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Programme de citoyenneté économique : La Mafia au sommet de l’Etat

Programme de citoyenneté économique : La Mafia au sommet de l’Etat

Économie | -   Abdallah Mzembaba

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Le rapport de la commission parlementaire sur le programme de la citoyenneté économique n’a pas été communiqué officiellement, mais circule sous le manteau. Les révélations de ce rapport donnent des sueurs froides, tant sur les ampleurs des réseaux d’influence qui gravitent autour des Comores que de la complicité fragrante des autorités qui ont eu en charge ce dossier. Ce programme censé soutenir le développement des Comores n’a finalement servi que des intérêts privés tout en mettant gravement en péril la sécurité du pays. Des personnalités sulfureuses, des criminels recherchés sont détenteurs du passeport comorien, ordinaire comme diplomatique. Le programme a les allures d’une entreprise criminelle. Nous reviendrons amplement sur cette affaire dans nos prochaines éditions.

 

Le programme de citoyenneté économique est un vieux projet relancé à plusieurs reprises depuis Djohar jusqu’au colonel Azali en passant par le président Taki. Il n’a été finalement conclu que sous Ahmed Abdallah Sambi. Le président élu confortablement trouve dans ce projet une source intarissable pour financer à moindre frais son ambitieux programme du logement décent pour tous. Convoqué en séance extraordinaire, un projet de loi portant

 

modification de certaines dispositions du code de la nationalité comorienne

 

a été soumis mais fort heureusement rejeté. Réintroduit au mois d’octobre 2008, sous une autre appellation, le projet relatif à la citoyenneté économique sera adopté le 27 novembre dans une grande confusion et sans la présence à la séance du président de l’Assemblée. Le projet échappe totalement au contrôle des instances régulières du pays et devient presque la chose des décideurs politiques des finances, de l’intérieur et de la présidence sous le parapluie d’un homme d’affaire franco-syrien : Bashar Kiwan.


Faute de moyens la commission ne s’est pas rendue au Koweit

La mission parlementaire d’information dépêchée au Koweït, prise en charge par la société Cgh, a été à l’évidence un fiasco. Le président Bounou reproche alors au président Sambi de privilégier la corruption envers les députés. L’ancien président de l’Assemblée semble être le seul rescapé de ce naufrage collectif.

Une commission d’enquête parlementaire sur la loi relative à la citoyenneté  économique sera donc chargée de dresser un constat sur les conditions du déroulement de la séance d’adoption du programme, identifier les personnalités impliquées et leurs responsabilités, examiner les montants perçus, et enfin proposer des solutions pour sortir de ce bourbier.
L’idée de départ du programme était de donner aux bédouins apatrides la possibilité de devenir citoyens dans leur pays d’accueil. La  législation du Koweït ne leur permettait pas d’accéder à des avantages sociaux sans la régularisation de leur situation administrative. Ce passeport comorien leur permettrait donc d’obtenir en retour la citoyenneté de leur pays d’origine.

C’est là qu’entrent en jeu les autorités Emiraties qui souhaitent résoudre des cas similaires dans leur pays. Les promoteurs du programme qui se trouvaient pourtant au Koweït pilotaient les négociations.


Semlex principal maillon du programme

Malheureusement, la commission d’enquête, en raison de contraintes budgétaires, n’a pas pu se rendre au Koweït pour rencontrer les acteurs clefs dont Bashar Kiwan qui avait pourtant fait part de sa disponibilité à coopérer.
C’est la société Comoro golf holding qui avait initié et proposé le programme de citoyenneté aux Comores.  L’objectif premier était la naturalisation de 4000 familles de bédouins koweïtiens et la contrepartie financière était la somme de 200 millions de dollars.

Le 25 octobre 2007, intervient la signature du contrat BOT (construit, opère et transfère,) avec la société Semlex, représentée par son président Albert Karaziwan, et les Comores représentée par Mohamed Bacar Dosssar, directeur de cabinet du président  de la République et chargé de la défense.
Ce contrat, a pour objet la consolidation de l’Etat civil par un système biométrique de gestion, de fourniture, de personnalisation et d’émission de cartes nationales d’identités, de cartes de séjour d’Etrangers, de visas, et de passeports biométriques de l’Union des Comores. Il constituera par la suite le principal maillon du programme de citoyenneté économique et le promoteur des réseaux parallèles.

 

 

Le 27 février 2008 est signée la convention relative au programme, même si la version signée est introuvable. Il est constitué de 23 articles dont l’objet principal indique clairement que la citoyenneté économique ne sera accordée qu’à des personnes majeures ayant qualité d’investisseurs. Les opérations financières de la transaction devaient transiter par la Banque fédérale de commerce.

Le 29 février 2008, Sambi attribue à la Cgh le mandat exclusif de négocier et de conclure des accords d’octroi de passeports comoriens à toute personne qui contribue financièrement au développement des Comores, pour générer des fonds pour le financement du développement des Comores. Bashar devient le représentant exclusif de l’Union.

 

Gratification d’un montant de 105.000.000 de dollars

La commission d’enquête révèle que dans la pratique, les opérations de traitement des dossiers de demande d’admission à la citoyenneté économique suivies d’enrôlement, étaient gérées par une équipe installée dans les locaux de l’ambassade des Comores à Abu Dhabi, placés sous l’autorité du Docteur Fawaz, officier de sécurité des Emirats.

Au cours des entretiens, la commission note qu’il est fait mention d’une gratification d’un montant de 105.000.000 de dollars accordée au président Ahmed Abdallah Sambi et d’une commission d’environ 29.000.000 de dollars versée à Bashar Kiwan au moment de la signature. Reste à connaitre l’auteur de cette gratification, et obtenir la preuve de ces transferts de sommes aussi colossales, qui prouveraient l’origine criminelle de cette entreprise. Cette tâche reviendra aux destinataires de ce rapport, le gouvernement qui a promis de faire la lumière sur cette affaire.

Dans la pratique de l’octroi de ces passeports, c’est l’équipe Emiratie qui décide de la composition du dossier que devraient présenter les candidats à la citoyenneté sans considération des dispositions de la loi de référence. La loi  est pervertie, la souveraineté des Comores est  transférée à l’étranger. Les décrets de naturalisation signés par Sambi étaient transmis par Bashar Kiwan, sans vérification. Ni la direction de la sûreté du territoire ni la commission nationale intendante prévue par la loi n’ont été sollicitées pour effectuer un quelconque contrôle. Le projet dérape. Le président Ikililou qui prétend faire la lumière s’enlise et signe les yeux fermés tout décret qui lui est soumis.

Les réseaux extérieurs de vente de passeports se sont crées, la plus active est la LICA international Consulting DMCC basée à Dubaï, dont le patron est Cédric Fevre. Une convention signée le 23 octobre 2015 avec le ministre de l’Intérieur de l’Union, ouvre la voie à tout genre de trafics dont la vente à des personnes poursuivies pour crimes et pour violation de l’embargo imposé à l’Iran par les Etats-Unis. Idem pour les passeports diplomatiques délivrés à des personnes sulfureuses dans des pays dont les Comores n’ont aucun intérêt à défendre ou un citoyen à protéger.

Il s’avère que tous les ministres de l’lntérieur ont soit signé des avenants des conventions, soit prorogé les conventions qui arrivaient à terme participant ainsi à ce naufrage sécuritaire et financier des Comores. Les sommes importantes générées par la vente de ces passeports dépassent les 370 milliards, mais moins d’un tiers a transité à la Banque centrale et servi au développement préconisé.

La suite dans nos prochaines éditions.          


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