Le chef de l’Etat a clairement indiqué sur France 24 son opposition à toute future opération d’expulsion forcée des Comoriens vivant à Mayotte. «S’il y a des volontaires qui veulent venir, ils vont venir mais si c’est le forcing, il n’en est pas question», a-t-il affirmé, interrogé par Marc Perelman. «Il y a des Comoriens qui sont à Paris qui n’ont pas de papiers, ils sont tranquilles mais quand ils sont à Mayotte, ils ne sont pas tranquilles, ça c’est incompréhensible», a-t-il ajouté, exaspéré par les menaces régulières et les atteintes répétées à la dignité des Comoriens vivant à Mayotte, et relayées par les medias.
«Les Comoriens sont chez eux à Mayotte»
Azali Assoumani a ainsi rejeté catégoriquement le terme « immigration » employé pour qualifier l’afflux des Comoriens venant des trois autres îles. Il a précisé que ce terme doit être utilisé pour parler seulement des autres personnes de nationalités étrangères. «Je ne peux pas accepter qu’un Comorien qui se trouve à Mayotte soit considéré comme un immigré, je ne peux pas accepter cela», a souligné le président qui a réitéré encore une fois tout plan d’expulsions des Comoriens à Mayotte comme l’ont annoncé dernièrement les autorités occupantes.
«Moi, je vais refuser, je ne peux pas accepter, on n’a jamais entendu pour le cas des autres nationalités mais ce sont toujours les Comoriens, il faut qu’on trouve une solution, il faut qu’il y ait l’autorisation de notre pays. Moi, je vais m’opposer», a-t-il encore souligné, se demandant pourquoi l’on s’abstient à parler des autres ressortissants qui arrivent en masse à Mayotte. «Il n’y a pas que les Comoriens des autres îles, il y a aussi des Rwandais, des Burundais, il y a une multitude de nationalités africaines, ce sont les immigrés. Mais les Comoriens sont chez eux à Mayotte», a précisé Azali Assoumani pour qui le mur invisible érigé entre Ndzuani et Mayotte est la source des difficultés actuelles. « Lorsque Balladur a mis le visa, c’est ce qui a fait que les Comoriens qui sont là-bas ne peuvent pas retourner.
Quand il n’y avait pas le visa, aucun Comorien des trois îles ne restait à Mayotte s’il n’avait rien à faire parce qu’il allait voir la famille, pour mariage, pour un hitma, et puis il revient parce qu’il sait qu’il va revenir le lendemain. Maintenant, avec le visa, le Comorien qui est là-bas, quelle que soit la raison qui le pousse d’aller là-bas, il se dit si je retourne, est ce que je peux revenir» à Mayotte, a souligné le président qui exprime sa désolation s’agissant des pertes humaines entre Ndzuani et Mayotte. « Je ne peux pas laisser les gens aller mourir. Qui est responsable, qui est coupable», a-t-il interrogé au sujet des traversées, se demandant aussi pourquoi la France n’arrive pas à démanteler et à mettre un terme aux filières des kwasa.
Les intérêts des deux pays
Menaces régulières d’expulsions forcées, traitement des Comoriens des autres îles, incapacité à démanteler ces filières des kwasa, dialogue en manque d’audace côté français, le président de la République appelle à sortir des lignes de crêtes et à mettre de la volonté politique dans le processus de règlement concerté du conflit territorial qui oppose les Comores à la France depuis un demi-siècle. Interrogé sur le dialogue prôné avec la France, le chef de l’Etat dit rester « optimiste », souhaitant que chaque partie trouve son compte avec l’idée de parvenir, « étape par étape » à « des résultats » qui prendront en compte les intérêts des deux pays.
Sur ce point, Azali Assoumani croit qu’il y va de l’intérêt de la France de créer les conditions à l’unification progressive de l’archipel. Affichant un esprit d’ouverture au dialogue et une fermeté dans la défense de la souveraineté du pays, le président de la République appelle la France à faire preuve d’audace en mettant de la volonté politique dans le processus de règlement de ce contentieux territorial, vieux de cinquante ans. «Malgré ce contentieux, nous avons de très bonnes relations avec la France. Tout est possible pour qu’on s’asseye ensemble pour discuter pour l’intérêt des deux pays. On a vu Hong Kong qui a passé 99 ans (…). Ce n’est pas le nombre d’années qui compte, ce sont les intérêts, parce que chaque chose à son temps», a-t-il souligné lorsque le journaliste lui demande qu’il ne serait pas grand temps de dire haut et fort à la France de laisser les Comores «exercer leur droit sur Mayotte» après 50 ans d’occupation, d’inertie et de statu quo.
La suppression du visa Balladur
Faisant le choix de la pédagogie et du pragmatisme, le président de la République souhaite laisser le temps faire son œuvre. « En 1975, les Français ont compris qu’ils avaient un intérêt à garder Mayotte mais est ce que maintenant ils ont un intérêt à garder Mayotte, à avoir les trois îles contre eux», a-t-il mentionné.
Le chef de l’Etat a estimé que la France aura grand intérêt à travailler durablement et sans heurts ni difficultés permanentes avec un pays uni et stable. «Nous, c’est la souveraineté, et la France qui a grand intérêt dans la région, dans une région stratégique comme le Canal de Mozambique d’être en paix et en sécurité. Et cela passe par l’unité de ce pays pour être un partenaire fiable de la France», a encore souligné Azali Assoumani qui considère la suppression du visa Balladur comme préalable à tout processus de règlement honorable de la question de Mayotte.
Elections.«A chacun de faire recours» Le chef de l’Etat a répondu à la question sur «les irrégularités» supposées dénoncées par l’opposition. Il a appelé les candidats à faire valoir leurs droits à travers les voies légales. «A chacun de faire recours. En tout cas, nous, on est très satisfait», dit-il . Azali Assoumani s’est félicité du déroulement du scrutin. «Il y a eu des observateurs ici, l’Union africaine, l’Easf, les Etats-Unis. Ils ont constaté, ils ont fait des rapports comme quoi tout s’est passé, dans le calme et la sérénité, nous les remercions».Le président a également réagi au sujet de Chido à Mayotte et le nombre de décès annoncé, demandant une plus grande transparence sur le nombre de victimes du cyclone qui a ravagé l’île le 14 décembre dernier.
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