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Siradjidine Said Toihir, directeur adjoint de campus France : «Le test ev@lang n’empêche pas l’étudiant de poursuivre l’inscription»

Siradjidine Said Toihir, directeur adjoint de campus France : «Le test ev@lang n’empêche pas l’étudiant de poursuivre l’inscription»

Éducation | -   Abdou Moustoifa

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“Le but du test est d’optimiser les chances.” C’est du moins ce qu’a déclaré, dans une rare interview accordée à Al-watwan, le directeur adjoint de campus France Comores. Siradjidine Said Toihir est revenu sur les nouvelles mesures qui accompagneront la campagne de cette année – notamment l’instauration du test ev@lang, – qui a suscité de nombreuses interrogations, après son annonce. Il a également expliqué à cette occasion le but de cette évaluation, et a parallèlement révélé les raisons pour lesquelles la plupart des étudiants sont recalés. Entretien.

 

Pourquoi Campus France impose-t-il un test de français aux étudiants avant le début de la procédure ?


On n’a pas imposé un test cette année. On a simplement constaté que malgré la hausse des candidatures enregistrées, les refus essuyés par les candidats étaient assez conséquents. Bien entendu, on tire des leçons à chaque fin d’année sur ce qui cloche en faisant le bilan. Et on s’est rendu compte que souvent, c’est, soit à cause d’un niveau de français insuffisant, soit en raison de projets professionnels non adaptés aux projets d’études, que les étudiants sont recalés.

 

Pour les aider, on a d’abord mis l’accent sur les entretiens d’orientation afin de maximiser les chances d’acceptation, tout en tenant compte du calendrier. S’agissant de la langue, pour harmoniser les tests, nous les avons délocalisés à l’Alliance. Sauf qu’il se posait toujours le problème de calendrier, auquel nous sommes tenus de respecter. Pour faire gagner du temps aux étudiants, on a donc décidé d’organiser en amont les évaluations.

N’est-ce pas une manière de mettre les bâtons dans les roues aux étudiants dont les niveaux laissent à désirer en cas d’échec à l’issu de l’évaluation ?

Il faut qu’on se comprenne sur une chose. On est dans un pays francophone où on est censé parler français logiquement. Ce qui n’est pas le cas hélas. Notons que les établissements français sont souverains. Avant, ils n’exigeaient pas un niveau de langue pour les pays francophones. Mais maintenant, ils le font. Aussi, on reprochait à Campus de France de faire du chiffre en laissant des étudiants avec des mauvais niveaux poursuivre la procédure, sachant qu’ils avaient peu de chance d’être acceptés.

Désormais, ce ne sera pas le cas. Car ce test sonne comme une alerte. L’étudiant saura qu’avec un niveau de A1 ou A2, il ne pourra pas réussir et ni réaliser son projet professionnel. Pour aider les étudiants, on les conseille alors d’aller à l’Alliance. Comme ça, au lieu de payer 40.000 fc à campus, ils les affectent dans le perfectionnement du niveau. Mais, le choix leur revient. C’est à l’étudiant après avoir reçu ses résultats de voir s’il poursuit quand même la procédure malgré son niveau bas ou s’il se tourne vers l’alliance et revenir l’année suivante. En tout cas, le test en soit n’est pas une interdiction.

Avant, cette évaluation était gratuite pourquoi la rendre payante cette année ?

Écoutez. Le test est intégré dans les 40.000 fc. Ce test ev@lang a été conçu par France éducation internationale. On voulait une procédure harmonisée. Pour que demain, les étudiants ne se plaignent pas d’être tombés sur un conseiller dont le test était difficile, par exemple.

 

D’où cette évaluation qui se fait en ligne. En termes d’équité, je pense qu’il n’y a pas mieux. Rappelons que ce test est payant. Les 5.100 francs versés reviennent à France Education Internationale. Nous ne touchons aucun centime. Au contraire, nous avons engagé des personnes pour accompagner les étudiants, car la plupart d’entre eux ne savent pas manier les outils informatiques, même mettre un point.

Certains pensent que c’est un moyen de pousser les gens à s’inscrire à l’Alliance française ?

