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Hamidou Mhoma, Trésorier de la Nouvelle Organisation Patronale des Comores : «Aujourd’hui, le noeud du problème demeure l’accès aux financements»

Hamidou Mhoma, Trésorier de la Nouvelle Organisation Patronale des Comores : «Aujourd’hui, le noeud du problème demeure l’accès aux financements»

Économie | -   Kamardine Soulé

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«Si le pays veut s’engager dans la voie de l’émergence, il aura besoin d’investir dans le tissu productif. Les importations ne peuvent tirer l’économie du pays vers le haut. Et quand on parle de «productif» on travaille dans le long terme. J’espère donc que l’idée de créer une banque d’investissement se concrétisera». «Il est vrai que les taxes douanières n’ont pas changé et que ce qui a été remis en cause ce sont certaines facilitations qui sont discrétionnaires et au gré de l’autorité douanière. Ils sont donc en droit de les accepter ou non. Il faut savoir, toutefois, que dans toutes les douanes du monde, il y a cette notion de crédit en douane».

 

W’E. : Le gouvernement vient de créer la Société nationale d’investissement qui aura, entre autres missions, à soutenir l’action d’entreprises déjà existantes ou à en créer et de jouer le rôle promoteur ou complémentaire là où les sociétés privées seraient défaillantes.

L’idée est louable. Il y a là des bonnes intentions affichées dans la création de la Snic. Je pense, cependant, qu’on aurait mieux gagné en efficacité si on avait plutôt créé une banque d’investissement qui permettrait au secteur privé, aujourd’hui jugé défaillant, d’avoir accès plus facilement à des financements.

En effet, la raison de cette «défaillance» n’est autre que le sous-financement. On dit que nos banques sont en surliquidité, que les encours des crédits ne cessent de croître chaque année, mais on ne voit pas réellement l’investissement qui a été fait par rapport à cela du fait, tout simplement, que les banques n’accordent des crédits que de fonctionnement même s’il est vrai que les entreprises ont besoin d’argent pour fonctionner. Aucune banque n’accorde des crédits d’investissement.

D’ailleurs si le pays s’engage dans la voie de l’émergence, il aura besoin d’investir dans le tissu productif. Les importations ne peuvent tirer l’économie du pays vers le haut. Et quand on parle de «productif» on travaille dans le long terme. J’espère donc que l’idée de créer une banque d’investissement n’est pas oubliée.

W’E. : C’est donc une erreur de créer uniquement une société d’investissement ?

Parce que le danger c’est de croire que si l’État se substitue au privé on peut avoir de meilleurs résultats. Ce serait une erreur tout simplement parce que la force de l’économie du pays viendra du secteur privé et qu’il faut donc le soutenir.

L’État doit continuer sa politique de désengagement auprès des entreprises publiques et, donc, permettre à des entreprises privées d’émerger. Je fais le voeu que demain l’État comorien pourrait s’enorgueillir de citer des entreprises privées comme étant des fiertés nationales.

Et à ça on y arrivera lorsque les conditions seront réunies, que l’État apportera son soutien et qu’on ait accès aux financements car le noeud du problème aujourd’hui c’est l’accès aux financements.

W’E. : Un nouveau code des douanes est en vigueur depuis quelques mois. On dit que les opérateurs seraient frileux quant il s’agit d’appliquer de nouvelles règles...

Il ne s’agit pas de frilosité liée au nouveau code mais plutôt d’un recul par rapport aux négociations que les gens avaient l’habitude de mener avec les autorités douanières. Par le passé si un opérateur se retrouvait avec vingt containers et n’avait pas les moyens de les dédouaner en un seul coup, il pouvait négocier et obtenir certaines facilités de payement.

Désormais, cette possibilité a été écartée pour des raisons louables, de «rigueur», etc. Du coup le chef d’entreprise qui ne peut se permettre de faire venir vingt containers avance en fonction de ses moyens.

