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A climat volatile, dénouements incertains

A climat volatile, dénouements incertains

Politique | -   Hassane Moindjié

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Révision constitutionnelle à marche forcée, mystères entretenus autour d’”aspirations” à des “évolutions statutaires”, “défense” effrénée des libertés, “maintien de l’ordre” musclé, interminable “crise des expulsions”, assemblée nationale “mise entre parenthèses”. Tout sur fond de fortes odeurs de pétrole et de gaz et d’une inquiétante érosion de la crédibilité de la classe politique. Dans ce brouhaha, la seule voie limpide et consensuelle qui nous arrive du ministre des Affaires étrangères est confinée, poussée à l’oubli. Tout se passe comme si certains poussaient à un pourrissement de la situation et à une jonction des tensions des deux côtés du “Mur Balladur” pour, dans la confusion qui s’en suivrait, pêcher en eau trouble dans leurs seuls et uniques intérêts que l’on devinerait même les yeux fermés.

 

“Manipulations” constitutionnelles “inédites”, manifestations tout aussi inédites qu’”illégales” pour la “défense des libertés et le retour à la normalité constitutionnelle”, souhait d’internationalisation du débat national, confusion entretenue autour de l’espace des libertés “de plus en plus réduits” et du “nécessaire maintien de l’ordre”, enquêtes d’”envergure historique” sur la corruption, soupçons de mise entre parenthèses du parlement, multiplication des déclarations à la limite de la provocation, divergence publique au sein de l’exécutif national, etc. Tout cela, sur fond d’une perte de crédibilité record de la classe politique et de prospections pétrolières que la presse internationale n’hésite plus à promettre concluantes. Ce cocktail peut, à lui seul il est vrai, êre explosif.

Néanmoins, si elle devait se focaliser et expliquer la tention actuelle, uniquement, par le combat que se livrent le pouvoir et l’opposition pour le maintien ou l’accession à Beït-Salam, l’opinion nationale passerait à côté d’un élément central et pourtant plus que jamais d’actualité : les tractations sous le manteau pour trouver une issue – d’une certaine manière et, surtout pas, d’une certaine autre – à la question de l’intégrité du pays née de l’occupation par la France du quart de son territoire.


Un telle erreur d’appréciation serait d’autant moins compréhensible que, de l’autre côté du “Mur Balladur”, à Mayotte, la tension – là aussi autour de tentatives de recomposition politique, de “révision de statuts”, de “sauvegarde de sécurité” sur fond d’une longue crise des “reconduites aux frontières” – a, ici également et de façon inhabituelle, du mal à baisser.

Capharnaüm

Dans ce capharnaüm, la seule voie consensuelle qui nous vient du ministère des Affaires étrangères semble de moins en moins audible et le combat de Souef M. Elamine, est confiné, poussé à l’oubli. Cela, à tel point que ce ne serait nullement extrapoler outre mesure sur les faits que de penser que certains ont fait le pari de “régler le compte” du “trop incontrôlable” chef de la diplomatie en faisant en sorte que ses belles affirmations des principes, la fermeté appréciée de ses positions dans l’affaire des expulsions à Mayotte deviennent les vox clamantis in deserto avant de mourir de leur belle mort sous l’indifférence (l’exaspération?) d’une partie des politiques et jusqu’au sein des propres amis de l’ancien patron de la Minusma.


Les objectifs recherchés dans ce capharnaüm voulu passerait d’autant plus comme une lettre à la poste, que l’autorité politique semble trop occupée à son référendum, à contenir ses “amis” et à charger ses opposants et, ces derniers, trop occupés à couvrir leurs arrières, à “défendre les libertés” et à contrôler leurs “amis”, que personne, au sein de la classe politique ne semble pouvoir s’accorder le temps de prendre la réelle mesure des véritables périls qui foncent sur le pays.

Un schéma très sérieux

Pourtant, dans ce tohubohu général, un scénario identique sur de nombreux paramètres à celui qui, en 2009, a abouti, dans une belle naïveté commune, à l’actuel “Nouvel ensemble comorien”, est d’autant plus à craindre que certains ne font plus mystère de lui avoir déjà trouvé un aboutissement qui, de leur avis convaincu, lui irait comme un gant : “Communauté de l’Archipel des Comores”**.

Ce schéma aurait pu prêter à sourire il y’a quelques temps. Mais, désormais, avec la chevauchée vers un chamboulement institutionnel qui cible dangereusement le dispositif de la Tournante, les longues et violentes “grèves générales” qui couvent encore à Mayotte, la longue “crise des expulsions” ainsi que les hésitations – réelles, feintes, ou supposées – des nouvelles autorités françaises par rapport au statut de l’île, il semble, de plus en plus, être pris aux sérieux par les leaders politiques, l’opinion et la presse aussi bien à Moroni, qu’en territoire occupé de Mayotte et à Paris.

Il serait, en effet, plus que naïf de penser que les fortes tensions actuelles à Moroni, se dénoueront, en tout et pour tout et dans la joie et la bonne humeur, dans le règlement des différends entre, d’une part, une tête de l’exécutif décidée à obtenir sa révision constitutionnelle à n’importe quel prix et, en face, des opposants qui, sous le thème de la “défense des libertés et de sauvegarde des institutions”, sont résolus “à tout prix” à s’assurer que les voies qui mènent à Beït-Salam restent bien dégagées, du moins pour les trois prochaines années.

Mais, il serait encore plus fatal de se complaire à croire qu’autour, certaines puissances étrangères qui sont, de plus en plus, fortement impliquées dans nos affaires pour les raisons multiples qu’on peut imaginer, se contenteraient de contempler, de loin, le périlleux spectacle qu’offrent nos chamailleries intrépides à cent lieues des enjeux fondamentaux – traditionnels ou nouveaux – du pays. Et, surtout, qu’elles ne chercheraient pas à tirer avantage de nos nouvelles errances.

Pêcher en eau trouble

Au total, tout laisse penser que dans cet attentisme fébrile et depuis cette antichambre surchauffée, certains au sein de la classe politique nationale et, sans doute plus encore, en dehors, appelaient de leurs voeux à un pourrissement de la situation, puis à une jonction des inquiétudes, des interrogations, des angoisses et, donc, des climats incertains des deux côtés du “Mur” colonial français pour, dans la confusion qui s’en suivrait, pêcher en eau trouble dans leurs seuls et uniques intérêts que l’on devine même les yeux fermés.

Si ce scénario désormais plausible devait se concrétiser, les forces politiques des deux bords – pouvoir et opposition – pourraient, pour espérer, chacune, tirer son épingle du jeu, être tentées non pas uniquement à de “petits” arrangements sournois aux dépens des intérêts vitaux du pays, comme on l’a vu par le passé. Elles auront ouvert, bien plus largement encore, les portes de la maison à des visées hostiles que nous serions incapables de réfréner. Elles auront fait le lit d’une énième et plus profonde déstabilisation de notre pays et de ses institutions et dont personne ne saurait prévoir l’issue. En effet, comme enseigne le célèbre adage : “Eshitsouliwa ni mlimwengu, sera ngudjohula”**.
Bien malheureusement.

Madjuwani hassani

* Lire à ce propos notre livraison du mercredi 14 février 2018, en page 5). ** (= si tu es incapable de tirer avantage de tes propres intérêts, un autre pourrait en tirer avantage à tes dépens)

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