Le chef de l’Etat a interpellé hier la communauté internationale à la tribune de l’Onu sur les fragilités du système international et ses conséquences sur le devenir commun de l’Humanité, citant en particulier « la tragédie palestinienne » en cours dans la bande de Gaza et l’absence de mécanismes contraignants pour stopper le génocide. Azali Assoumani, en multilatéraliste convaincu, a ravivé les grands principes de la charte des Nations unies et défendu les engagements de l’Union des Comores à l’international. Mais, il a exprimé des inquiétudes sur l’effondrement des principes universels qui devaient constituer le socle commun de l’action collective. « L’ordre international traverse de profondes turbulences », a-t-il d’abord reconnu en préliminaire.
Le silence de la communauté internationale
Le président n’a pas caché son scepticisme quant à la capacité de la communauté internationale d’honorer ses engagements en matière de développement. « Il y a dix ans ici même, nous avions fixé l’ambition d’un monde meilleur à l’horizon 2030. Les Objectifs de développement durable devaient éradiquer la pauvreté, protéger la planète et offrir à tous la prospérité et la paix. Or à cinq ans de cette échéance, force est de constater que le monde n’est ni plus juste, ni plus apaisé, ni plus équitable. Au contraire, les inégalités s’accentuent, les conflits se multiplient»,a-t-il déclaré.
« Le thème de cette 80ème Session, ‘’Mieux ensemble : plus de 80 ans au service de la paix, du développement et des droits humains’’, prend toute sa pertinence et son urgence, dans le contexte mondial actuel », a-t-il souligné dans son discours de 13 minutes dont une bonne partie consacrée à la Palestine avec les massacres perpétrés au quotidien mais aussi à la question de l’île comorienne de Mayotte avec son lot de victimes et les actions délibérées « qui conduisent régulièrement au naufrage d’embarcations et qui provoquent la mort de plusieurs ressortissants comoriens ».
S’agissant de la Palestine, le président de la République, visiblement affecté par ce qui se passe dans la bande de Gaza, s’est interrogé sur le silence de la communauté internationale face aux souffrances de la population gazaouie et estime que le monde est en train de trahir ses valeurs, tourner le dos à ses idéaux et enterrer ses principes. « L’Humanité s’éloigne de la vision qui nous animait. La tragédie palestinienne en est le témoignage le plus accablant. Depuis plus de 70 ans et aujourd’hui encore plus qu’hier, le peuple palestinien endure la spoliation de sa terre ancestrale, l’exil, la torture et l’humiliation », a souligné Azali Assoumani.
«Une contradiction insoutenable»
Le chef de l’Etat a exprimé sa solidarité à l’égard d’un peuple martyrisé, spolié, humilié et terrorisé depuis soixante-dix ans. « Son histoire récente n’est qu’une succession de pages écrites dans le sang, l’indifférence et le mépris. Face à ce drame, qualifié à juste titre de génocide par nombre d’experts, la communauté internationale se limite trop souvent à des condamnations verbales, sans actions concrètes », a-t-il déploré. « Comment, un gouvernement, issu d’un peuple qui été victime de l’holocauste, peut-il commettre un génocide, au vu et sus du monde entier et imposer aujourd’hui à d’autres les traumatismes semblables, de la guerre, de l’exil et de l’oppression », s’est interrogé Azali Assoumani.
Condamnant «les actes terroristes du 7 octobre », le président de la République estime que « la riposte disproportionnée qui se déroule à Gaza depuis, relève bien d’un génocide dont les victimes sont à 80% des enfants, des personnes âgées et des malades tués par des bombardements qui n’épargnent ni les hôpitaux ni les centre de distributions d’aides, ni les personnels de l’ONU, ni les journalistes ». Pour Azali Assoumani, « les crimes perpétrés contre la Palestine révèlent une contradiction insoutenable », se demandant encore une fois « comment Israël peut-il de surcroît, s’en prendre à tous et être en conflit meurtrier avec tous ses voisins ? », avant de « saluer le courage et l’humanisme des Israéliens qui élèvent leurs voix contre la barbarie».
Et lui de rappeler la solidarité manifestée par les autres peuples du monde après la Shoah au lendemain de la deuxième guerre mondiale. « Comme l’Histoire nous le rappelle, devant la tragédie de l’holocauste, les pays arabes, africains et les Musulmans n’ont jamais été du côté des génocidaires. Au contraire, nos aïeux ont été du côté des alliés pour défendre le peuple juif, au péril de leur vie », a-t-il souligné avant de rappeler la position de l’Union des Comores qui n’a jamais varié depuis la visite à Moroni en 1986 du chef historique de l’Organisation de libération de la Palestine (Olp), Yasser Arafat.
La Déclaration de New York sur la Palestine
«L’Union des Comores, fidèle à ses principes et au respect du droit international, réaffirme son soutien indéfectible à la solution à deux États, avec Jérusalem-Est comme capitale de l’État de Palestine, seule solution pour la paix et la sécurité, pour Israël et toute la région du Proche et Moyen Orient car, un Etat a des devoirs et des obligations contrairement à un groupe », a souligné Azali Assoumani qui a salué l’initiative franco-saoudienne ayant abouti à la Déclaration de New York » sur la Palestine. « Nous saluons la décision historique de la France et nous rendons hommage au président Macron et aux dirigeants des nombreux autres pays, qui ont reconnu lundi 23 septembre dernier « l’État de Palestine », depuis cette tribune de l’ONU ».
