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Secteur bancaire I La Bdc placée «sous administration provisoire» de la Banque centrale

Secteur bancaire I La Bdc placée «sous administration provisoire» de la Banque centrale

Économie | -

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Le repreneur de la banque, à savoir le Groupe français Duval, n’a toujours pas honoré ses engagements malgré les avertissements, les mises en garde et les injonctions du régulateur. Le silence de Duval a viré à l’inquiétude, obligeant la Bcc à faire appliquer les articles 65 et 67 de la loi bancaire. La Banque de développement des Comores (Bdc) qui avait frôlé la cessation de paiement vit aujourd’hui une situation critique avec des ratios prudentiels au rouge et des résultats toujours négatifs depuis août 2014 quoiqu’elle réussit bon an mal an à maintenir certaines activités de base. La Bdc fait face impuissant à un assèchement de ses fonds propres faute d’un plan de recapitalisation. L’établissement sera donc à la remorque de la Bcc à partir de cette semaine. Une première depuis 1982.

 

La Banque de développement des Comores (Bdc) sera placée, «sous administration provisoire» de la Banque centrale des Comores (Bcc), à partir de cette semaine, a-t-on appris jeudi dernier de sources officielles. La nouvelle a fait des froncements de sourcils chez de nombreux professionnels du milieu bancaire. La décision de placer un établissement financier sous «la tutelle provisoire» du régulateur est révélatrice de soucis. «Cela veut dire tout simplement qu’il y a de gros problèmes au sein de l’établissement», explique un banquier chevronné.

Non-respect des engagements

Le repreneur de la banque, à savoir le Groupe français Duval, n’a toujours pas honoré ses engagements malgré les avertissements, les mises en garde et les injonctions des autorités monetaires. «Nous avons le regret de constater qu’à ce jour 12 mai, la Banque de développement des Comores n’a pas respecté le délai fixé (deux semaines à compter du 27 avril 2020) par le Conseil d’administration de la Banque centrale des Comores pour satisfaire les injonctions émises», lit-on dans le courrier N°433/2020/Dsbr, adressé à Duval via sa filiale Finafrica, chargée des investissements du groupe français en Afrique et dans l’Océan indien.

Il a été notamment demandé au repreneur de la Bdc de «procéder à une recapitalisation rapide pour doter de fonds propres suffisants pour faire face aux exigences réglementaires», indique encore le courrier qui précise que «le montant minimal requis pour la recapitalisation est estimé à 1,6 milliard de francs comoriens». La Banque centrale indique dans son courrier qu’il était dans l’obligation du repreneur de «respecter le programme de financement annoncé à partir d’un compte courant, associé qui sera logé sur le compte de la Bdc se trouvant à la Bcc», ajoutant que «le financement attendu est de 7 millions d’euros dont 2 millions d’euros pour les investissements».

Des ratios prudentiels au rouge

La Banque de développement des Comores (Bdc) qui avait frôlé la cessation de paiement vit aujourd’hui une situation critique avec des ratios prudentiels au rouge et des résultats toujours négatifs depuis août 2014. Si la Bdc continue bon an mal an à maintenir ses services, elle ne réussit pas toutefois à amorcer une vraie politique de crédit.
L’établissement fait face impuissant à un assèchement continu de ses fonds propres faute d’un plan de recapitalisation. Une situation qui complique toute possibilité de rebond de la banque et qui, à moyen terme, menacerait l’existence même de la première banque des Comores.

Le silence de Duval a viré ainsi à l’inquiétude, obligeant la Bcc à faire appliquer les articles 65 et 67 de la loi bancaire pour sauver l’institution de ce qui peut l’être. «En conséquence…votre établissement sera mis sous administration provisoire pour une période de 6 mois dans les prochains jours», conclut le courrier dont copies ont été adressées aux deux autres actionnaires à savoir l’Etat comorien et la Banque européenne d’investissement (Bei).

Après les annonces, les annonces…

La Banque centrale à la latitude de placer un établissement financier sous son administration provisoire si celui-ci fait montre de manquements à la réglementation en vigueur. La loi bancaire révisée en 2012 précise dans son article 65 que «la banque centrale lorsqu’elle constate qu’une institution financière…n’a pas respecté les engagements pris lors de sa demande d’agrément» peut décider «la nomination d’un administrateur provisoire» alors que l’article 67 ajoute que «la désignation d’un administrateur provisoire est faite» notamment « lorsque l’institution financière n’a pas, dans le délai fixé par la Banque centrale, donné suite de manière satisfaisante à une injonction de celle-ci de présenter un plan de redressement». Les deux dernières injonctions faites au Groupe Duval datent respectivement d’octobre 2019 et de janvier 2020 et ce après de nombreux rappels et de mises en garde.

