Monsieur le président, de nombreux Comoriens se demandent si vous allez battre campagne en pleine fonction ou si vous allez prendre congé. Que répondez-vous vis-à-visde cette interrogation ?
Merci de m’avoir invité à répondre aux interrogations des Comoriens. S’agissant de votre question, elle est d’ordre constitutionnel. La Constitution exige à ceux qui sont en fonction de prendre congé.
Mais vous avez raison de soulever la question dans la mesure où il y a une période pendant laquelle j’étais président et candidat. La loi ne m’interdisait pas d’exercer mes fonctions tout en étant un candidat à l’élection. Cela dit, j’ai démissionné quand même en 2002 bien que la loi ne l’obligeait pas. Cette fois-ci le problème est résolu, puisque la loi a clairement stipulé que nous devons prendre congé de nos fonctions avant de nous lancer dans la course. C’est constitutionnel et nous le respectons.
Quel est donc le ministre qui va assurer la transition et sur quelle base l’avez-vous choisi ?
La Constitution m’autorise à choisir le ministre que je veux pour assurer ma suppléance. J’ai choisi le ministre Moustadroine Abdou. Il ne faut pas tomber dans le piège. Moustadroine Abdou est en mesure d’exercer les responsabilités d’un chef d’Etat.
Je n’ai pas tiré au sort. Ils (les ministres) sont au nombre de douze, en plus de trois secrétaires d’Etat, et je l’ai choisi. Je leur fais tous confiance.J’étais avec eux et nous avons travaillé ensemble.
Mais, j’ai estimé que c’est lui qui était le mieux placé pour assurer cette responsabilité. Pour le reste, vous allez lui demander.
Monsieur le président, quelle est la différence entre ces élections de celles de 2006, élections durant lesquelles il y a eu un appui militaire ?
C’est une très bonne question. Effectivement, après la crise séparatiste, des militaires ont été envoyés dans le pays pour une interposition. Cette élection s’est déroulée en leur présence. Effectivement, ces militaires ont été présents dans le pays, lors des élections de 2002, pour l’observation et la sécurisation.
Il s’agissait d’un nouveau système qui débutait, celui de la tournante. Tout le monde se posait la question sur sa faisabilité.
Donc, pour rassurer tout le monde, en 2006 j’ai demandé à ce qu’il y ait un appui, que ça soit pour une observation technique ou pour la sécurisation.
Heureusement, c’est ce qui s’est passé.
Pour ce qui est des élections de 2011 et 2016, ce n’est pas à moi de répondre à cette question. Ce que je sais, Dieu merci, c’est que nos militaires font du bon boulot. De 2011 à 2016, il n’y avait pas cette sécurisation étrangère, pourtant notre armée a assuré la paix dans le pays. Et même vous avez vécu le troisième tour qui s’est déroulé au niveau de l’île de Ndzuani et il n’y a pas eu de guerre.
Ainsi, nous devons être fiers de nos militaires pour l’efficacité de leur travail. Les échéances électorales de 2011 et 2016 ont été reconnues par la communauté internationale. La seule différence est leur appui sécuritaire. Cette fois, nous avons sollicité un appui. Le ministre des Affaires étrangères a envoyé les courriers. J’ai rencontré l’Oif, le Sadc. Des missions de la Coi et du Comesa sont venues aux Comores. Les Nations-unies ont envoyé aussi une mission d’évaluation. Les organisations internationales et régionales nous ont promis d’envoyer des observateurs.
Nous tenons à leur présence pour éviter les suspicions. J’ai confiance en mes compatriotes. Nous avons organisé quatre élections et l’alternance politique opposition-pouvoir s’est déroulée dans le calme. Les Comoriens ont assez de maturité pour prendre en mains leur destinée. Mais, c’est pour éradiquer les suspicions que nous faisons appel aux observateurs.
L’observation technique va-t-elle suffire pour garantir la paix durant ces élections ?
Nous avons organisé des élections en 2011 et en 2016 sans la présence des militaires étrangers. Pourquoi cette inquiétude? S’ils arrivent pour ces élections, c’est un ajout. Il n’y a pas de problème sur la sécurisation militaire. Maintenant, en ce qui concerne la sécurisation technique des élections, nous avons quand même organisé quatre ou cinq échéances électorales en une période de vingt ans. Nous avons la technicité de les organiser. Le scrutin référendaire s’est déroulé et vous n’avez pas entendu des gens qui l’ont condamné. Il y avait des observateurs. S’ils n’ont pas contesté le référendum, c’est parce qu’il n’y avait rien à contester.
