Le matin, elle en sirotant sa première tasse de café, lui en tirant sa première cigarette, surfent sur internet. Les derniers posts sur Facebook, les derniers tweets sur Tweeter , Instagram, Youtube, etc . Ils feront un tour sur les pages des influenceurs (leaders d’opinion sur les réseaux sociaux), regarderont la dernière vidéo qui a fait scandale, le dernier contrat de la honte qui a été publié, lequel aurait dû demeurer cacher. 

Elle, tout en se peignant les lèvres, postera un commentaire acerbe et/ou dépité sur le viol de cette petite fille par cette autorité. Elle y mettra toute sa rage, tout l’amour qu’elle a pour ce pays. Ira sur le mur d’un autre influenceur, lira, s’arrachera les cheveux, commentera le dernier article posté et finira par un “ce pays est foutu, à bas la vermine”.

Lui, fera la même chose que la fille. Il y verra qu’un tel a été pris la main dans le sac, qu’un autre s’est enfui avec une mallette d’argent, que des groupes électrogènes ont été achetés sans appels d’offres. Il ira sur le mur d’un constitutionnaliste en vue et y lira que la cour constitutionnelle est neutralisée depuis plusieurs mois. Lui, aussi, tentera de s’arracher les cheveux mais il est atteint de calvitie sévère.

Au volant de sa voiture ou de sa Bm Double pieds, il réfléchira à comment faire. Ce qu’il aura lu sur les réseaux, lui inspirera un article sévère contre le système. Cet article aura des centaines de partages, tout autant de like et beaucoup, beaucoup de commentaires.  L’auteur se sentira d’un coup beaucoup mieux, fier d’avoir “osé” publier ce qu’il a publié au pays de l’Omerta.  Fier d’avoir accompli son devoir de citoyen  2.0 à coup de “je suis Agwa” sur fond noir…

Et pourtant. Nous n’allons pas bouder cette révolution numérique. Oh que non. De toutes les façons, même si nous le voulions, nous ne le pourrions pas. Mais me vient une question ou même deux.

Révolutionnaires 2.0

Depuis l’avènement des réseaux sociaux et des révélations en cascades, des “Je suis”, qu’est ce qui a réellement changé dans la République comorienne ? Avec nos petites (grandes révélations) sur Facebook,  nos dirigeants sont-ils plus républicains ? Le vol des deniers publics a-t-il régressé ? Les textes sont-ils plus respectés ? Le copinage (et autre villagisme) a-t-il été banni ? Sommes-nous dans une République prônant la méritocratie ?

A toutes ces questions, la réponse sera négative. Malgré toutes vos révélations, malgré toutes nos révélations, rien n’a vraiment changé. Ou peut-être prennent-ils plus de précautions, pour ne pas se faire prendre mais c’est tout. Aucun gouvernement n’est tombé. Aucun directeur d’une société Etat n’a été limogé. Aucun ministre n’a été remercié. Nous nous serons juste défoulés. C’est bon de se défouler mais pour quels résultats ?

Nous le disions tantôt, nous n’allons pas fermer la porte à la révolution numérique. Ce serait bête. Mais les Comores n’ont pas besoin que d’une jeunesse 2.0. Les Comores ont besoin d’une jeunesse qui porte en elle un idéal. Qui soit sur Facebook mais pas seulement. Les posts au vitriol c’est bien mais rien ne vaut une bonne petite manifestation pour espérer changer les choses, pour engager un rapport de force. Les jeunes ne doivent pas se contenter de rester sur le quai ou en “direct”. Ils ne doivent pas se contenter de publier “leur story”. Ils doivent prendre le train. Et le train ne passe pas forcément sur Twitter. En tout cas pas seulement.

Sortez (ons) de vos (nos) canapés

Pour que toutes ces attitudes qui gangrènent la marche de la République changent, il faut que les jeunes s’investissent. Politiquement. Tous nos influenceurs, nos leaders d’opinion, doivent se préparer à entrer dans l’arène politique. Parce que le changement ne pourra provenir que de là. Il faut que les jeunes cessent d’être ces acteurs 2.0 pour devenir des citoyens actifs. Des posts sur Facebook c’est bien mais les tracts c’est mieux.

Dans moins de deux ans, il y aura la tenue d’élections harmonisées. Partez à l’assaut du suffrage universel. Allez vous battre sur le terrain. Dans les villes. A la campagne. De grâce, pas de jeunesse-ci ou de jeunesse-ça. Portez vos propres noms, créez vos propres partis. Soyez  de gauche, de droite, communiste, libéral, soyez ce que vous voulez mais de grâce SOYEZ- VOUS.

Ne soyez pas “les jeunes” de ces dinosaures qui ont tellement de casseroles, de cadavres dans leurs placards. Ne soyez pas comptables de leurs manquements, de leurs turpitudes, de leurs bassesses. Vous passeriez votre temps à vous disputer sur les réseaux, à dire “il est coupable mais ; il ne l’est pas, seulement”, etc. Recentrez-vous sur vous, vous êtes ce que le pays a de plus cher. De plus important.

Tenez, une manif’ a été prévue, il y a quelques jours. Un événement a été crée sur Fb.  Plus de mille personnes ont  dit être intéressées et qu’elles y allaient y “participer”. Et le jour venu, sur les mille citoyens attendus, dix seulement se sont “réellement” déplacés… Citoyens 2.0…

Bonne année à tous !