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CINQUANTE ANS DE COOPERATION SINO-COMORIENNE : COMMENT LE CONCEPTGAGNANT-GAGNANT STIMULE LE DEVELOPPEMENT

CINQUANTE ANS DE COOPERATION SINO-COMORIENNE : COMMENT LE CONCEPTGAGNANT-GAGNANT STIMULE LE DEVELOPPEMENT

Politique | -   Mohamed Soilihi

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Infrastructures, formations et renforcement de capacités, économie, santé, soutien diplomatique et autant de faits qui caractérisent l’amitié sino-comorienne vieille d’une cinquantaine d’années. Fondée sur l’esprit de gagnant-gagnant, l’entente entre Beijing et Moroni a encore de beaux jours. Dossier…

 

L’Accord cadre d’établissement des relations diplomatiques sino-comoriennes a soufflé ses cinquante bougies cette année. L’acte a été posé à New York, ce fut un jour de 13 novembre 1975, au lendemain de l’admission du nouvel Etat comorien à l’Organisation de Nations Unies (Onu). Soit quatre mois après la déclaration unilatérale de l’indépendance de l’archipel. A ce jour, cinq décennies se sont écoulées depuis que les deux pays posèrent le jalon de cette bonne entente qui sera couronnée au fil du temps par des réalisations de grande importance. Les pourparlers à cet accord ont été conduits, côté comorien, par le régime révolutionnaire arrivé au pouvoir à Moroni. L’archipel vient, en effet, d’accéder à son indépendance le 6 juillet 1975 et moins d’un mois plus tard, un coup d’Etat mène au pouvoir un régime qui se déclare de socialisme marxiste. Les nouvelles autorités se sont rapprochées dans la foulée de la République populaire de Chine, encore sous la présidence de Mao Zedong.

 

C’est le président intérimaire de la nouvelle république Mohamed Djaffar qui avait conduit la délégation à New York où le drapeau comorien allait être, pour la première fois, hissé dans l’enceinte de l’Organisation des Etats indépendants.En marge des travaux de la 30ème session en cours, le représentant permanent chinois à l’Onu a signé avec le Délégué comorien aux Affaires étrangères, M. Ali Toihir, l’acte d’accord cadre. La Chine a aussitôt pris sous son aile le nouvel Etat, et depuis, cinq autres successeurs de Mao, dont l’intérimaire Hua Guofeng (1976-1978) ont porté haut les relations entre les deux Nations. Côté comorien, Ali Soilihi élu président et six autres successeurs, dont l’actuel Assoumani Azali pour la seconde fois, ont veillé au respect de cet accord du 13 novembre.

Première Nation à avoir reconnu l’indépendance des Comores

Au cours de ces cinquante dernières années, les deux pays ont maintenu un soutien politique mutuel solide et obtenu des résultats fructueux en matière de coopération.
«Durant longtemps, cette relation a été présidée par les similitudes de l’affaire de Taiwan avec celle de Mayotte. Mais après, la coopération sino-comorienne s’est élargie sur tous les secteurs socio-culturel et économique», soutient l’homme politique Abidhar Abdallah.Plus en profondeur, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Me Fahmi Said Ibrahim, analyse que «la Chine a un double avantage avec les Comores et peut-être avec le reste du monde. D’abord, elle n’a pas de passé colonial. A ce titre, elle n’est pas comptable de notre passé colonial». L’avocat et homme politique témoigne, en outre, que «la Chine ne s’est jamais immiscée dans nos affaires intérieures et n’est pas atteinte par ce complexe néocolonialiste. Elle a toujours été scrupuleusement respectueuse de notre souveraineté. Je pense que le peuple comorien apprécie cela, et cela favorise la consolidation d’une relation basée sur le respect mutuel pour les cent prochaines années».La Chine a été le premier pays à reconnaitre l’indépendance des Comores et le premier accord de développement économique et technique entre les deux pays a été signé en 1976 à Beijing.La partie comorienne a été représentée par Salim Himidi, alors haut fonctionnaire du ministère des Affaires Etrangères. De ce premier accord a été ressenti le désir qui avait animé les autorités des deux pays, de l’époque, de développer des relations d’amitié et de coopération économique et technique.D’un montant total de plusieurs millions de yuans Rmb, ce crédit accordé à l’Etat comorien par la République populaire de Chine a servi au financement de plusieurs projets.

