Aux Comores, plusieurs établissements scolaires restent fermés depuis le passage du cyclone Kenneth au mois d’avril. Certains sont complètement détruits pendant que d’autres ont perdu leurs toitures. Aujourd’hui, elles sont nombreuses ces écoles situées majoritairement dans les régions reculées qui, en raison de l’absence de financements, n’ont pas pu être réhabilitées. C’est le cas de l’école primaire d’Itsundzu ya Mbadjini.
Dans ce village côtier se trouvant au sud de Ngazidja, à 30 km de Moroni, l’école primaire a été complètement détruite par les vents violents du cyclone. Il ne reste plus que les murs du bâtiment ressemblant à une maison hantée.
Une maison en tôle
Une partie de la toiture s’est envolée. Quelques tôles se trouvent à l’intérieur des salles. Plus de traces de meubles, que ça soit les tableaux, les chaises ou encore les tables-bancs. Seuls mobiliers qui ont résisté : les portes.
Située à l’entrée du village, l’école porte les «traces du cyclones» dans son toit. A tel point que même pendant notre reportage ce jeudi, nous avions plus besoin d’aide pour reconnaitre l’endroit. Jusqu’à 8h, sur le chemin menant à l’édifice, il n’y avait qu’une dizaine d’enfants toujours agités. Un homme habillé en tee-shirt rouge et un pantalon en coton, les surveille. On dirait qu’il est en train de chercher un taxi pour les ramener à l’école. Sauf qu’après quelques minutes, celui-ci traverse la route toujours accompagné des enfants. Ils dépassent ensemble le foyer villageois qui se trouve à 5m de la route nationale avant de disparaitre dans les maisons construites sur les ravins. Et devinez quoi, l’homme en tee-shirt n’est rien d’autre que le seul enseignant de l’école primaire d’Itsundzu ya Mbadjini.
C’est en ce moment-là qu’ils allaient rentrer en classe, une maison en tôle partiellement achevée, dépourvue même d’une porte. Insolite la scène. Il s’agit en fait d’une école coranique. Le matin, les enfants apprennent le français. Puis l’après-midi, un autre enseignant du coran se pointe.
Dans cette salle exiguë, il n’y a que 5 tables-bancs et deux tableaux accrochés. Ici, il enseigne 16 élevés des classes de CP1 et CP2. Mais en ce quatrième jour de la rentrée qui marque le début du second trimestre, Ahmed Mhoudine se trouve avec 7 élèves : 3 garçons et 4 filles.
Mais il sait pourquoi les autres sont absents. «J’étais blessé au pied. Certains ignorent que je suis de retour. D’autres passent les vacances avec leurs familles à Moroni. Pour le début de la rentrée, on observe toujours quelques absences», a justifié cet enseignant qui a déjà travaillé à Itsundzu il y a trois ans. S’il dit réussir à contrôler ses élèves, il déplore toutefois l’insuffisance de mobiliers. «Ils s’assoient en trois sur une seule table-banc», a-t-il fait remarquer.
Rencontré sur place, le secrétaire général de la préfecture de Mbadjini-ouest a exposé la situation avec amertume. «Le cyclone a tout emporté. Comme vous l’avez pu constater. Nous n’avons plus d’école. Le ministre de l’Education et le secrétaire d’Etat chargé de la Fonction publique sont venus jusqu’ici au mois d’août. Ils ont effectué une visite de terrain. Mais jusqu’à maintenant, nous n’avons rien vu. Aucun appui. Que dalle», se désole Abdallah Athoumani.
Si optimiste après ces promesses, la communauté s’était mobilisée depuis pour financer la fabrication des tables-bancs espérant pouvoir être au rendez-vous avant l’entrée scolaire 2019-2020. «Nous étions obligés d’envoyer les enfants dans une maison. A partir de CE1, ils sont inscrits dans les écoles des villages voisins tels Dzahadju ya Hambu, Dembeni», a jouté le secrétaire général, originaire d’Itsundzu. Toutefois, a-t-il précisé, avant même le passage du Kenneth, l’école avait vu ses élèves partir ailleurs. L’effectif restant, moins nombreux n’était pas assez suffisant pour ouvrir d’autres classes, a expliqué notre source. Seuls les bambins de CP1 et CP2 sont scolarisés au village pour l’instant.
Aucun appui,
fuite des élèves
«Les gens d’ici vivent à Moroni. Donc, ils emmènent leurs enfants avec eux. Au fil du temps, l’école a perdu son effectif. Nous avons pris des mesures pour les faire revenir afin d’éviter la fermeture de l’école en fixant même une amende pour les contrevenants», a poursuivi Abdallah Athoumani qui s’apprêtait à partir au travail. La communauté villageoise espère reconstruire l’école primaire avec des fonds propres, nous a-t-on confié, même sans aucune aide extérieure pour que d’ici la rentrée prochaine, les enfants retrouvent un toit.
Au lendemain du passage du cyclone Kenneth, les dommages du secteur éducatif étaient estimés à 600 millions francs. Huit mois après, de nombreux établissements ne sont toujours pas réhabilités. Le cas d’Itsundzu n’est qu’un exemple parmi d’autres (…).
Abdou Moustoifa et
Chaarane Mohamed