Le repreneur s’est vu cédé les actions d’un autre groupe français, I&P (Investissements et Partenaires), devenant depuis 2018, l’actionnaire majoritaire au capital avec la promesse de recapitaliser la Bdc à hauteur de «14 milliards de francs comoriens» au départ, d’après nos informations avant de revoir sa calculette quelques mois plus tard. Duval, l’une des fortunes de France, est toujours en 2018. Après les annonces faites à longueur de discussions, le Groupe multiplie les annonces à longueur de courriers.
La Banque de développement des Comores avait été placée en observation en 2017 par la Direction de la surveillance bancaire et de la réglementation (Dsbr) de la Bcc. Des problèmes de management et de gestion ont souvent été évoqués pour justifier la chute des performances de l’établissement. On ignore, à ce jour, si le groupe I&P avait honoré lui aussi ses engagements pris en 2014 à l’occasion de la restructuration du capital de la Bdc.


Malgré des investissements et des choix jugés «hasardeux», la Bdc avait connu un début de souffle avec des indicateurs de performance au vert constatés à l’occasion de la présentation du rapport 2019. Le Conseil d’administration de la Bdc avait noté «une hausse» du Produit net bancaire (Pnb) comparé à celui de l’année 2019 mais aussi «une hausse de 40% des crédits aux entreprises par rapport à 2018». Il s’agit, selon un cadre de la maison, «des efforts qui n’ont pas été capitalisés» pour permettre à la banque de renouer avec une dynamique nouvelle.

La non-reprise des provisions

Les responsables en poste ont engagé une trajectoire nouvelle jugée «intéressante» avec «la signature d’accords avec des banques correspondantes, l’assainissement du portefeuille et la résolution de certains litiges à l’amiable» mais surtout «le lancement de la banque mobile Holo qui est passée de produit national à une offre internationale grâce aux transferts d’argent vers Madagascar en partenariat avec Orange Madagascar».Mais faute de ressources propres suffisantes, l’établissement est à bout de souffle. La non-reprise des provisions augure des lendemains incertains pour la banque. D’où la reaction de la Bcc.

«La grande faute revient au repreneur. Rien n’est arrivé. Si l’argent promis était décaissé, on allait faire mieux et avoir de bons résultats», explique-t-on à la Bdc où on juge «légitime» la décision de la banque des banques de placer l’établissement sous son administration. Al-watwan, faute de contacts, n’a pas pu faire réagir les hauts responsables du Groupe Duval après cette décision historique prise contre la première banque des Comores depuis a création en 1982.

A.S Kemba

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La Bdc poursuit ses activités de base

«L’objectif de l’administration provisoire est d’apporter des mesures correctives pour rassurer la clientèle», explique-t-on.

La Banque de développement des Comores poursuivra ses activités en fournissant les services de base à sa clientèle. «Tous les services sont et seront maintenus», souligne un cadre qui précise que l’épargne des clients est bien sécurisée. «A la Bdc, on continue à travailler, nos clients viennent et reviennent, il n’y a pas de difficultés pour fournir nos services. Le problème se pose au niveau des fonds propres. On n’en a pas suffisamment, et cela ne nous permet pas de faire des investissements et d’engager une vraie politique de crédit», explique-t-il.

Mauvaise gestion ou mauvais choix stratégiques ? La Bdc a-t-elle été victime de largesses ou le non-respect des engagements du repreneur a plombé l’établissement dans un cycle infernal de perte de ses performances ? Il difficile, pour l’instant, d’apporter des réponses précises. Al-watwan n’est pas en mesure de savoir les causes de cette débandade faute d’un audit ciblé sur les vrais problèmes de la banque. Pour l’heure, «il n’y a rien à craindre, au contraire il y a beaucoup à espérer», rassure-t-on. «L’objectif de l’administration provisoire est d’apporter des mesures correctives pour rassurer la clientèle», a-t-on indiqué.

 

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