Le gouvernement, par le biais des ministères des Finances et de l’Economie, a dévoilé hier “cinq mesures d’accompagnement” qui devraient, transversalement, les unes comme les autres, répondre aux revendications des commerçants au sujet des supposés matraquages douaniers dont ils seraient victimes ces derniers temps dans les centres douaniers du pays.
Ces mesures d’urgence ont été dévoilées hier par le ministre des Finances au cours d’une conférence de presse organisée à la salle de presse de son département en présence du directeur de cabinet du chef de l’Etat, Youssoufa Mohamed Ali, du secrétaire général du ministère de l’Economie, Said Ahmed Said Toihir, du directeur général des douanes, Souef Kamalidini et des membres du cabinet du ministre.
Said Ali Said Chayhane a, de prime abord, rejeté les allégations qui font état d’une hausse des taxes douanières. “C’est faux, il y a des interprétations erronées qui sont loin de refléter la réalité. Il n’y a aucune hausse de taxes à la douane. Il y a des mauvaises habitudes qui ont été neutralisées, c’est tout”, a-t-il souligné, rappelant que le relèvement de taxes et la création d’un impôt dans un pays relèvent de la seul compétence des législateurs.
“Langage de vérité”
Le ministre a ensuite fait savoir qu’il n’était pas question de prendre la défense de tel ou de tel mais “pour tenir un langage de vérité” au sujet de la valeur transactionnelle, couper court aux fausses informations mais aussi agir au nom des responsabilités qui sont les siennes pour répondre aux revendication des commerçants. “L’Etat ne peut pas ignorer les opérateurs et inversement. Nous sommes des partenaires, nous devons agir pour l’intérêt du pays. Le gouvernement n’a aucun intérêt à rendre la vie dure aux commerçants”, a-t-il nuancé.
Revenant sur les mesures prises, Said Ali Said Chayhane a rappelé la réunion organisée récemment, au ministère de l’Economie en présence de tous les acteurs et au cours de laquelle les doléances des commerçants avaient été minutieusement examinées. La valeur transactionnelle reste la principale pomme de discorde entre les importateurs et l’administration douanière, les commerçants estimant, jusqu’ici, que le mécanisme d’évaluation était laissé à la “seule appréciation irrévocable des inspecteurs-vérificateurs”.
“Nous avons décidé de mettre en place un comité indépendant qui sera composé de représentants des deux parties et d’un expert indépendant. Ce comité va se prononcer sur toutes les questions liées à la valeur en douane, les décisions vont s’imposer aux deux parties”, a annoncé le ministre. “Tout importateur peut saisir ce comité s’il s’estime lésé. Le comité examinera la doléance et rendra sa décision en toute indépendance”, a éclairé le ministre pour qui la mise en place d’un comité marque un début de solution dans le traitement juste et équitable des déclarations des importateurs. “Le comité sera logé à la chambre de commerce pour marquer sa neutralité avec les services de la douane”, a informé Said Ali Said Chayhane. Insistant sur la valeur en douane, le ministre a “mis au défi” quiconque apportera la preuve d’une hausse de taux d’un “produit de quelque nature que ce soit”.
“Facilités bancaires”
Le gouvernement a décidé ensuite de revoir à la baisse certains frais extra-légaux supportés par l’importateur en cas de visite à domicile de son conteneur. Un commerçant avait le droit d’exiger l’ouverture de son conteneur à son domicile moyennant un frais de 20.000 francs par conteneur. “Ce frais passe de 20.000 francs à 12.500 francs pour cinq à dix conteneurs, 10.000 francs entre cinq et vingt conteneurs et cinq mille francs pour les importateurs ayant plus de vingt conteneurs”, a indiqué le ministre des Finances qui a profité de cette occasion pour préciser que ce frais allait disparaitre de facto une fois le scanner opérationnel “puisqu’on aura pas besoin d’ouvrir les conteneurs à domicile”.
Said Ali Said Chayhane a annoncé “l’abandon” de la carte professionnelle “payée à 30.000 francs” comme le demandaient les organisations patronales et le syndicat national des commerçants (Synaco).
L’autre mesure phare annoncée par le gouvernement est la création “de facilités bancaires” en faveur des opérateurs économiques en difficultés, se trouvant souvent dans l’incapacité financière de dédouaner leurs conteneurs dans les délais légaux.
Ce nouveau mécanisme de facilités de caisse et auquel l’Etat se portera garant consiste à “épargner le plus possible” les importateurs des frais de surestaries générés par le retard de dédouanement. Cette situation, considérée comme l’un des grands soucis des importateurs met à rude épreuve ces derniers au moment de dédouanement de leurs marchandises au-delà des délais de franchise. Selon d’autres sources, les frais de surestaries pour l’année 2019 représentent environ 1,400 milliard.
“L’Etat va mettre en place un mécanisme d’accompagnement au profit des importateurs. Nous avons déjà négocié avec Exim bank. Et nous comptons bien élargir ce mécanisme à toutes les banques et autres institutions financières de la place. Et ce pour protéger les importateurs mais aussi les aider à mieux réussir leurs activités”, a poursuivi Said Ali Said Chayhane, précisant pour autant que les bénéficiaires de ces facilités bancaires devraient répondre à certaines conditions préalables de solvabilité.
“Privilégier le dialogue”
La cinquième et dernière mesure prise par le gouvernement est la création en février prochain d’un guichet-conseil pour informer, assister et accompagner les usagers dans les procédures de dédouanement de leurs marchandises.
“Beaucoup d’entre eux n’anticipent pas les procédures souvent parce qu’ils ignorent le processus. Et cela génère souvent des frais dont ils imputent souvent la responsabilité à la douane. Le jour du dédouanement, ils se trouvent en face de frais qui pourraient être évités. Ce guichet-conseil va aider l’importateur dans l’information douanière en temps réel”, a souligné Said Ali Said Chayhane.
Le secrétaire général du ministère de l’Economie, qui a pris part à la réunion entre les organisations syndicales et patronales et les autorités compétentes, a affirmé que l’ensemble des doléances exprimées “ont été passées en revue” ces derniers jours. “La grève n’a pas lieu d’être car les revendications présentées ont été prises en compte que des réponses viennent d’être apportées”, a souligné Said Ahmed Said Toihir.
Le directeur de cabinet du chef de l’Etat a appelé les commerçants et les opérateurs économiques du pays à “toujours privilégier le dialogue” dans la recherche des solutions aux questions qui intéressent la vie socioéconomique du pays. “Le gouvernement est là pour écouter et prendre des mesures. Nous venons de le faire parce que nous considérons les commerçants comme des partenaires”, a souligné Youssoufa Mohamed Ali.
A la question de savoir si les mesures prises sont suffisantes pour contenir la grogne, les responsables gouvernementaux se sont montrés confiants. “En tout cas, par rapport aux revendications soulevées et après les rencontres qui ont eu lieu, on estime avoir répondu aux doléances des commerçants”, a conclu le ministre des Finances qui a souligné que le gouvernement reste ouvert à toute discussion qui contribuera à dissiper les malentendus entretenus, de part et d’autre.
A.S.Kemba