Said Chakira Ali, directeur de Maanhadi à Moroni
«Ces assises sont une occasion en or pour dire enfin les vérités. Aucun enfant ne reçoit aujourd’hui la formation prévue par les programmes officiels. J’appelle les organisateurs et les participants à dépasser les clivages politiques et régionaux pour mettre fin au désordre qui règne dans le secteur éducatif. La majorité des chefs d’établissement, enseignants, conseillers et inspecteurs pédagogiques ne remplissent pas correctement leurs fonctions. Certains ignorent ou négligent leurs obligations, et personne n’ose le dénoncer car ces comportements sont souvent couverts par des protections politiques. Il arrive que des directeurs soient menacés lorsqu’ils signalent les manquements de certains enseignants. Les chefs d’établissement manquent d’autorité, et les conséquences sont visibles : des résultats scolaires largement en deçà des attentes. Par ailleurs, les revendications syndicales doivent être posées aux moments opportuns, pour ne pas pénaliser davantage un système déjà fragilisé.»
Said Mohamed Abdallah Mchangama, président de l’association Hazi Haki
«Ces assises doivent tenir compte du fait que nous sommes au XXIe siècle, à l’ère de la digitalisation et de la connaissance. Il faut définir clairement le type de savoir que nous voulons transmettre à nos enfants, du primaire au secondaire. Nos enfants perdent peu à peu les valeurs locales et ne connaissent pas leur environnement naturel. Il est urgent de réintégrer dans les programmes des savoirs liés à nos traditions, comme la médecine par les plantes. Le système éducatif repose encore trop sur des théories dépassées. Les innovations technologiques et scientifiques s’expriment aujourd’hui principalement en anglais. Nous devons donc repenser la langue d’enseignement afin de mieux préparer nos enfants à affronter le monde. La formation aux outils numériques et aux nouvelles technologies doit être une priorité. Il est également temps de revaloriser la profession enseignante. Tous ces axes doivent figurer parmi les priorités des assises.»
Mohamed Ali Mroimdji, enseignant de philosophie
«C’est le moment idéal pour mener une réflexion de fond sur l’éducation de nos enfants, même si la période retenue pour ces assises peut sembler mal choisie. Cela nous permettra d’anticiper les besoins du pays et de préparer les jeunes à évoluer dans un monde en mutation rapide. Plusieurs concertations ont déjà eu lieu, mais elles n’ont jamais été suivies d’effets concrets. Le contenu des programmes scolaires doit être confronté aux réalités actuelles. L’intégration des technologies de l’information, de l’intelligence artificielle et du numérique dans l’enseignement n’est plus une option, mais une nécessité.»
Abdoulgafour Matain, ancienne directrice de la planification de l’éducation
«Les organisateurs de ces assises doivent absolument revisiter les conclusions des précédentes rencontres sur l’éducation. L’état actuel du système résulte en grande partie de la négligence des travaux réalisés par des cadres compétents. Le secteur manque cruellement de continuité et de mobilisation des ressources humaines qualifiées. La loi d’orientation en vigueur contient pourtant plusieurs réponses aux défis actuels, comme la répartition des heures d’enseignement entre le public et le privé. Une étude du Rapport d’État sur le système éducatif national (Rsen) révèle que les heures réellement effectuées par les enseignants sont bien en dessous des normes, notamment dans le public, où retards et absences sont fréquents. À cela s’ajoutent des pratiques de recrutement basées sur des considérations politiques, ce qui nuit gravement à la qualité de l’éducation. Sans des conditions de travail adéquates (encadrement, équipements pédagogiques, infrastructures conformes) il est impossible de viser l’excellence.»
Mariama Abdallah Halifa, éducatrice
«Cette assise doit impérativement s’orienter vers une modernisation en profondeur de notre système éducatif. Compte tenu de notre population relativement modeste, il est tout à fait possible de viser une éducation de qualité pour chaque élève. Trop de jeunes passent une quinzaine d’années sur les bancs de l’école sans savoir ce qu’ils savent faire ni ce qu’ils veulent devenir. Cela contribue au décrochage scolaire, malgré le nombre croissant d’établissements et l’implication des bailleurs. Aucun dispositif n’existe pour soutenir les élèves issus de familles précaires, à mobilité réduite ou en situation de handicap, alors que beaucoup d’entre eux pourraient exceller. Ces réalités sont souvent ignorées par nos autorités. Ces assises doivent reconnaître les échecs des responsables, notamment en matière de gestion des revendications et de suivi des politiques publiques. Nous attendons des stratégies nationales ambitieuses qui intègrent la technologie, tout en préservant notre identité socioculturelle et religieuse.»