Le chef de l’Etat, Azali Assoumani, est arrivé hier en fin de journée à Abidjan en Côte d’Ivoire où il prend part aux Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (Bad). Il s’agit de la plus importante rencontre économique et financière du continent. Au total, 6000 invités prendront part à cet évènement. Il s’agit, selon de nombreux observateurs du «Davos africain» où se réunissent: chefs d’Etat, premiers ministres, ministres des Finances, gouverneurs des banques centrales, organisations internationales, institutions financières, acteurs économiques, lobbyistes, groupes industriels mais aussi des délégués du secteur privé africain.
Un dialogue de haut niveau entre chefs d’Etat
Les travaux ont été lancés hier lundi 26 mai par trois traditionnelles réunions. Il s’agit de la réunion du bureau des conseils des gouverneurs, la réunion du comité directeur conjoint du conseil des gouverneurs et la réunion des membres du comité directeur du conseil des gouverneurs, cette fois, chargée de l’élection du président de l’institution. En tout, cinq candidats sont en lice pour succéder à au Nigérian Akinwumi Adesina en poste depuis mai 2015. Une session plénière des gouverneurs même du Fonds africain de développement (Fad) est prévue. Mais les Assemblées annuelles sont officiellement ouvertes ce mardi 27 mai à l’hôtel Ivoire d’Abidjan, sous le thème principal « Tirer le meilleur parti du capital de l’Afrique pour favoriser son développement ».
Un dialogue de haut niveau entre chefs d’Etat. Celui-ci marquera la séance inaugurale de la cérémonie des 60emes rencontres. Elle sera axée sur «les perspectives économiques de l’Afrique» et le bilan annuel de la banque, devenue «un instrument incontournable dans la transformation économique du continent ces vingt dernières années », selon le chef de l’Etat, Azali Assoumani, à l’occasion de la visite du président sortant aux Comores en juillet 2024. Des forums de discussions sont prévus entre les 81 pays membres actionnaires de la Bad dont 27 issus d’autres régions du monde et des grands groupes qui souhaitent obtenir de passerelles de financements pour soutenir, d’un côté, des secteurs à fort impact socio-économique et de l’autre, de créer des partenariats nouveaux pour obtenir des parts de marchés sur le continent.
Des financements en hausse aux Comores
Aux Comores, la Banque africaine de développement (Bad) a multiplié, sous Akinwumi Adesina, des engagements financiers en faveur du développement. Infrastructures, constructions de ports, agriculture, énergie, gouvernance financière, climat, l’institution a presque doublé ses financements, qui passent de 150 à 266 millions de dollars entre 2021 à 2025 contre 63 millions de dollars initialement annoncés pour les cinq années. La Bad apporte aussi des « co-financements» dans des projets soutenus par d’autres bailleurs comme le chantier de construction du port de Bwangoma à Mwali.
La Bad explore d’autres secteurs, inclus dans le Document de stratégie pays (Dsp 2025-2030), pour soutenir les Comores dans la mise en œuvre du Plan Comores Emergent (Pce). Le tourisme, l’emploi, l’insertion professionnelle des jeunes sont en tête des nouvelles priorités de l’organisation aux Comores. À Abidjan, la délégation comorienne, composée, entre autres, du ministre des Finances, Ibrahim Mohamed Abdourazakou, du gouverneur de la Banque centrale des Comores, Dr Inoussa Imani, et de la Commissaire Gnérale au plan, Najda Said Abdallah tiendra de nombreuses rencontres dans ce sens pour consolider les financements annoncés et accélérer les mécanismes de levée de nouveaux fonds auprès de l’institution.
Le pays pourrait avoir le soutien du Fonds monétaire international (Fmi) qui a noté «des progrès encourageants» dans l’atteinte des objectifs du programme Facilité élargie de crédit (Fec) avec la validation annonée de la quatrième revue en juin prochain à Washington. Les enjeux de ces Assemblées annuelles sont multiples. Il s’agit, d’une part, de voir comment définir un nouveau cadre de financement de la stratégie de transformation de continent en comptant seulement sur les forces de l’Afrique. « L’Afrique ne peut pas compter sur la bienveillance des autres », avait souligné Akinwumi Adesina dans une longue interview accordée fin avril à BBC Afrique. Et, d’autre part, pousser l’institution à agir à l’africaine en s’adaptant véritablement aux réalités locales en rendant ses interventions beaucoup plus justes et résilientes et en réduisant la lourdeur bureaucratique.
L’autre enjeu de ces Assemblées annuelles est la mise en cohérence des politiques de soutien aux populations dans un continent fracturé géopolitiquement. L’Afrique est aujourd’hui dominée par des tendances panafricanistes de souveraineté monétaire dans un contexte de rupture avec les anciens bailleurs traditionnels et un parfum de rejet de leurs financements, considérés comme des outils d’asservissement financier et un moyen de prolongation du néocolonialisme.
Cinq candidats avec la même vision de transformer l’Afrique
La Bad saura-t-elle se placer au-dessus de la mêlée pour poursuivre ses interventions sans heurts dans l’ensemble des Etats du continent ?
L’autre enjeu est le renforcement du portefeuille de la Bad. Les actionnaires devraient faire le point à Abidjan sur les promesses faites en décembre dernier de porter le capital de l’institution à 318 milliards de dollars en 2025 contre 93 milliards en 2015. Ce sera sans doute l’une des premières missions du futur patron de l’institution. Pour le sortant, le groupe de la Banque africaine de développement est solide.
«La boussole de la banque est stable et son engagement envers le développement de l’Afrique est inébranlable », a souligné Adesina Akinwumi, cité par le site Abidjan.net, ajoutant que les Assemblées annuelles marqueront «un moment de renouvellement, de transition et d’ambition continue» et «offriront une plate-forme puissante à repenser comment l’Afrique conserve et déploie sa propre richesse». En tout, les candidats aux compétences garnies et aux expériences reconnues à l’échelle du continent, visent presque les mêmes objectifs de transformation de l’Afrique avec un style et des méthodes propres.
Il s’agit du Sénégalais Hott Amadou, économiste et banquier d’affaires, ex-ministre de l’Économie du Sénégal, du Zambien, Dr Maimbo Samuel Munzele, ancien vice-président de la Banque mondiale soutenu par la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), du Mauritanien, Tah Sidi Ould, ancien gouverneur de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (Badea), ancien gouverneur de la Banque centrale de Mauritanie, de la Sud-Africaine Tshabalala Bajabulile Swazi, ancienne directrice générale adjointe de la Banque mondiale et ancienne vice-présidente de la Bad, et du Tchadien Tolle Abbas Mahamat, ancien gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac).