Comme pour les précédentes éditions, cette édition 2022 du baccalauréat serait elle aussi, d’après certains enseignants, entachée par «les triches, les fuites de sujets» et les éliminations de candidats sur l’ensemble du territoire national. «Plus d’une dizaine de candidats ont été sommé de quitter leurs salles de classe pour tentative de triche», déclare une source anonyme au sein d’un des jurys des trois îles. Ces candidats, pour la plupart, ont été surpris avec des smartphones pendant leurs épreuves.
«Plusieurs copies identiques»
Dans le même temps, des correcteurs eux pointent du doigt «plusieurs copies identiques». «Le jury de correction du bac s’est réuni hier au lycée de Moroni. Des soupçons de fuite de sujets circulaient depuis le 1er jour du bac. Plus les jours passaient et de plus en plus de preuves s’entassent, notamment à travers les réseaux sociaux, venant confirmer les doutes. C’est pourquoi, lors de cette convocation du jury, j’ai pris la parole pour faire état de ces fuites, en présence du président du jury et du chef du centre de Moroni», a fait savoir Chabane Mohamed, enseignant de philosophie.
L’intéressé ajoutera que «beaucoup de membres ont confirmé ce que j’ai dit et se sont montrés prêts à fournir eux aussi des preuves tangibles qu’il y a eu fuite de sujets au baccalauréat. Nous avons demandé au président du jury de remonter l’information au ministère. Ce matin (lundi dernier, Ndlr), le jury de philo a constaté des copies identiques dans presque toutes les enveloppes entamées aujourd’hui». Une situation qui a poussé le jury de philo à vouloir arrêter la correction pour manifester son mécontentement. Finalement, «des tractations ont abouti à une rencontre urgente avec le ministre de l’Education, Takiddine Youssouf. J’étais le chef de la délégation», poursuit Chabane Mohamed qui déplore la récurrence des fuites de sujets, qui, selon lui, est banalisée. «C’est cela qui est grave.
Nos élèves se disent à quoi bon étudier puisque les sujets peuvent être connus d’avance? Ils se disent à quoi bon mériter son bac puisqu’on peut l’avoir par des voies détournées, moyennant sûrement espèces sonnantes et trébuchantes. En effet, il ne faut pas être naïf : derrière ces fuites, il y a beaucoup d’argent qui circule, beaucoup d’argent qu’on demande aux familles des candidats. À cause de ce système des fuites, c’est une autre source d’appauvrissement des familles, ajoutée à l’argent à mobiliser pour l’école privée».Outre les prétendues conséquences économiques et financières, ces fuites «ternissent l’image de nos examens nationaux, le bac au premier plan.
Examen «entaché»
Ces fuites nous font prendre les victimes pour les coupables. Les coupables ne sont pas les candidats qui jouent ce jeu dangereux des fuites mais les auteurs de ces dernières. Ce sont eux qui saccagent les efforts consentis ici et là pour des examens où l’égalité des chances soit une réalité», affirme l’enseignant de philosophie qui se demande «si le baccalauréat de cette session est crédible. Tant que ce phénomène n’est pas enrayé, quelles valeurs ont nos diplômes ? Quel avenir nous réservons à ces jeunes? C’est ce message que nous avons transmis au ministre de l’Education nationale». La délégation a ensuite «demandé au ministre de l’Education nationale l’ouverture d’une enquête pour déterminer l’ampleur des fuites, sans exclure Mwali et Ndzuani, puisque nous sommes à l’ère d’internet et le pays est petit. Nous avons demandé à ce que les auteurs soient clairement identifiés et reçoivent des sanctions exemplaires et dissuasives. On lui a demandé la tenue d’un atelier national axé sur les examens et la nécessité de reformer le système des examens».
Une demande d’enquête
à en croire notre source, le ministre de l’Education nationale a été attentif au message que nous lui avons délivré en nous assurant qu’il n’entend pas remettre en cause ce qu’on lui a dit au sujet des fuites car «il n’y a pas de fumée sans feu», qu’il va en parler au président de la République, s’entretenir avec le directeur de l’Onec et convoquer immédiatement une commission à laquelle l’Onec, les syndicats de l’Éducation, l’Igen et des personnes ressources prendront part pour déterminer la marche à suivre afin que toute la lumière soit faite sur cette affaire».
Le gouvernement «agira après en conséquence, selon lui. Par ailleurs, le ministre nous a assurés que d’ici octobre, il y aura les assises nationales sur l’Éducation et qu’un travail spécial sera consacré aux examens nationaux. Un expert aurait déjà planché dessus et ses recommandations pour une refonte du système des examens seront soumises à appréciation. Le ministre nous a dit toute sa détermination à œuvrer pour un système éducatif qui cadre avec les objectifs d’émergence du pays à l’horizon 2030 et que cela doit inévitablement passer par la tenue d’examens sans taches».
Le ministère attend le rapport final
Pour éradiquer le fléau, «l’initiative lancée par le jury de philosophie visant à dénoncer les fuites de sujets se poursuivra jusqu’à la fin des examens et au-delà. Nous n’avons pas donné quitus au ministre de l’Éducation nationale. Nous lui faisons confiance. Nous le jugerons sur les actes et non sur les paroles». Du côté des autorités concernées, Dr Takiddine Youssouf et Abdou Ali respectivement ministre de l’Education nationale et directeur de l’Onec, ont fait savoir qu’ils ne peuvent pas se prononcer sans le rapport final des examens lequel n’est évidemment pas encore établi. Le ministre de l’Education nationale a, par ailleurs, confirmé avoir reçu le jury de philosophie qui «sont des acteurs du secteur» et assure que les propos échangés lors de cette rencontre ne sont pas tombés dans l’oreille d’un sourd…