Des rumeurs persistantes font état de tractations en cours pour que des ténors de l’opposition, autrement dit les hommes politiques que le peuple n’a pas souhaité voir aux affaires ces cinq prochaines années, puissent se retrouver aux plus hauts sommets de l’Etat.
Certains évènements intervenus ces derniers temps le laissent penser. Si cela devait se confirmer, ce serait, de la part du pouvoir, autrement dit des personnes que les électeurs, donc le peuple, ont voulu voir aux affaires, faire une grave entorse à l’éthique démocratique.
Ce serait, de sa part, une façon de détourner le sens des suffrages que lui ont accordés les électeurs, une façon de se jouer de leur confiance, de leur manquer de respect. Ce serait, passez-moi l’expression, leur ‘‘faire un enfant dans le dos’’.
Dans le combat pour l’accession aux plus hauts sommets de l’Etat, ce serait faire le choix de laisser la voie libre aux manipulations politiciennes de toutes sortes au détriment de la franche confrontation des idées, couronnée par le verdict des urnes.
Ce serait ouvrir un boulevard vers les plus hauts sommets de l’Etat aux opportunismes de toute nature. Mais ce n’est pas tout. Si cela devait se confirmer, ce serait, de la part de ces opposants, une façon de contourner les suffrages des électeurs. Une façon de tricher avec les voies communément admises pour accéder aux plus hauts sommets de l’Etat sur lesquels, seuls doivent pouvoir vous y propulser, les électeurs et donc le citoyen. Ce serait faire preuve d’inélégance.
La voix du citoyen
En effet, le mois de mai dernier, en se rendant aux urnes, les électeurs, donc le peuple, sont allés dire clairement à qui ils voulaient accorder le pouvoir de gérer leurs affaires durant les cinq prochaines années, et à qui ils ne voulaient pas accorder cette opportunité et cet honneur.
Ils sont allés dire entre quelles mains ils voulaient mettre leur destin, et entre quelles autres ils se gardaient de le faire. Et pour les cinq prochaines années, ces mains s’appellent la Crc, le Juwa, Orange, etc., ou encore les personnalités qui, lors de l’élection générale, sont allés se joindre à eux.
Elles ne s’appellent pas Udpc, Radhi, Ridja etc. et, moins encore, les personnalités qui, lors de cette même élection générale, sont allés se joindre à eux. Cela, indépendamment du respect qui peut leur être dû.
La politique et le combat pour l’accession à la gestion des affaires de la Nation ne devraient pas être les lieux de la dilution des principes communément admis dans la conduite des affaires de la cité.
Ils ne devraient pas être la foire aux manipulations et aux bricolages de tout genre au service des plus malins et des plus téméraires.
Ils ne devraient pas être le champ libre laissé aux navigations frénétiques des plus avides et aux chevauchées les plus fantastiques vers les privilèges de toute nature qu’offrirait une position aux plus hauts sommets de la hiérarchie d’Etat.
Une République, pas un royaume
Aussi, ce serait mépriser le peuple et les électeurs et leur faire injure s’ils devaient se rendre compte, le matin en se réveillant, qu’on leur a imposé aux plus hauts sommets de l’Etat des personnalités, donc des idées, qu’ils n’ont pas voulu voir à ces positions.
Le fait d’être porté aux plus hauts sommets par le suffrage universel ne signifie pas, en effet, qu’on a acquis le pouvoir et le droit de s’approprier de l’Etat, il n’autorise pas à gérer l’Etat comme on gérerait sa chose.
Cela ne constitue pas un blanc-seing donné aux détenteurs du pouvoir pour faire tout à leur propre guise. Car, en choisissant la voie des urnes plutôt qu’une autre, le peuple et l’histoire de notre pays ont voulu porter à leur tête non pas des monarques souverains mais, plus simplement, des personnalités appelées à gérer leurs affaires sur la base des principes, des règles, des bienséances et du rythme que ce même peuple et cette même histoire ont, eux même, établi souverainement.
Le combat politique libre et l’alternance démocratique sont faits pour mettre sur un même pied d’égalité tous les citoyens dans la course pour l’accession aux plus hautes responsabilités.
Sérénité et stabilité
Mais ils sont faits, également, pour obliger à plus de clarté dans nos actions et nos bilans, pour permettre aux citoyens de lire dans l’action des uns et des autres et, au bout du compte, de se faire une idée précise de l’action de ceux à qui les suffrages ont accordé le privilège et le poids des plus hautes responsabilités.
Ils sont faits, surtout, pour que ceux que les électeurs et le peuple ont choisis puissent exercer le pouvoir en mettant en œuvre les idées, les stratégies et les méthodes pour lesquelles ils ont consenti à les envoyer aux affaires pendant un mandat.
C’est en cela qu’ils sont considérés comme les seuls porteurs de la sérénité et de la stabilité nécessaires à l’aboutissement de l’effort de développement.
Modernisation
Cela d’autant plus qu’à la lumière de notre histoire démocratique de ces trois dernières décennies, le nouvel élan que nos concitoyens et, depuis près d’un an, les nouvelles autorités, appellent de leurs vœux, ne peut s’installer dans la durée sans une modernisation de la vie politique qui se définit par l’estime accordée au sens du combat politique, par le respect des échéances et de la signification des suffrages accordés par le peuple.
Une modernisation qui ne devrait pas être un luxe que le pouvoir peut choisir de s’offrir ou pas, parce que, tout simplement, la recherche d’un développement harmonieux ne peut faire l’économie d’une modernisation de la vie démocratique.Cela ne signifie pas, pour autant, que pour ces cinq ans, ceux qui n’ont pas été portés à la tête de l’Etat sont bons à jeter, loin de là.
En mettant le pouvoir entre les mains des uns, les électeurs et le peuple ont mis entre les mains des autres et par la même occasion, le rôle capital et indispensable en démocratie du contrôle de la conduite des affaires de l’Etat.
Seule l’alternance démocratique
A ce propos, il est plus que temps que nos hommes politiques intègrent le fait que l’opposition n’est pas le banc des ratés du combat politique, qu’elle ne constitue pas un chemin de croix.
Il est plus que temps qu’ils intègrent le fait que depuis l’opposition, autrement dit la place que le peuple leur a accordée, ils ont le devoir de suivre et d’aider activement à la marche du pays en jouant leur rôle, indispensable en démocratie, de contre-pouvoir et de contrôle de l’action des gouvernants.
Ils ont, enfin, le devoir d’apprendre à attendre patiemment le jour où, par la seule voie de l’alternance démocratique, les institutions de la République et l’histoire leur repasseront le plat; le jour où les électeurs et les citoyens leur redonneront confiance en mettant ou remettant entre leurs mains le pouvoir de conduire, depuis les plus hauts sommets de l’Etat, leurs affaires. Il n’y a pas d’autres alternatives démocratiques et honorables.