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Chronique / Le peuple souverain et la pratique référendaire

Chronique / Le peuple souverain et la pratique référendaire

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Le référendum n’est pas un mécanisme qui recueille l’expression du souverain. C’est ainsi pour tous les référendums organisés sur la base d’une constitution en vigueur, peu importe d’ailleurs l’endroit ou le contexte.

 

La ritournelle est répétée à en perdre haleine. À en croire les promoteurs de la révision, tout ceci n’est et ne sera que la volonté du peuple. Elle s’est exprimée lors des assises nationales et s’exprimera lors du référendum du 30 juillet. Au fond, les peu démocrates ne seraient pas là où l’on pense. Mais ils gangréneraient les rangs de ceux qui contestent la tenue du référendum. Ceux-là censurent le souverain. L’argument de l’expression populaire est si efficace qu’il ne viendrait à l’esprit de personne de museler le peuple. Seulement, il s’agit d’une approximation juridique. Une idée reçue répétée à travers les âges qui a servi bien des ambitions et déconstruit bien des Républiques. Or justement, il est bien rare que le peuple souverain soit au rendez-vous d’un référendum.

Un référendum à rebours de la légalité constitutionnelle

Celui qui est prévu dans notre pays n’échappera pas à la règle. D’abord parce que ce référendum vogue à rebours de l’ordre constitutionnel. Ensuite parce que, en théorie, un référendum n’est pas l’expression du peuple, mais uniquement celui du corps électoral.Il ne faut pas idéaliser le référendum. Ce n’est qu’un mécanisme de création de règles comme il en existe tant d’autres dans la loi fondamentale. C’est pareil que le vote de la loi, la production de décret ou la signature de convention internationale. Le référendum est encadré par une procédure et des conditions. Une loi n’est pas une loi du seul fait d’avoir été votée par le parlement. Encore faut-il qu’elle suive la procédure, respecte des délais, intervienne dans son domaine, soit conforme à la Constitution et promulguée au final. De la même manière, un référendum n’est pas acceptable du seul fait qu’il appelle une votation populaire.

Le référendum, expression du corps électoral et non du peuple

Encore faut-il qu’il suive la procédure et s’inscrive dans la normalité constitutionnelle. Or, voilà que les compétences d’une institution de la République sont dépouillées, que le juge électoral régulier est paralysé et que, l’ordre constitutionnel est altéré. Un référendum dans ces conditions se déroule en marge des institutions. Il n’est pas constitutionnel.


Le référendum n’est pas un mécanisme qui recueille l’expression du souverain. C’est ainsi pour tous les référendums organisés sur la base d’une constitution en vigueur, peu importe d’ailleurs l’endroit ou le contexte,. Effectivement, c’est un peuple qui s’exprime à l’occasion d’un référendum. Mais, au regard du droit, ce peuple-là n’est pas le peuple souverain, mais le peuple constitué.


Il s’agit du corps électoral. Celui-ci est institué et s’exprime suivant les prescriptions des textes en vigueur. Il ne peut donc faire ce qu’il veut. Il se doit de respecter la constitution, le code électoral, et se soumettre à l’autorité d’un juge. Le corps électoral n’englobe pas le peuple dans son exhaustivité. À travers lui, ils ne se prononcent que les électeurs. Le choix que le corps électoral exprime n’est pas, par exemple, celui des mineurs, des nationaux vivant à l’étranger ou bien des détenus. N’en parlons plus de ceux qui sont privés de leurs droits civiques.


Le corps électoral est peut-être présent dans une consultation référendaire, mais ce ne sera que lui. Voyez-vous, on ne convoque pas le souverain à sa guise. On ne lui impose pas les termes d’une question. On ne limite pas sa réponse à «oui ou non» et on ne décide pas seul des conséquences à en tirer de sa décision. Le peuple souverain s’exprime selon son initiative, à tout moment, tout seul et ordonne, de lui-même, les effets à donner à sa parole. Surtout, le peuple souverain ne participe pas à l’altération de ce qu’il a lui-même posé, c’est-à-dire, l’ordre constitutionnel. Et s’il le fait, ce sera de son propre chef, mais surtout pas convoqué par le décret d’une institution qu’il a créée. Sinon, ce ne serait pas le souverain…

Mohamed Rafsandjani
Doctorant contractuel en droit public
Chargé d’enseignement
à l’Université de Toulon


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