Un crédit sans intérêt

Une fraction de ces fonds été affectée à la fourniture par le gouvernement chinois de marchandises ordinaires. Ceci pour répondre aux besoins pressants du gouvernement comorien dans le développement de l’économie nationale. Concrètement, ce premier accord de financement a permis de réaliser trois importants projets : l’adduction d’eau de Nyumakelé à Ndzuani ; la construction du Palais du peuple et du bâtiment administratif de Hamramba à Ngazidja. Un crédit sans intérêt qui n’est assorti d’aucune condition pour une période de cinq ans allant du 1er juillet 1976 au 30 juin 1981.Mais, en réalité, en matière de coopération entre Etats, les intérêts pourront être de diverses natures. Sur ce point, Abidhar Abdallah relativise que : «Avec un Etat comme les Comores, la République populaire de Chine a beaucoup à gagner : une voix pour consolider sa majorité sur la scène internationale au sujet de Taïwan surtout ; un marché pour l’économie chinoise ; des opportunités d’investissements avec des petites et moyennes entreprises chinoises qui commencent à marquer le paysage ; un ancrage dans le canal de Mozambique en complémentarité avec son dispositif militaire de Djibouti…».

 

Sur la même ligne, Fahmi Said Ibrahim renchérit que : «les intérêts stratégiques de la Chine dans le monde sont guidés par sa quête de sécurité économique, d’influence politique et de puissance militaire. Elle cherche aussi à sécuriser ses ressources et ses voies maritimes commerciales». L’ancien patron de la diplomatie comorienne précise que : «dans ce contexte, il n’y a pas de petit pays et surtout si ce petit pays est situé dans un canal qui peut devenir stratégique en cas de conflit mondial majeur. Alors, les Comores ne peuvent que compter pour la Chine».

Durabilité et constance croissante

En effet, en cinquante ans de coopération plusieurs dizaines d’accords majeurs ont été signés entre les Comores et la Chine. Notamment un crédit remboursable par le gouvernement comorien en dix ans, à compter du 1er juillet 1986 au 30 juin 1996. Une marge de manœuvre que de nombreux créanciers n’accordent pas à tout créditeur. L’on notera que les accords économiques et techniques, signés entre les Comores et la Chine, ont permis la réalisation de nombreux projets de développement économique, l’équipement de l’administration comorienne en infrastructures, l’octroi de certains matériels sportifs et militaires.L’amitié sino-comorienne est aussi visible sur le plan humain et se traduit par des visites réciproques des populations. «L’Europe étant fermée pour nous, le peuple comorien ne peut que se tourner vers d’autres horizons, à commencer par la Chine. Il y a de plus en plus de comoriens qui se rendent en Chine, et de plus en plus d’étudiants choisissent ce pays pour leurs études. Aussi, le mandarin commence à être enseigné aux Comores. La Chine deviendra, dans les 100 prochaines années, un partenaire stratégique pour les Comores», relève en substance notre interlocuteur Fahmi Saïd Ibrahim.

