Le gouvernement comorien recommande «une mise en œuvre graduelle» de l’Accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Les autorités nationales, confiantes et déterminées à suivre la machine de l’intégration, demandent toutefois «des consultations» élargies à tous les acteurs concernés, les opérateurs économiques notamment, pour «une meilleure appropriation» des instruments juridiques du marché africain approuvé en mars 2018 à Kigali au Rwanda et entré en vigueur depuis le 7 juillet à l’issue d’un sommet inaugural des chefs d’Etat, tenu à Niamey au Niger.Cette position comorienne a été affichée par le président Azali Assoumani, vendredi 18 octobre, à l’occasion «d’un atelier de travail sur la capitalisation des opportunités de la Zlecaf en Union des Comores» organisé, pendant deux jours, par la Commission économique pour l’Afrique des Nations-unies (Cea) en collaboration avec le Centre africain des politiques commerciales (Capc) et le ministère comorien de l’Economie. Objectif : évaluer les besoins et les capacités l’Union des Comores en prélude à son intégration dans le marché continental africain.
Le représentant de la Commission économique pour l’Afrique des Nations-unies, Melaku Desta, a félicité les Comores d’avoir été parmi les pays fondateurs de la Zlecaf en signant l’accord du 21 mars 2018 à Kigali. Mais l’expert de la Cea a sollicité la ratification de l’Accord «aussi longtemps que possible». A ce jour, l’Accord sur la Zlecaf a été signé par tous les pays africains à l’exception de l’Erythrée, d’après M. Desta qui a donc fait un plaidoyer pour une ratification par les Comores. Reconnaissant que la Zlecaf va créer un mouvement nouveau de facilitation et «d’accroissement des échanges commerciaux et des investissements» au niveau africain, le chef de l’Etat demande des préalables notamment «une stratégie nationale de mise en œuvre de l’Accord» mais aussi une politique nationale qui permettra de mobiliser les capacités nationales en matière commerciale par le renforcement du cadre institutionnel et l’appui conséquent des entreprises nationales et autres acteurs liés au commerce, le secteur privé en particulier.
Les capacités nationales en matière commerciale
L’Accord sur la Zlecaf comporte l’accord général et trois grandes annexes : le protocole sur le commerce des marchandises, le protocole sur le commerce des services et le protocole sur les règles et procédures relatives au règlement des différends. «La réussite de la Zlecaf dépendra de notre capacité de s’appuyer sur les Communautés économiques régionales, qui sont un maillon essentiel dans le processus d’intégration économique, la réalisation des objectifs de développement durable sur le continent africain, ainsi que dans l’opérationnalisation de l’Agenda 2063», a souligné Azali Assoumani, ajoutant ainsi que «chaque pays doit par conséquent s’approprier la mise en œuvre graduelle des instruments juridiques de la Zlecaf».
Certes, la Zlecaf va sonner la fin des barrières avec la perte éventuelle des recettes douanières qui couvrent, par exemple aux Comores «plus de 65%» des charges de l’Etat. Mais la Zone de libre-échange va, selon certains, ouvrir des perspectives meilleures devant tirer les petites économies vers le haut, les sortir de l’autarcie en les rendant donc beaucoup plus compétitives avec des économies d’échelle qui profiteront aux entreprises et aux populations africaines.
Sortir les économies africaines de l’autarcie
Avec un marché estimé à 1,2 milliard de consommateurs, l’Afrique pourrait voir sa croissance doubler grâce aux échanges «avec un Pib estimé à 3.000 milliards et 300.000 emplois d’ici à 2025», d’après l’Union africaine. Même si le chemin reste encore long pour faire respecter les préceptes du libéralisme économique avec une suppression totale des barrières tarifaires et non tarifaires afin de faciliter la libre-circulation effective des biens et des personnes. Des consultations préliminaires sont engagées dans les cinq Petits Etats insulaires en développement africains (Peid) : le Cap Vert, les Comores, l’Ile Maurice, Sao-Tomé-Et-Principe et les Seychelles. Il s’agit notamment d’identifier «les opportunités de création de valeur ajoutée et d’expansion des débouchés commerciaux dans les secteurs prioritaires, notamment l’économie bleue, les Tics et les services financiers» mais aussi «les opportunités de diversification de l’exportation des biens et services vers le marché continental», d’après un communiqué de presse remis aux journalistes.
Les avis recueillis permettront de dégager une feuille de route et décliner un plan d’action pour appuyer le processus d’intégration des Comores à la Zlecaf. Cette rencontre (vise) «à identifier les avantages comparatifs et concurrentiels de l’économie comorienne ainsi que les risques et pertes potentielles associées à la Zlecaf», indique encore ce communiqué de presse qui précise que la finalité est de permettre aux petits Etats insulaires africains, jugés vulnérables, de disposer des données, avis et informations pouvant conduire les experts à élaborer «un plan stratégique» en vue d’accompagner et «faciliter la participation de l’Union des Comores à la Zlecaf». Le ministre de l’Economie en charge de l’intégration économique, Houmed Msaidie, a annoncé la ratification prochaine de l’Accord sur la Zlecaf et «des mesures et actions» pour partager «cette belle aventure africaine» avec l’ensemble des acteurs concernés. Les Comores disposent déjà d’une Etude diagnostique sur l’intégration du commerce (Edic), élaborée en 2014, et qui présente le cadre général d’accès aux marchés, les grands défis à relever, les filières commerciales à explorer et les moyens à offrir au pays pour pouvoir intégrer le commerce continental et multilatéral.
A.S.Kemba