Nous ne poussons personne. Car c’est comme si nous gardions les 40.000 fc et leur demandions d’aller payer la même somme à l’Alliance. Ce qui est loin d’être le cas. A notre niveau, nous conseillons aux étudiants de s’y rendre pour améliorer leurs niveaux. Car à notre connaissance, l’Alliance est la seule institution habilitée pour l’amélioration du français, reconnue et présente dans le pays.

 

Si le niveau de l’étudiant est mauvais, on lui dit de ne pas mettre son argent ici car c’est un échec qui se profile. Mais vaut mieux aller là-bas et tu auras la chance d’être accepté en revenant plus tard avec un projet solide et un bon niveau. C’est une petite gymnastique. N’oublions pas encore une fois qu’ils sont libres de ne pas s’y inscrire.

Les Comores sont un pays francophone. La langue d’enseignement est donc le français, du primaire à l’université. Venir conditionner les inscriptions à un test de français n’est-ce pas là une “insulte” à l’endroit des étudiants comoriens ?

Pas du tout. C’est loin d’être notre intention. L’objectif est de réduire le fossé, diminuer l’écart entre les candidatures reçues et celles qui sont recalées dont le taux ne cesse de croître. Et de s’assurer surtout que le nombre des dossiers acceptés soit presque égal à celui des candidatures déposées. Je sais que jamais il n’y aura de taux d’acceptation de 100%, mais quand même, la courbe peut remonter.

 

Ces refus, on peut les attribuer d’une part, à l’incohérence des projets professionnels, et le niveau de français, d’une autre part. Vous l’avez d’ailleurs mentionné dans votre journal que la note moyenne de français au bac ne dépasse pas 05/20. Cette évaluation permet aux étudiants de prendre conscience qu’être issu d’un pays francophone n’est pas suffisant pour suivre des études en France. Je peux vous assurer qu’il y a des étudiants qui n’arrivent même pas à atteindre le niveau A1. Le but du test est d’optimiser les chances.

Donc, qui dit niveau de français médiocre dit refus assuré ?

Effectivement. Le niveau est déterminant, même si d’autres compétences entrent en compte. Un étudiant qui souhaite faire ses études en France doit quand même être en mesure de s’exprimer en Français pour que nous puissions l’évaluer pédagogiquement. Notons en revanche que certains, probablement à cause du stress, n’arrivent pas à se présenter en français. Mais notre devise est la bienveillance. Les conseillers les aident, car ils savent très bien que ce n’est pas un interrogatoire de police.

Combien de dossiers campus France a traité l’année dernière, combien ont obtenu des réponses favorables ?

Sans compter les dossiers pour les universités privées, qui est un phonème nouveau, je dirai que l’année dernière, nous avons eu près de 4.000 candidatures pour les universités publiques. Malheureusement, on a eu seulement 1.000 acceptations. Vous voyez pourquoi, on propose l’orientation et l’amélioration du niveau de français pour réduire l’écart.

La raison de ces refus ?

Parce que le niveau général par rapport aux formations sollicitées n’est pas là. Je veux faire lettres modernes françaises mais dans les matières littéraires, les notes tournent autour de 7 et 8. Automatiquement, les établissements ne vont pas accepter. Le niveau étant insuffisant, or celui-ci est décisif.

La manière dont l’étudiant s’exprime en français pendant l’entretien peut être source de rejet de sa candidature ?

Les établissements se focalisent sur la cohérence des projets. L’expression est un plus bien sûr. Sachez qu’on ne reçoit pas que des bons dossiers. Les niveaux varient selon l’étudiant. Donc, tous les étudiants moyens, ou mauvais ont tous leurs chances. On analyse l’évolution de la trajectoire du candidat. Nous jugeons la progression.

A chaque fin d’entretien, vos conseillers attribuent aux candidats un avis. Faut-il déduire que celui-ci influence les décisions de l’université ?

Les universités françaises sont souveraines. On leur présente un avis et des résultats, ils peuvent ne pas en tenir compte car comme vous le dites, ça reste un avis. Nous aidons à la prise de décisions. Campus a ce qu’on appelle une expertise locale sur l’enseignement du pays, par rapport aux résultats publiés par le ministère de l’Éducation nationale. Tous les campus de France doivent jouer ce rôle d’ailleurs. Sans dénigrer les autres, si un établissement a des résultats sérieux, bien évidemment, on va le valoriser.

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