L’activité économique s’est contractée en 2019. C’est la conclusion faite par la Banque centrale des Comores (Bcc) dans sa note de conjoncture du premier semestre 2019 complétée quatre mois plus tard par d’autres données consolidées. L’institution estime que la tempête tropicale Kenneth qui a frappé les Comores au mois d’avril 2019 a infligé un sérieux coup aux secteurs porteurs de croissance. «Certains indicateurs se sont détériorés, alors que d’autres se sont améliorés en comparaison avec leur niveau du deuxième trimestre 2019, sous l’effet de la reconstruction après le passage du cyclone», a souligné Younoussa Imani à la première page du dernier bulletin trimestriel de la Banque centrale mis en ligne en octobre 2019.
Le secteur agricole
L’agriculture bien qu’elle est détrônée désormais par le secteur des services en termes d’apport à la croissance a vu son offre se tarir et sa valeur diminuer à cause des dégâts enregistrés sur l’ensemble du pays. Des zones agricoles rasées, des récoltes détruites et des professionnels du secteur qui ont du mal à se remettre de la catastrophe.
«Le secteur agricole qui a été le plus touché par le passage du cyclone devrait enregistrer une baisse de sa valeur ajoutée brute de près de 4,7% imputable principalement à la chute de l’offre de production vivrières notamment de bananes et des fruits», indique la note de conjoncture de la Bcc. Celle-ci précise que le secteur primaire, «dans sa globalité», n’a pas été totalement affecté «en raison du dynamisme attendu dans les autres sous-secteurs notamment la sylviculture et la pêche», avec une baisse de sa valeur estimée à 0,6%.
En 2018, le secteur primaire avait connu une légère progression de 2,6%. «Les branches de l’agriculture, de la pêche et de l’élevage y contribuant respectivement à hauteur de 0,3%, 0,6% et 0,4% à la croissance du secteur», avait écrit la Bcc dans son rapport 2018. Cette année 2019, la tendance n’est pas meilleure. «Ce repli serait en grande partie expliqué par la baisse des revenus des ménages agricoles», souligne la note de conjoncture 2019.
Une hausse de 16,8% des
dépenses en investissements
Les autres secteurs ont résisté tant bien que mal aux chocs du cyclone même si le rythme des activités n’est toujours pas enviable. Le secteur secondaire a certes progressé de 3% en 2019 mais sa part à la croissance (0,3%) reste la même que l’année 2018, à la lecture des données de la Banque centrale. «Le secteur a enregistré un taux de croissance de 2,9% en 2018 contre un repli de 2,7% en 2017 et a contribué à hauteur de 0,3 % à la croissance du PIB», lit-on.
Les analystes de la Bcc considèrent, toutefois, que le plan de reconstruction post-Kenneth pourrait contenir une partie de dégâts et éviter une chute exponentielle de la croissance estimée à 2,4% en 2019 contre 3,8% en 2018. Le secteur secondaire vient en sauveur et voit sa contribution à la croissance du Pib se stabiliser. Les grands travaux d’infrastructures engagés dans le pays au courant de l’année 2017 et qui s’étaient poursuivis en 2018, les transferts de fonds en raison des festivités des grands-mariages ont permis au secteur de maintenir son rythme.
«Le secteur secondaire devrait être le seul secteur qui verrait son rythme de croissance s’améliorer, en liaison avec la reconstruction qui engendrerait une hausse de l’activité dans les sous-secteurs connexes tels que la métallurgique, la menuiserie et les activités extractives», précise la note de conjoncture qui annonce une hausse de 16,8% des dépenses en investissements avec la possibilité de compenser, in fine, certains effets qui pourraient impacter négativement la croissance.
La vanille, l’ylang ylang et le girofle
La note de conjoncture souligne que le secteur tertiaire, «principal moteur de la croissance», a perdu lui aussi son rythme à cause des effets transversaux liés aux conséquences directes de la tempête. Mais le secteur gardera son statut de premier levier de la croissance. «Sa contribution à la croissance du Pib serait de 2%, en liaison avec la vigueur de la production des services d’hébergement et de restauration, des services de transport et des services de l’information et de la communication», affirme la Bcc qui ajoute que «les rythmes de croissance des services financiers et des services de l’administration centrale devraient augmenter pour répondre aux besoins de financement de l’économie».
Malgré les effets dévastateurs du cyclone, la Bcc constate une hausse de la valeur des exportations qui passe de 5,7 milliards de francs comoriens au premier semestre à 11,2 milliards de francs à la même période en 2019.
Selon les chiffres de la Bcc, cette embellie des exportations, on la doit en grande partie aux principaux produits de rente : la vanille, l’ylang ylang et le girofle. On apprend que la valeur globale de ces trois produits est de 5,1 milliards de francs comoriens en 2019 contre 4,7 milliards au premier semestre 2018. C’est l’ylang ylang qui a enregistré la plus importante hausse avec 2,6 milliards de recettes en 2019 contre 0,9 milliard toujours au premier semestre. La vanille est en deuxième position avec 2,3 milliards en 2019 contre 0,2 milliard à la même période.
Le girofle a connu une chute spectaculaire de ses recettes en 2019. «Malgré la performance enregistrée au premier semestre 2018, les recettes de girofle ont subi une forte contraction, s’établissant à 0,2 milliard FC seulement contre 3,7 milliards FC au 1er semestre 2018», indique la note de conjoncture de la Bcc.
La Bcc note une hausse des recettes du girofle au troisième trimestre 2019 «estimées à 1,8 milliard». Mais les chiffres demeurent toujours mauvais si on tient compte à la valeur notée au premier semestre 2018. «Par rapport à la même période de 2018, elles (les recettes, Ndlr) sont en baisse de 37,2%», explique la Bcc dans son bulletin du troisième trimestre 2019.
En gros, l’économie a connu une légère amélioration en 2018, grâce à la consolidation de nombreux projets stratégiques. «Les activités des secteurs tertiaire et secondaire ont enregistré des taux de croissance respectifs de 3,9% et 2,9% grâce au dynamisme des Btp et au maintien des performances au niveau des transports et communications», a reconnu le gouverneur de la banque centrale.
Une reprise de l’activité économique
«L’activité économique a maintenu son dynamisme grâce à l’amélioration significative de l’offre énergétique et à la hausse des investissements publics, notamment dans les infrastructures de base observée ces dernières années, avec une croissance de PIB de 3,8% en 2018 comme en 2017», souligne le rapport 2018 de la Bcc. Malgré le cyclone Kenneth, les prévisionnistes espèrent une reprise de l’activité économique cette année 2020 grâce aux perspectives d’investissements dans de nombreux secteurs. Le plan de reconstruction Post-Kenneth pourrait inverser la donne à moyen terme et permettre à l’ensemble des secteurs durement touchés par le cyclone de se remettre progressivement. Des fonds de reconstruction (écoles, routes, infrastructures sanitaires) ont été annoncés par le gouvernement comorien et les partenaires au développement.
AS. Kemba