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Transfert des compétences de la Cour constitutionnelle à la Cour suprême “Le président a agi dans le cadre de ses fonctions exceptionnelles”

Transfert des compétences de la Cour constitutionnelle à la Cour suprême “Le président a agi dans le cadre de ses fonctions exceptionnelles”

Politique | -   Mariata Moussa

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Rendue publique le week-end dernier, la “décision” du chef de l’Etat qui transfère les compétences de la Cour constitutionnelle à la Cour suprême fait parler d’elle. Interrogé sur cette décision, Me Abdou- Elwahab M’sa Bacar, docteur en droit et avocat au barreau de Moroni explique cette “décision” qui selon lui est inspirée d’une jurisprudence qui émane du Haut conseil constitutionnel français en son article 16 et ici, c’est “l’article 12-3 qui parle du cas ou le président de la République peut intervenir de façon exceptionnelle pour des mesures exceptionnelles…. “.

 

 


Al-watwan : Le président  de la République a pris une Décision pour transférer les compétences de la Cour constitutionnelle à la Cour suprême, provisoirement. Pourquoi une telle décision ?


Me Abdou- Elwahab M’sa Bacar : La Décision est motivée et a comme visa l’article 12, titre 3 de la constitution. Et cet article permet au président de la République de prendre ce qu’on appelle des mesures exceptionnelles lorsque les institutions ne fonctionnent pas de manière régulière. Cette disposition donne toute latitude au président d’agir et de prendre des mesures exceptionnelles lorsque le fonctionnement des institutions n’est pas régulier.

Quand est-ce que le fonctionnement des institutions peut ne pas être régulier ? La disposition a énuméré certaines situations qui peuvent engendrer la prise de décision exceptionnelle, à savoir, lorsque les institutions constitutionnelles sont menacées, l’indépendance de l’Etat est compromise, les engagements internationaux ne sont pas exécutés ou l’intégrité territoriale est menacée. Ces quatre situations peuvent donner au président de la République toute latitude de prendre une mesure exceptionnelle pour assurer le fonctionnement régulier des institutions.

Je pense que dans le cas présent, les institutions constitutionnelles sont menacées et que cela a entrainé un fonctionnement irrégulier des institutions. Donc, il était du devoir du chef de l’Etat de prendre des mesures pour palier à cette situation qui pouvait s’avérer difficile pour le pays. Nous avons vu le cas de la situation à l’Assemblée de l’Union lorsque le président de cette institution n’a pas autorisé les conseillers des îles désignés par les conseils de Ndzuwani et Ngazidja de siéger.

Suite à cette situation de Hamramba, on a invoqué à tort et à travers qu’il fallait l’intervention de la Cour constitutionnelle qui n’était pas opérationnelle et cela pouvait être à l’origine d’une situation difficile pour le pays.

 


Pourquoi provisoirement ?


Provisoirement car pour le faire de façon définitive, il y a des formes qui sont prévues par la constitution. La Cour constitutionnelle est une institution prévue originellement par la constitution et pour la modifier ou supprimer, il fallait réviser la constitution d’abord.

 


La Cour constitutionnelle est une institution importante prévue par la constitution. Est-ce que le pouvoir réglementaire du président a des compétences sur les institutions de l’Union ?


Pour bien éclairer, là, il ne s’agit pas d’un pouvoir réglementaire, il s’agit d’une décision et c’est le Haut conseil constitutionnel français qui a donné la définition d’un tel acte qui l’a qualifié de Décision. C’est un acte pris par le président de la République lorsqu’il agit dans le cadre de ses fonctions exceptionnelles. En France, cet acte est prévu par l’article 16 et son équivalent aux Comores, c’est l’article 12-3. C’est pourquoi l’acte est qualifié de Décision. C’est une qualification jurisprudentielle qui émane du Haut conseil constitutionnel français. 


Une vague de mouvement de protestation dénonce un putsch constitutionnel. Que dites-vous pour répondre à cela ?


D’emblée, on a tendance qu’il y a entorse à la constitution car ont fait une confusion entre le fond et la forme alors que ce sont deux choses séparées et qu’il faut séparer. Au niveau de la forme, quant on entend la suppression de la Cour constitutionnelle alors qu’il n’y a pas eu de révision constitutionnelle, on crie à la violation de la constitution or en réalité, il s’agit d’un transfert provisoire des compétences de la Cour constitutionnelle vers la Cour suprême pour assurer le fonctionnement régulier des institutions.

A chaque fois que le fonctionnement régulier des institutions est interrompu, le président de la République a le pouvoir et le devoir d’intervenir pour palier à cette situation exceptionnelle et c’est ce qui s’est passé.

 


Peut-on mettre fin à cette situation pour revenir à l’état normal ?


Je ne peux pas prédire l’avenir, mais normalement, oui. Toutefois, il faut rappeler que la suppression, le transfert des compétences de la Cour constitutionnelle vers la Cour suprême sont une des recommandations phares des assises nationales.

 


Ne pensez-vous pas que la Cour suprême dont la totalité des membres a été choisie par une seule personne risque d’être une structure moins indépendante que la Cour constitutionnelle ?


Je ne pense pas du tout car l’ensemble des organes judiciaires a été nommé par le président de la République. Les juges, les parquetiers, tous les chefs de juridictions sont nommés par décret du président. Cette situation n’est pas un apanage de la justice comorienne, mais plutôt de tous les pays francophones.

Je ne pense pas que la nomination des juges et des chefs de juridiction par le président de la République constitue un moyen qui compromettrait l’indépendance de la justice et des magistrats. Car l’indépendance de la justice est une chose consacrée par la constitution.

 


Qu’est ce qui a empêché la nomination des membres de la Cour constitutionnelle et la prestation de serment de ceux qui ont été désignés ?


Il faut distinguer deux choses, les conseillers à la Cour dont leurs mandats sont expirés devraient être remplacés. Il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire. Le président de l’Assemblée, le vice-président de Ndzuwani et le gouverneur de Mwali ont préféré ne pas choisir leurs représentants.

Pourquoi cette situation, je ne peux pas l’expliquer. Les gouverneurs de Ndzuwani et Ngazidja ont désigné leurs représentants et leur prestation de serment n’a pas été organisée. Qui devrait organiser cette cérémonie, l’article 2 de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour a prévu que les conseillers nommés doivent prêter serment devant le président de la République, les membres de l’Assemblée de l’Union, assister par le grand mufti.

Si je comprends bien, ce sont donc les services de la Cour qui devrait organiser la prestation de serment tout en tenant compte de l’agenda présidentiel afin d’avoir une date qui assure la disponibilié du président.


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