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Bandar es Salam, cet aéroport qui n’a d’aéroport que le nom

Bandar es Salam, cet aéroport qui n’a d’aéroport que le nom

Politique | -   Faïza Soulé Youssouf

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Bandar es Salam, aéroport de Mwali. Bandar es Salam qui est depuis le 19 février, suite à l’affaire dite des clous, sous les feux des projecteurs. Des autorités aux responsabilités diverses, toutes plus grandes les unes que les autres ont élu domicile à Mwali. L’ignoble acte aura permis au moins de mettre en lumière la dangereuse porosité de ce lieu qu’on appelle pompeusement aéroport.

 

L’aéroport, à proprement parler ne paie de pas mine. Dès le “parking” au sol boueux et rouge, le décor est planté. La salle d’attente se trouve sur ce qui doit être une terrasse. Les bagages sont entreposés à même le sol. Leurs propriétaires attendent patiemment leur vol, sous la chaleur suffocante de ce samedi. Le bâtiment principal aurait besoin au pire d’une bonne couche de peinture, au mieux d’être rasé.

Le comptoir d’enregistrement est tout aussi délabré. Un plafonnier, ne fonctionne plus, à l’évidence depuis Mathusalem. Ici, on confirme les billets. La pesée des bagages y a également lieu. Elle a lieu sur une simple balance, comme celle qu’on trouve dans les supérettes.

Au sein de cette salle, se trouve un espace, séparé du reste par un contreplaqué et un rideau. Il y a écrit “pas de fouille, pas de vol”. Les passagers sont tenus d’y faire un tour avant de poursuivre leurs formalités en vue de prendre l’avion.

Deux portiques de sécurité, trônent piteusement. Ils ne servent à rien. Selon une employée rencontrée dans la “salle de fouille” “cela doit faire au moins deux ans qu’ils sont hors- service”. Un agent de la sûreté répondant au nom de Youssouf Fakihidine, assure que c’est bien cela.  Deux ans et cela n’émeut personne.
Alors, la fouille se fait manuellement ou avec un détecteur de métaux à main.

Nous quittons le bâtiment pour aller sur la piste en passant par l’entrée placée à côté de l’Anpi. Et malgré l’affaire dite des clous, nous y entrons sans guère de difficultés.  En arrivant, nous y trouvons une haute autorité en train de houspiller un des responsables de l’aéroport, à cause justement du manque de surveillance.

 

Ce n’est pas normal que l’on puisse passer ce portail sans avoir été au préalable, identifié et minutieusement fouillé ; ce qui s’est passé ne vous a donc pas servi de leçons, sermonnera-t-il.



“La piste 31 est aussi une aire de jeu”

La discussion sera un peu tendue. Mais le portail finira par être fermé. On apprendra aussi, qu’une section militaire avait déposé ses bagages sur la piste, une section lourdement armée. Elle sera ici, de façon permanente.

Pour sortir, nous passerons par une autre voie, sécurisée, cette fois. Direction Bangani, quartier qui se trouve aussi à Bandar es Salam. Nous marchons tout son long et arrivons au niveau de la clôture. Quelques mètres plus loin, se trouve la désormais fameuse piste 31. Plus loin encore une concasserie et des verts pâturages.

En fait de clôture, nous nous trouvons en face d’un mur qui ne dépasse pas un mètre de hauteur, qu’enfant et adulte peuvent facilement enjamber. Ils ne le feront pas, puisqu’une voie a été dégagée. En effet, tout un pan a été démoli. Nous y rencontrons un jeune éleveur. Lui dira tout simplement

 

 

demander au préalable à l’agence là-bas, ( aéroport, ndlr) s’il n’y a pas de vol avant de traverser la piste afin de trouver de quoi nourrir ses bêtes.


Les pêcheurs aussi feraient la même chose mais pour atteindre la mer. Les bêtes pour se sustenter dans cette luxuriante verdure que nous apercevons de loin, traversent elles aussi la piste. Et les enfants, eux y vont pour y jouer. La piste 31 est aussi une aire de jeu pour les plus petits…
D’ailleurs, quelques mètres plus loin, nous trouverons une maman, Roihamata Bacar, qui a plusieurs enfants.

 

Vous savez, nous ne sommes pas tranquilles, nos enfants vont jouer sur le tarmac et chaque fois qu’un avion se pose ou décolle, nous les cherchons nerveusement, témoignera-t-elle.


Elle ajoutera que depuis l’évènement du 19 février, les habitants de Bangani ont peur. Peur, non parce qu’ils se sentent coupables mais du fait de la proximité avec le lieu “du crime”. 

“Nous nous enfermons à double-tour dès la tombée de la nuit, nous n’avons rien à nous reprocher mais comme notre quartier est à côté de la piste”, dira-t-elle. D’ailleurs, la gendarmerie y avait fait une descente mais tous ceux qui ont été interpellés ont été tous relâchés.


“Fatigués et en danger”

A l’entrée de Bangani, plusieurs hommes sont assis sur une petite place. L’un d’entre eux, taximan de son état a accepté de nous parler. “Vous savez, nous sommes fatigués, nous nous sentons en danger”, lâchera-t-il d’emblée. Et nous fera cette surprenante révélation alors que le peuple comorien est généralement viscéralement attaché à “sa terre”.

 

 

Nous sommes prêts à partir, à construire nos maisons ailleurs, si on nous en donne les moyens, nous sommes fatigués de vivre avec cette crainte perpétuelle.  Qu’il soit entendu.


A quelques mètres de là, un nouvel aéroport avec une tour de contrôle pas encore achevée (le sera-t-elle jamais ?), un bâtiment principal et un autre qui était censé remplacer l’actuel, toujours dans la même zone avec les mêmes risques et sans doute les mêmes conséquences.

Une infrastructure qui aurait coûté 900 millions de francs  et dont le marché aurait été obtenu de façon opaque. Un nouvel aéroport pas fini que déjà presque en ruine.

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