lieu de 1400 ou le sucre à 600 fc au lieu de 550 fc, le chef du service des prix, Abdillah Mmadi, changera radicalement de discours.
«Nous sommes là, mais nous manquons de moyens de transport pour ramener les récalcitrants aux fins de s’expliquer. La direction n’est pas véhiculée raison pour laquelle nous éprouvons des difficultés», dira-t-il. Un vendeur de poissons criera, à un moment, qu’il vend à 1500 fc parce que le gouvernement ne lui a rien donné à vendre.
Cette phrase aura le mérite de provoquer l’ire de Mchangama Abdou, un consommateur venu s’approvisionner. «La faute revient aux consommateurs parce que le gouvernement a fait son devoir», pestera-t-il.
Pour trouver un marché où les prix annoncés sont plus ou moins respectés, il fallait se rendre à la centrale d’achat du Snac (Syndicat national des agriculteurs Comoriens) qui se trouve tout près de la Meck-Moroni. Ici, tous les produits sont vendus au kilogramme.
Pourtant, un responsable technique nous assurera que les prix sont pratiqués en fonction des producteurs parce que les autorités n’auraient pas associé le Snac dans la fixation des prix. Ici, le kilo de tarot blanc est à 350 fc, tarot rouge à 750 fc, la banane à 400 fc ou 300 fc selon la qualité, le manioc à 400 fc, les tomates à 1000 fc.
Entre le producteur et le vendeur, il y aurait une marge de 100 fc pour chaque produit et par kilogramme. Suivant les échanges, Abdou Ali nous confiera que si jamais le gouvernement interpellait le Snac sur les prix et que les producteurs se montraient inflexibles, ils cesseraient leurs activités.
Que les agents du service des prix fassent leur travail. Les Comoriens n’attendent que ça !