Se coopérer d’une manière fructueuse

A noter que tout au long des cinq décennies écoulées, cette relation diplomatique et amicale, orientée vers le développement de l’archipel, s’est intensifiée en crescendo. Abidhar Abdallah souligne que «les Comores ont beaucoup à gagner en orientant cette coopération dans les domaines scientifique, technique, le développement de l’agriculture et de la pêche, des investissements productifs créateurs d’emplois et de revenus et pas seulement des infrastructures».Il est notoire que quels que soient les changements de régimes aux Comores, les deux pays s’apportent un soutien politique ferme et se coopèrent d’une manière fructueuse. La Chine apporte son aide désintéressée dans plusieurs chantiers de développement, notamment les routes, aéroports, hôpitaux, entre autres, et dans plusieurs domaines, tels que la santé, l’économie, l’éducation et les sports. Beijing entend élever davantage sa relation bilatérale avec Moroni. Sur ce, l’avocat et homme politique suggère que : «nous ne devrons pas nous contenter de quelques réalisations d’infrastructures ici et là. Pour moi, nous avons l’obligation de voir grand et de penser à une coopération ambitieuse pour l’intérêt de nos deux pays». Au-delà de la sphère bilatérale, les deux pays renforcent leurs liens dans le cadre du forum de la coopération sino-africaine. Ce dernier demeure l’incontournable plate-forme la plus importante pour que la Chine et les pays africains renforcent la solidarité et la coopération.

Une coopération stratégique

C’est dire que l’archipel a aussi son siège au forum Chine-Arabe. Et le développement d’une diplomatie économique entre Beijing et Moroni, ainsi que la coopération décentralisée entre les gouvernements locaux chinois et les îles autonomes de l’Union des Comores font partie des préoccupations des autorités comoriennes à travers le concept de gagnant-gagnant.L’approche gagnant-gagnant est concrètement le résultat d’une approche de négociation basée sur les gains mutuels dans laquelle les parties travaillent ensemble pour satisfaire leurs intérêts et maximiser la création de valeurs. Me Fahmi précise que c’est un concept générique propre à la coopération internationale. «En ce qui nous concerne, nous connaissons les priorités de la Chine. Elle cherche à unifier son pays en exerçant sa pleine souveraineté sur Taïwan, c’est son droit. Elle cherche à sécuriser les routes du transport maritime de ses marchandises, identifiées comme stratégiques.

 

 

Elle cherche également à sécuriser l’approvisionnement en matières premières et en énergie». A cet effet, il interpelle la partie comorienne que : «dans ce contexte, il nous appartient, à nous comoriens, d’identifier nos intérêts stratégiques et de définir notre partenariat en fonction des intérêts communs». L’ancien ministre comorien des Affaires étrangères pense et l’affirme que les Comores ont besoin de tout, et «la Chine possède beaucoup de compétences dans tous les domaines. Cependant, il nous appartient de définir nos priorités et nos besoins vitaux pour inscrire notre stratégie de coopération en fonction de nos besoins pour notre développement». Pour l’actuel Ministre des affaires étrangères, Mbae Mohamed, l’avenir de ce partenariat, son renforcement et son orientation constituent une priorité du gouvernement. « Pour les 50 prochaines années, les présidents Azali Assoumani et Xi Jinping ont déjà tracé les directives. Ils ont élevé notre relation en coopération stratégique. Donc, maintenant, nous sommes en train de voir tous les domaines stratégiques qui convergent avec les intérêts de nos deux pays pour renforcer notre coopération. »


Enfin, pour donner plus de vitalité à ces relations, les deux pays ont ouvert des représentations diplomatiques dans leurs capitales respectives. Dans la foulée de l’établissement des relations amicales, la Chine accrédite un premier ambassadeur auprès de l’Etat comorien en 1976. Le journal Le Monde du 28 avril 1976 rapporte que «M. Tian Zhidong, ambassadeur de Chine à Madagascar, vient de séjourner pendant une semaine à Moroni, où il a été reçu par M. Ali Soilih». Au début, la résidence a été tour à tour à Dar es Salam, en Tanzanie, et à Antananarivo, à Madascar.Plus tard, précisément 20 ans après, la mission diplomatique s’est installée à Moroni avec l’accréditation de M. Xu Daijie en 1996.Plus d’une dizaine d’ambassadeurs y sont accrédités en cinquante ans. Quant à l’Union des Comores, elle est à son deuxième ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire accrédité à Beijing. La nomination d’un premier ambassadeur remonte en 2011.

 

 

 

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