A propos de cequi s’est passé durant la dernière échéance, la main d’un gendarme a été coupée. Si les militaires avaient riposté avec du gaz lacrymogène, on aurait parlé du gaz et non de la main coupée. Heureusement, nos militaires ont évité le pire. Je vous rassure que le système, pour l’organisation des élections, est bien en place. Le ministre en charge des élections a même conservé le matériel électoral utilisé en 2016. 70% de ce matériel a été utilisé à nouveau durant le référendum. Il sera maintenant question de complément. La commande a été déjà effectuée. Les principaux acteurs des élections sont là, la Ceni a l’expérience de ces votes. Les travaux sont lancés, des formations sont en cours. Nous faisons appel à la communauté internationale pour rassurer du bon déroulement. Elle doit être témoin. Nous avons suffisamment les moyens techniques et humains pour organiser ces éléctions. Et nous allons respecter la démocratie.
Des personnes se servent des biens publics durant la campagne électorale. Jusqu’à maintenant (mercredi avant 00 heure), vous êtes le garant des institutions. Quelles sont les dispositions prises pour éviter cela?
Je vous assure que le nécessaire sera fait afin d’éviter toute dérive. Je ne lance pas un défi. Mais, je m’engage à prendre les sanctions contre ceux qui vont se servir des biens publics pour la campagne. Personne n’oserait dire que je me suis servi des biens publics lors de la campagne de 2002, quand j’étais candidat, et/ou de 2006 quand j’avais un candidat. Avec cette expérience, je ne me suis pas habitué à ces pratiques. Je ne dis pas que ça ne pourrait pas se faire, mais je tiens à réitérer que les dépenses pour une campagne sont personnelles.... Je demande aux systèmes d’audits de bien ouvrir l’œil.
Lors du séminaire de la banque centrale, vous avez déclaré “je suis président, je vais prendre congé. Je prie d’y revenir”. Quel message voulez-vous transmettre ?
C’est un voeux que je formule en ce jour de mercredi. C’est vrai, dans le sens de “congé”, vous partez dans l’intention de revenir. Je prie de prendre congé et d’y revenir. J’estime que les Comoriens vont m’accorder leur confiance. C’est le bon déroulement des élections qui m’importe le plus. Et ça, c’est une responsabilité de tout un chacun. Vous, les journalistes, dans vos reportages sur terrain, il ne faut pas jouer la provocation. Que chacun assure à merveille ses responsabilités pour un bon déroulement des élections pour que les observateurs puissent en témoigner.
A partir de demain (jeudi) vous ne serez pas président de la République. Irez-vous à la plage ou à la préparation de la campagne ?
Les deux à la fois. Mais, il est important de savoir se reposer. Des responsabilités pareilles sont très difficiles.
Mais, après avoir lancé la machine pour les Assises, nous avons senti que ces élections sont une possibilité de faire avancer le pays et ça se concrétise. Etant politiciens, nous n’allions pas attendre jusqu’au jour J pour nous préparer. Nous nous préparons depuis longtemps. J’espère que l’opposition se prépare. Mais, peut-être l’avons nous devancé dans la mesure où elle ne voulait que ces élections aient lieu. On va se reposer un peu avant de se lancer dans la course.
A partir de 00 h (du mercredi dernier) vous serez candidat. Quel message voulez-vous transmettre aux Comoriens ?
Nous avons une grande richesse dans ce pays que nous devons conserver. Comme je l’ai dit précédemment, nous avons organisé des élections à maintes reprises.
Et les Comoriens ont choisi leur président. Il y a eu un temps où une seule personne décidait de tout, en donnant la victoire à qui elle voulait. Pourtant, j’étais président et mon candidat a perdu. En 2016, ceux qui gouvernaient ont perdu, j’ai remporté la victoire. Il n’y a pas eu de conflits. C’est un bilan dont les Comoriens doivent se montrer fiers. Voilà quarante-quatre ans que les Comores sont un pays indépendant. Il y a un pays qui compte soixante ans d’indépendance et ce dernier a connu dernièrement sa toute première élection dans la paix, au terme d’élections où un leader de l’opposition a battu un leader du parti au pouvoir. Nous avons opté pour la démocratie.
Il y avait un parti unique avant, mais à partir de 1990, les Comoriens ont décidé de passer au pluralisme. C’est un choix et nous devons l’assumer. Nous sommes dans la bonne voie. Espérons que les Comoriens feront le bon choix.
Transcription de
Nazir Nazi
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