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Enseignement I Abandonnés, les collèges publics en état piteux

Enseignement I Abandonnés, les collèges publics en état piteux

Éducation | -   Abdou Moustoifa

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A Mbibodju, le directeur de l’établissement a dû contracter un prêt auprès d’une banque de la place en son nom pour acheter et réparer des tables bancs et des tableaux dans un état piteux. Quant à la toiture des salles de classes, elle a pu être réhabilitée grâce à un financement de la diaspora de la région de Hambu.

 

C’est un constat sans appel et qui n’échappe à personne : les établissements publics sont abandonnés. De Ngazidja à Ndzuani en passant par Mwali, les écoles publiques sont toutes logées à la même enseigne. Fuite des élèves, des bâtiments délabrés ou encore l’absence des enseignants affectés.Les maux qui rongent ces établissements, en particulier ceux des régions éloignées de Moroni restent les mêmes partout. Dans certains collèges, comme celui de Mbibodju, la situation est plus que désolante. Mais le premier phénomène alarmant qui saute aux yeux est la désertion des élèves.

«La première raison qui explique cette chute d’effectifs est la propagation ici et là des écoles privées. Au fil du temps, on constate que les établissements se vident. Des enseignants ciblent parfois les meilleurs éléments et mènent campagne auprès des parents pour transférer leurs enfants vers le privé «, fait remarquer le directeur du collège de Mbibodju, Ahamada Ali Abdou.

Une fuite qui ne tarde pas à se faire ressentir. Aujourd’hui, le collège de Mbibodju et le collège rural de Singani comptabilisent tous les deux, moins de cinquante élèves, d’après les derniers chiffres disponibles à l’Inspection générale de l’éducation nationale(Igen). «Contrairement à ce qu’on pense, l’inspection n’a aucun pouvoir. Je peux vous assurer que nous relevons ces problèmes dans nos rapports et formulons des recommandations. Mais les décisions reviennent aux autorités», a souligné le doyen de l’Igen, Moustakima Djoubeir.

Ces mêmes problèmes, le directeur du collège de Simbusa ya Mbadjini les vit. « Dans ma commune, le collège accueillait les enfants de tous les villages du Pimba. Mais ces dernières années durant, on se rend compte que cinq sur les dix localités de la communes possèdent chacune une école privée. Avant, il y avait des villages dont les élèves au sein du collège avoisinaient la soixantaine, maintenant on n’en retrouve aucun», a révélé le directeur du collège de Simbussa, Ali Boundjad.

Les écoles privées pullulent

Pour le doyen de l’Igen, il faut des mesures drastiques si l’on veut lutter contre ce phénomène. Souvent, «il s’avère que certaines autorités, des cadres ou encore des enseignants soient actionnaires dans ces écoles privées, comment va-t-on régler cela. La plupart d’entre elles ouvrent à notre insu. Je pense que nous devons appliquer les textes en vigueur, notamment la loi sur l’orientation de l’éducation nationale, la carte scolaire «, a-t-il recommandé.

Outre cela, on pointe «une négligence et un abandon» dont feraient preuve des autorités éducatives. «Après l’annonce de la rentrée, personne ne passe nous rendre visite pendant toute l’année. Nous ne recevons rien, pas même une fourniture, à part quelques manuels. On a droit à une visite de l’inspection par an. Ils ignorent notre mode de fonctionnement et nos programme d’enseignement», regrette, pour sa part, le directeur du collège de Mbibodju.

Un manque de sérieux qui favorise la dégradation de la qualité de l’enseignement dans le milieu scolaire public comme le témoigne cet élève. «Tous les jours, il y a toujours un ou deux enseignants qui s’absentent. C’était notre quotidien. Nous avions un professeur d’histoire-géographie. Il n’expliquait jamais la leçon. Après l’avoir écrite au tableau, il reste dehors jusqu’à la fin de l’heure, soit pour se connecter ou palabrer «, se remémore Mohamed, ancien élève du collège rural de Singani où il a passé trois ans.

Bâtiments en ruines

Aujourd’hui, les écoles publiques sont devenues le refuge des élèves dont les parents n’ont pas les moyens pour les scolariser dans le privé. Autre signe de démission du ministère de l’Education dans ces établissements publics, la dégradation des bâtiments.Dans de nombreuses régions, ce sont les localités elles-mêmes qui se chargent de la rénovation des salles de classe. Le plus souvent, les travaux de rénovation de ces écoles sont réalisés grâce à des aides venant des associations des Comoriens de l’extérieur. A Tsinimwashongo, le collège de Mridjwani, ce sont les villageois qui se sont toujours occupés de l’entretien des bâtiments, à en croire son directeur, Ali Mkapvapvo.

Son collègue du collège de Mbibodju a dû contracter un prêt pour rénover les mobiliers, tels les tables bancs, les tableaux, et les fenêtres. «A mon arrivée, il n’y avait rien. J’ai dû m’endetter auprès de la Meck pour faire ces travaux en attendant que les élèves paient leurs droits d’inscription de 5000 francs par an. Jusqu’à maintenant, certains n’ont toujours pas payé, c’est mon salaire qui a été sacrifié», a indiqué Ahamada Ali Abdou qui dirige le collège de Mbibodju depuis maintenant neuf ans.

En ce qui concerne, les bétons des salles de classes, ce dernier a pu compter sur des jeunes de la diaspora de la région de Hambuu. Cette association a réhabilité la toiture.
La vétusté des établissements scolaires est une réalité pour tout le monde. «Les bétons commencent à lâcher. J’ai dû abandonner certaines salles de classes pour la sécurité de mes élèves. Mais on m’a promis une rénovation», a témoigné, pour sa part le directeur du collège de Dimani, Ahmed Youssouf.
Au collège de Simbusa ya Mbadjini, certaines salles de classes n’ont ni porte ni fenêtres. D’aucunes se demandent à quand un plan de réhabilitation des infrastructures scolaires. La situation est très pire dans certains collèges des autres îles, d’après de nombreux témoignages.

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