Le centre de Moroni avait des allures de ville morte, vendredi dernier. Dès dix heures, les différentes voies menant aux deux grandes mosquées de la capitale ainsi qu’à la place de l’Indépendance – zone où devait avoir lieu la manifestation de l’Union de l’opposition, prévue après la grande prière hebdomadaire – ont été quadrillées par les militaires, et les véhicules déviés aux niveaux de Rive-gauche, du Cndrs, de Mbuweni et de la place Karthala.Ce qui ne laissait aucune ambiguïté quant à la détermination des autorités, comme annoncé la veille par le chargé de la Défense, de réprimer, encore une fois, la manifestation de l’opposition pour «le rétablissement de la Cour constitutionnelle». Un préalable, selon elle, à tout référendum.
A la fin de la prière, à la mosquée Al-Qasmi de Gobadju, l’on était quelque peu surpris de ne voir que le secrétaire général du parti Juwa, Ahmed Hassan El-Barwane, Ibrahim Abdourazak (Razida) de l’Updc et le député de Moroni-sud, Mohamed Msaidié, haranguer la foule amassée dans la cour. «Ce qui nous réunis ici, c’est simplement de dénoncer ce qui se passe. Sans Cour constitutionnelle, il ne peut y avoir d’élections légales», a lancé Razida.
Sauve qui peut
Ce dernier, prenant en exemple le cas de Madagascar, interpellera les forces de l’ordre, lesquelles «n’ont pas à couvrir Sambi, Ikililou ni, aujourd’hui, Azali ; mais à faire respecter la loi. La loi n’est pas respectée dans notre pays. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés». «Le mouvement ne doit pas faiblir. Il se peut que nous soyons bousculés, cela va de soi, mais nous ne devons pas nous laisser intimider», a-t-il ajouté appelant, toutefois, à «manifester calmement, dans le respect de la loi».
Les leaders de l’opposition prendront les devants d’une marche vers la place de l’indépendance qui n’ira pas au-delà de l’ancienne mosquée de Badjanani. A la vue du peloton d’intervention de la gendarmerie nationale (Pign), au pas de charge, les manifestants ont commencé à se disperser. Les quelques récalcitrants, dont les leaders de l’opposition, seront aussitôt délogés par une envolée de bombes lacrymogènes. En à peine cinq minutes, la manifestation a été annihilée. Certains manifestants, repliés du côté de Gobadju et de la mosquée Al-Qasmi, répliqueront avec des jets de pierres.
Un groupe d’intervention de la police nationale (Gipn) viendra à la rescousse du peloton de la gendarmerie nationale. Les deux entités finiront par prendre le dessus ouvrant peu à peu, vers 13 heures 30, la circulation. Cent-quatorze militaires ont été nécessaires pour venir à bout de quelque deux-cent-cinquante manifestants, rapporte le commandement national de la gendarmerie. Cette dernière fait état de quarante-quatre grenades lacrymogène utilisées et de quatre interpellations, dont deux à la mosquée Al-Qasmi et deux autres à la mosquée de la Coulée. A noter que le secrétaire général du parti Juwa, Ahmed Hassan El-Barwane, a été aussi arrêté vers 14 heures à Badjanani par le Pign.
«Terreur»
Quelques minutes auparavant, Barwane s’était livré à la presse pour dénoncer «l’hostilité» des forces de l’ordre qui ont cerclé la ville, dit-il, depuis la veille au soir fouillant à tout va les véhicules. «Une terreur a été installée depuis hier (jeudi, Ndlr) jusqu’à ce matin, les véhicules ont été bloqués sur les routes menant vers les mosquées de vendredi», dit-il.
Ahmed Hassan El-Barwane poursuivra en expliquant que «les militaires sont là pour assurer la sécurité des citoyens. Ce n’était pas une manifestation brutale, de jets de pierres. Nous marchions calmement, mais ce sont eux qui sont venus semer le désordre. Ils se sont mis eux-mêmes la corde au cou. On a compris que ce qu’ils veulent, c’est de voir le pays sombrer dans le chaos».