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Allons-nous vers un nouveau “Nouvel ensemble “comorien”?

Allons-nous vers un nouveau “Nouvel ensemble “comorien”?

Politique | -   Hassane Moindjié

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Partis, il y a quarante-deux ans, à la recherche d’un pays uni, nous pourrions revenir avec une “Communauté de l’Archipel des Comores”. Si ce projet devait se réaliser, il signifierait, pour les Comores, la fin de leur rêve de se constituer, dans un avenir prévisible, en Nation unie, viable et forte dans le Sud-ouest de l’Océan indien. Pour sa part, avec ce nouveau “Nouvel ensemble “comorien”, l’ancienne puissance coloniale pourra mettre fin aux condamnations de la communauté internationale pour violation du droit pour sa présence sur l’île comorienne de Mayotte, tout en y perpétuant son occupation. Avec, cette fois-ci, notre agrément en bonne et due forme.

 

Alors que se déroulait les Assises nationales, dans certains milieux politiques et diplomatiques comorien et français circulait un document selon lequel, l’”Union des Comores” pourrait se transformer en “Communauté de l’Archipel des Comores”.

Cette mixture de quatre “éléments” – sous la forme d’1 île (Mayotte) + 3 (les trois autres îles de l’actuelle Union des Comores) – que ces milieux prépareraient activement, doit être vendue aux Comoriens comme étant “LA” solution au plus grand problème national de toute leur histoire, à savoir le recouvrement de l’intégrité territoriale. Certains hommes politiques comoriens et français en auraient déjà pris acte. Il ne resterait qu’à initier le dispositif, constitutionnel ou pas, d’y parvenir.

Dans ce sillage, un document distribué aux participants aux ateliers préliminaires des Assises nationales en fait clairement allusion sous la forme de sonnette d’alarme en ces termes : “le gouvernement français cherche à imposer aux Comoriens sa version de “Communauté de l’Archipel des Comores”.

De même, un membre du Comité Maore a affirmé qu’une autorité nationale a confirmé, en sa présence, l’existence de ce projet et qu’elle le considère comme l’épilogue du problème de la question de Mayotte.

 

Très bientôt, il n’y aura plus de question d’île comorienne de Mayotte, aurait conclu la dite autorité.

 

A constance implacable, tergiversations en série

De même, on se rappelle qu’en 2009, dans une lettre aux ambassades africaines en Ethiopie, l’ambassade de France à Addis-Abeba écrivait, déjà, que son pays préconisait une “approche globale” et pragmatique du conflit de souveraineté sur Mayotte, qui soit favorable aux deux parties”.

Dans ce même ordre d’idée, on ne peut que se remémorer la suggestion “il existe d’autres formes d’Union” entre Mayotte et le reste des îles de l’archipel faite, des années plus tôt, en juin1990 à Moroni, par le président français, François Mitterrand.

Comme on peut le constater, la volonté française de remporter la partie dans ce “contentieux regrettable”* et donc, de ruiner par la même occasion, toute chance pour les Comores de se constituer, un jour, en Nation unie, stable et qui compte dans le sud-ouest de l’Océan indien, a manqué de tout sauf de constance et de cohérence.

Cette volonté annexionniste écrase tout sur son passage et la moindre petite velléité comorienne de résistance est rabattue systématiquement, d’une manière ou d’une autre, la fin justifiant les moyens. La liste est longue. On se rappelle, en effet, les graves déstabilisations de mai 1978, de novembre 1989, de septembre 1995 ou encore d’avril 1999. 

Face à cette avancée inexorable, la partie comorienne a opté, sur le plan bilatéral franco-comorien et au niveau international, pour la stratégie des tergiversations, des ripostes et de fermetés feintes et des concessions à sens unique.

Au vu de tout ce qui se préparerait ou de “qui s’est déjà tramé derrière notre dos”, de l’avis de certains, il faudrait un miracle pour que l’Union des Comores s’en sorte indemne : nous-nous précipitons, selon eux, vraisemblablement, vers la “Communauté de l’Archipel des Comores”.


Mayotte “à l’ambassade de France”

Cette énième évolution institutionnelle est d’autant plus préjudiciable à tout effort de reconstitution nationale des Comores que le document en question précise que dans leur “recherche d’une forme d’unité”, des responsables comoriens ont déjà intégré “que le retour de Mayotte au sein des Comores n’est pas à l’ordre du jour”, que ladite “Communauté de l’archipel des Comores” se réalisera sous la forme d’une association “entre Mayotte et les Comores” dans le cadre d’une organisation de “coopération régionale” et, enfin, cerise sur ce gâteau amer, que Mayotte “sera représentée à Moroni au sein de l’ambassade de France”. Autrement dit, une reconnaissance pleine et entière par la partie comorienne, de Mayotte française.

Par ailleurs, dans leur contexte de pays déjà fortement ébranlé par des années de séparatisme, de territoire durement touché par d’innombrables déstabilisations et, plus que jamais, dans le viseur des expansionnisme des puissances étrangères installées dans le Sud-ouest de l’Océan indien, ce nouveau “Nouvel ensemble comorien” ne peut que fragiliser plus encore les Comores et les enfoncer dans des divisions et des régionalismes périlleux sous l’orchestration** de l’ancienne puissance coloniale et marraine incontestable du nouveau conglomérat. Il nous conduirait fatalement vers une “Communauté du chacun pour soi” qui ne survivrait pas à quelques anniversaires.


Jamais, aucun peuple !

En effet, au sein de ce conglomérat de 3 entités plus 1, placées les unes à coté de l’autre, sans autorité verticale unique possible et miné par – ultime étincelle sur la poudrière – deux souverainetés différentes et divergentes, tout partirait dans tous les sens. Cela d’autant plus que la souveraineté française sur Mayotte s’en trouverait revigorée par notre reconnaissance et l’autorité comorienne sur les autres îles réduite à sa plus simple expression.

Dans cette nouvelle configuration, l’Etat français sortirait gagnant sur toute la ligne. En effet, tout en évitant des condamnations de la communauté internationale à l’Onu pour cause d’occupation illégale de territoire d’autrui – son ultime souci et condition sine qua non pour la mise en place de cette “forme d’union” – il verrait, en outre, son contrôle décuplé sur l’ensemble de ce territoire en petits morceaux. Les Comores, pour leur part, auront tout perdu.

Si les suites des Assises nationales qui viennent de s’achever risquent d’offrir à l’Etat français l’occasion de faire passer ce projet diabolique sous la forme d’un abandon collectif et conscient de notre souveraineté sur Mayotte, elles peuvent, à contrario, constituer une occasion pour les Comoriens de relever la tête et d’éviter de faire ce que, jamais dans l’histoire de la terre, aucun peuple n’a fait : abandonner de son plein gré son pays à son adversaire tout en sirotant un café entre deux pauses d’un grand rassemblement national. Une occasion d’arrêter de reculer en faisant comprendre au monde qu’ils ne céderont jamais d’un pouce et à personne le moindre kilomètre de leur territoire.   


* Le président F. Mitterrand, lors d’une visite à Moroni
**Voir, à ce sujet, l’excellent article de Ary Yée Chong Tchi Kan, “Mayotte : base de déstabilisation des pays voisins?”, paru le 23 janvier 2018 dans le journal électronique réunionnais Témoignages.

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