Il y a eu une réunion entre la douane et les opérateurs pour aplanir les difficultés et voir comment la nouvelle direction pourrait accompagner les opérateurs sans que ceux-ci se sentent lésés par telle procédure ou telle autre.

On le répète assez, les taxes douanières n’ont pas changé et c’est le même tarif douanier qui est utilisé. Ce qui a été remis en cause ce sont certaines facilitations qui sont discrétionnaires et au gré de l’autorité douanière. Ils sont donc en droit de les accepter ou non. Il faut savoir, toutefois, que dans toutes les douanes du monde, il ya cette notion de crédit en douane.

W’E : Le secteur privé n’arriverait pas à absorber les marchés financés par le bailleur de fonds extérieurs. Faute de moyens organisationnels et du coup beaucoup de marchés sont attribués à des sociétés étrangères. Cela tient-il comme explication ?

Il arrive souvent que l’entreprise locale manque d’équipement nouvel ou suffisamment innovant. Mais celà est liée à l’absence de commande publique dédiée à ces entreprises. Une entreprise ne peut pas moderniser son fonctionnement si elle n’a pas les moyens de le faire.

Si la commande publique est destinée en priorité aux entreprises nationales, rien n’empêche à ces entreprises de demander un financement auprès des banques locales pour le renouvellement du matériel. Je ne vois pas pourquoi avec un marché de 2 milliards une entreprise ne peut avoir 500 millions auprès d’une banque pour renouveler son matériel. Si on continue à raisonner de cette façon, aucune entreprise nationale ne sortira du lot.

Cela dit le secteur privé partage l’idée de travailler avec des sociétés reconnues internationalement ce qui, d’ailleurs, favoriserait un transfert des technologies et des compétences.

W’E. : Vous pensez qu’il y a, à ce sujet, deux poids et deux mesures ?

Ce que je sais c’est qu’on ne comprend pas le fait, pourtant courant, que lorsqu’une société étrangère obtient un marché public elle est payée toute suite sans aucun problème et quand il s’agit d’une entreprise nationale, elle ait tant de mal à se faire payer.

 

Les marchés sûrs sont, trop souvent, accordés à des entreprises étrangères qui ramassent toute suite l’argent et les entreprises nationales héritent, elles, de marché flottant. La dette intérieure pèse sur un certain nombre de nos entreprises et l’État doit pouvoir trouver une solution à cela.

Je serais d’avis que les entreprises étrangères aient une obligation de travailler avec les entreprises locales. D’ailleurs, la plupart du temps ces entreprises sont exonérées d’impôts, tout l’argent part à l’extérieur et l’État ne perçoit rien.

W’E. : L’autre goulot d’étranglement serait la dette auprès des banques. Selon la Bcc, dix mauvais débiteurs représentent à eux seuls un encours en souffrance de 11 milliards de francs, soit 50 pour cent de l’encours des vingt plus gros clients du système bancaire, les entreprises. Comment sortir de ce cercle infernal d’endettements des opérateurs ?

Cela prouve que ce que j’ai dit auparavant. La majeure partie des entreprises sont surendettées. Vous avancez un encours de onze milliards que moi je qualifie de toxique et qui pollue le système d’octroi de crédits. Il y a des banques qui n’ont octroyé aucun crédit ces six derniers mois.Elles ont suffisamment donné sans qu’il y ait de retour.

Nous partageons les difficultés quelles rencontrent dans l’exercice de leurs activités. Néanmoins nous considérons que la responsabilité est partagée dans le sens où même en l’absence de centrale de risques, à l’époque, on pouvait savoir ce qui se passe dans les autres banques sans trop de difficultés.

Maintenant, il y a eu, à un moment donné, une course aux crédits qui s’est retournée contre les banques et les emprunteurs. Selon moi, en tant que privé et responsable d’une organisation patronale, l’idéal aurait été de trouver une solution médiane qui consisterait à sauver les banques mais aussi les entreprises.

Aujourd’hui, faire disparaitre les dix opérateurs concernés par cet encours pourrait constituer un coup dur pour l’économie du pays.


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