Azali Assoumani souhaite que la dynamique engagée en faveur de la reconnaissance soit poursuivie et que la pression soit également maintenue pour parvenir à un règlement durable de la question, respectueux du droit international et qui fera honneur à toute la communauté internationale. « Nous appelons cette Assemblée à inscrire de façon irréversible l’avenir de l’État palestinien au cœur de notre agenda commun. Il est de notre responsabilité morale d’agir, car chaque jour qui passe sans action, entraine la mort de milliers d’innocents, femmes et enfants. Personne ne pourra plus dire, je ne savais pas. L’Histoire est un juge implacable qui ne pardonnera ni le silence, ni l’inaction », a-t-il fait savoir.
La tragédie à Mayotte
S’agissant de Mayotte, le chef de l’Etat a eu presque les mêmes mots pour dénoncer la même injustice au sujet de l’île occupée qui « constitue l’une des dernières blessures de la décolonisation en Afrique ». Azali Assoumani a appelé la communauté internationale à agir pour que prend fin cette occupation et déplore les agissements de certains pays membres de l’Union africaine qui brisent les principes des chartes fondatrices de l’organisation. «Nous nous désolons ainsi que certains pays frères, qui ont toujours défendu le droit international et la cause comorienne, tergiversent aujourd’hui et prennent des initiatives malheureuses avec la France, pour établir des relations avec Mayotte, au mépris de notre souveraineté nationale», a-t-il dénoncé.
«Nous appelons l’Union Africaine à agir, pour rappeler le devoir et la nécessité du respect du droit international et de l’unité de notre archipel», a-t-il plaidé, ajoutant devant le monde entier que « l’Union des Comores poursuivra sans relâche, son action diplomatique et juridique afin que justice soit rendue et pour qu’une solution juste soit trouvée à la question de l’Ile comorienne de Mayotte». Pour le président « le dialogue engagé avec la France sur ce que feu le président Mitterrand a qualifié de contentieux désagréable doit aboutir car ce différend qui n’a que trop duré, coûte chaque année la vie à des milliers de nos compatriotes».
Et sur ce point, Azali Assoumani n’a pas manqué de revenir sur les révélations du journal Le Monde sur « des actions délibérées » visant à noyer des embarcations en violation du droit de la mer et des règles internationales sur la navigation. «Des faits d’une extrême gravité ont été révélés par une enquête du Journal français Le Monde qui fait état de manœuvres délibérées de la Police opérant à Mayotte, qui conduisent régulièrement au naufrage d’embarcations et qui provoquent la mort de plusieurs ressortissants comoriens».
Un plaidoyer en faveur du Pce
Le chef de l’Etat a dénoncé ces pratiques documentées par le media français mais a également demandé l’ouverture d’une enquête pour situer les responsabilités, arrêter et traduire en justice les auteurs de ces actes jugés «criminels» par de nombreux observateurs aux Comores et dans le reste du monde. «L’Union des Comores appelle l’État français, puissance occupante à faire arrêter ces opérations, à diligenter les enquêtes appropriées et à sanctionner les auteurs de cette barbarie, pour que justice soit faite et pour que la dignité des vies humaines soit respectée », a-t-il demandé. Autres points soulignés par le président dans son discours : la vulnérabilité des petits Etats insulaires et le Plan Comores Emergent (Pce), appelant à plus de solidarité pour accompagner ces pays vulnérables face aux changements climatiques. « La montée des eaux, l’érosion côtière et la fréquence accrue des cyclones menacent nos villages, nos écosystèmes et nos vies.
Nous appelons à un accès équitable et simplifié aux financements climatiques et à une solidarité accrue, pour que nos populations puissent non seulement survivre, mais prospérer», a-t-il souligné. Au sujet du Pce, le président de la république a fait un plaidoyer en faveur de la mobilisation des financements pour poursuivre l’élan des projets de développement. «L’Union des Comores a engagé le Plan Comores Émergent (PCE), qui vise à transformer notre économie, renforcer nos infrastructures, moderniser notre éducation et améliorer la santé de nos populations », a-t-il indiqué avant d’appeler «nos partenaires bi et multilatéraux ainsi que le secteur privé à se joindre à ce projet de développement porteur d’avenir fondé sur trois piliers : la croissance inclusive, la transition énergétique et numérique l’économie bleue, qui constitue une des richesses de l’Océan Indien».
Réguler le monde
Le président a appelé l’Afrique a être à la hauteur des défis. « L’Afrique, continent de près de deux milliards d’habitants, doit obtenir sa place légitime au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies. La vision de l’Union Africaine - une Afrique unie, prospère, pacifique et actrice de son destin- rejoint pleinement l’esprit de cette Session », a-t-il souligné. « Durant ma présidence de l’Union Africaine, j’ai fait de la résolution des conflits et de la médiation une priorité, afin de concrétiser l’ambition de « faire taire les armes ». « Cet engagement est la clé de la mise en œuvre effective de la Zone de libre-échange continentale africaine, pilier d’une Afrique forte dans le concert des Nations », a-t-il plaidé.
Le chef de l’Etat a conclu son discours par la réaffirmation des engagements et des principes qui doivent réguler le monde. « Nous plaidons pour un multilatéralisme fort, juste et solidaire, fondé sur la Charte des Nations Unies et le respect de l’égalité souveraine des États », a-t-il dit. Dénonçant « les dérives du protectionnisme et du repli sur soi », Azali Assoumani dit aspirer à «des réformes de l’architecture financière internationale » avec «nos aspirations communes à la paix, à la justice et au développement ».