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Ecole primaire I Un déficit de 1290 instituteurs

Ecole primaire I Un déficit de 1290 instituteurs

Éducation | -   Abdou Moustoifa

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Rien qu’au niveau du secondaire, le ministère de l’Éducation a noté un manque de 214 enseignants dont 132 pour le collège, selon une enquête réalisée, sur le plan national, avant la rentrée scolaire.

 

A Hadjambuu, c’est devenu une habitude. Chaque année, la localité doit engager au moins deux enseignants pour compléter ceux envoyés par le ministère de l’Éducation nationale. Depuis la rentrée, l’école primaire de cette localité située au nord-est de Ngazidja travaille avec seulement quatre fonctionnaires. «Nous avions besoin de deux instituteurs pour les classes de Ce2 et Cp2. Jusqu’à maintenant, on a trouvé celui de CP2», a avancé le directeur de l’école primaire, Toilib Mohamed.

Ce phénomène ne touche pas uniquement Hadjambuu. Loin s’en faut. Mais de nombreux villages sont confrontés au même problème, seulement à des degrés différents. Le manque d’instituteurs plus particulièrement dans les écoles primaires publiques touche l’ensemble des îles.A en croire les données issues d’une enquête pré-rentrée, réalisée par le ministère de l’Éducation, il se fait ressentir un besoin de 1 290 instituteurs : 787 pour Ndzuani, 369 à Ngazidja.


Mwali en a besoin que d’une centaine. Souvent, dès lors que ce problème resurgisse, les yeux sont braqués vers l’Institut de formation des enseignements et de recherche en éducation (Ifere) où sont formés les instituteurs. «Chaque année, il y a entre 25 et 35 jeunes qui sortent diplômés à Ngazidja sans compter ceux des autres antennes installées dans les îles. Nous ignorons en revanche les raisons pour lesquelles on ne recrute pas», a répondu le chef du département de la formation initiale de l’Ifere, Youssouf Issa El Pazed.

30 diplômés par an

Ce dernier précisera qu’avant, ils constataient un engouement pendant les inscriptions. Mais durant ces six dernières années, la tendance a changé. «Est-ce parce que peu de nos ressortissants intègrent automatiquement la fonction publique», s’interroge-t-il. Certains évoquent un «mauvais» niveau de certains (diplômés) sortants de l’Ifere. Cette thèse rejetée par le chef de département. «Nous utilisons une nouvelle maquette depuis 2015. On accueille même les enseignants ayant de l’expérience et qui viennent préparer la licence. Jusqu’à aujourd’hui, nous n’avons jamais reçu des remarques sur le contenu. Qu’elles viennent de l’inspection ou du ministère de l’Éducation. On ne peut donc pas nous remettre en cause», estime Youssouf Issa El Pazed.


A propos de la carence d’enseignants observés ici et là, le doyen de l’inspection générale de l’éducationnel nationale (Igen) en a énuméré quelques causes.
«Depuis 2012, on ne recrute pas automatiquement les sortants de l’Ifere. On procède seulement à quelques remplacements de ceux partis à la retraite. Sachant que les effectifs de la base vont toujours crescendo», croit savoir Moustakima Djoubeir. Dans son rapport sur la rentrée de l’année 2019-2020, l’Inspection générale de l’Education notait déjà un manque «chronique» d’enseignants dans le préscolaire et le primaire. Pour inverser significativement la tendance, les inspecteurs pédagogiques préconisaient comme solution, le recrutement des sortants de l’Ifere. Une suggestion qui n’a visiblement pas été suivie d’effets.

Transfert vers le collège

Le doyen de l’inspection citera également la migration des instituteurs vers le secondaire comme source de ce déficit. Titulaires d’un diplôme de formation d’instituteurs (Difosi), de nombreux enseignants s’inscrivent parfois dans les autres facultés. Une fois le diplôme en poche, ils demandent un transfert et abandonnent le primaire au profit du collège. «Cela crée automatiquement un déséquilibre. Comment peuvent-ils laisser partir. Je crois qu’il s’agit là d’un problème de gestion des ressources humaines «, conclut avec regret le doyen de l’Igen, dans un entretien accordé à Al-watwan, début juin.

Une commission

En plus de cette catégorie, on retrouve, par ailleurs, une frange d’enseignants qui contribue à ce déficit mais d’une autre manière. Moustakima Djoubeir dit faire allusion à ceux qui, au lieu de prendre la craie, se muent en administrateurs dans les Epp où ils sont affectés. «On les retrouve aussi bien dans les collèges comme dans le primaire. Ils deviennent, pour la plupart, des surveillants ou des secrétaires», illustre le doyen de l’Igen. Par conséquent, de nombreuses localités se trouvent aujourd’hui confrontées à des problèmes d’instituteurs. Pour sauver l’année, il y en a qui se tournent vers les enseignants -bénévoles pour assurer les cours. Une initiative qui n’est pas sans conséquences.


«Déjà, c’est une pratique qui n’existe nulle part. Aucun texte ne prévoit ce cas de figure. Voilà pourquoi, ne se sentant pas liés par un quelconque contrat, le bénévole peut s’absenter à tout moment. Idem pour ceux qui perçoivent une gratification symbolique «, soulève Moustakima Djoubeir. Malgré ses limites, la technique se généralise. De Chamle ya Mbude à Mandza en passant par Itsinkudi dans le washili. A Nnyumadzaha Mvubari, au sud de Ngazidja, les parents d’élèves paient 7 500 francs par an (Lire Al-watwan du lundi 21 juin dernier).


A en croire certains acteurs, les problèmes d’instituteurs s’expliquent aussi par le non remplacement des retraités. «A l’heure actuelle, une commission planche sur ce sujet», a fait savoir le secrétaire général du ministère de l’Éducation à qui nous avons posé la question jeudi dernier. «Avant, les exécutifs insulaires recrutaient beaucoup. Maintenant que tout a été centralisé, il nous revient de restructurer. Nous savons que des bénévoles sont employés sur le terrain.Si nous jugeons le besoin, ils seront recrutés», a-t-il promis. Notons que les mêmes difficultés (la gestion du personnel enseignant) sont notées à Ndzuani et à Mwali.

 

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