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Climat politique I Les mesures d’apaisement du gouvernement à l’épreuve des faits

Climat politique I Les mesures d’apaisement du gouvernement à l’épreuve des faits

Politique | -   Abdou Moustoifa

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Malgré la main tendue aux exilés et la publication au mois d’avril d’un communiqué du ministère rassurant les citoyens qu’ils pouvaient se rassembler librement, les tensions politiques ne tombent toujours pas, à moins d’un an des élections. Si des leaders saluent ces initiatives, ils estiment néanmoins que sans la libération des détenus incarcérés, aucune réconciliation ne peut être amorcée.

 

Face au climat politique qui règne dans le pays, jugé délétère par l’opposition, le gouvernement essaie tant bien que mal depuis quelques mois de poser des actes dans l’espoir d’asseoir un cadre de dialogue et promouvoir un apaisement politique. A l’approche des élections présidentielles et gubernatoriales, on assiste à une poursuite de cette politique. Le dernier évènement en date est la note du ministère de l’Intérieur invitant les exilés à rentrer. «Ils peuvent tous revenir, sauf deux personnes : l’ancien vice-président Mohamed Ali Soilihi et Tocha Djohar, tous les deux condamnés à des peines de 20 ans par la Cour de sureté de l’Etat», a nuancé le porte-parole du gouvernement, Houmed Msaidie.


Pour prouver sa bonne volonté, le gouvernement a par ailleurs chargé le ministre de la Justice de rechercher les voies et moyens qui aboutiront à la levée des mesures qui frappent les opposants restés au pays, dont certains ne peuvent circuler, ni s’exprimer devant des médias.


C’est le cas du colonel Soilihi Mohamed Campagnard ou encore des membres du mouvement Hury, mais pas seulement. Certes, il ressort que le pouvoir a engagé «des initiatives salutaires» pour certains, mais, force est de constater que celles-ci ne produisent pas les résultats escomptés. Pourtant, avant de tendre la main aux exilés, les autorités ont sorti une autre note rappelant qu’aucune restriction n’est imposée à la liberté de circuler et de manifester.

Libération des caciques

Toutefois, malgré ces gestes censés favoriser un climat d’apaisement, l’atmosphère reste toujours raide. «Je ne renie pas ce qui a été fait depuis, notamment les grâces accordées à l’ancien vice-président Djaffar Ahmed Said et Ahmed Hassane El Barwane, mais je pense que la première mesure d’apaisement que la majorité de la population attend est la libération des caciques tels que l’ex-président Sambi, Mohamed Ali Soilihi entre autres», estime Fahmi Saïd Ibrahim, avocat et candidat à l’élection présidentielle de 2016. Cet ancien garde des Sceaux est convaincu que cela apporterait une bouffée d’oxygène et constituerait un début de réconciliation nationale. «Car le pays en a besoin en ce moment pour défendre ses intérêts et son intégrité territoriale. Et en étant divisés nous ne pourrons être efficaces», reste-t-il persuadé.

Éviction de l’opposition

Fahmi n’est pas le seul à envisager les choses de cette manière. Pour d’autres encore, la proposition avancée par l’ancien patron de la diplomatie reste la principale action capable d’amorcer une décrispation à moins d’un an des échéances électorales. «Le pays est en crise et les élections de 2024 risquent d’être comme celles de 2019. C’est-à-dire une mascarade. Sans la libération de toutes les personnes condamnées par la Cour de sûreté, laquelle ne figure sur aucune institution judicaire, la tension ne baissera pas», jure le président du parti Ukombozi, Idriss Mohamed, qui regrette le lancement du processus électoral, notamment la nomination des membres de la Céni, sans le Front commun qui incarne l’opposition. «C’est la preuve qu’il n’y a aucune volonté d’apaiser», conclut-il.


Bien qu’il fasse partie des exilés autorisés à rentrer paisiblement au pays, Achmet Saïd Mohamed demande également des signaux forts. «Vous savez, les tensions ont une origine, et elles ont été exacerbées par le régime toujours aussi méprisant et jamais disposé à discuter. Il y a plus de 60 prisonniers politiques à la prison de Koki à Ndzuani et tous les cadres du mouvement Hury sont sous contrôle judiciaire depuis plus de 4 ans sans jamais avoir vu un juge. L’ex-gouverneur Salami, Mohamed Moina, toutes ces personnalités doivent retrouver leur liberté. L’apaisement doit commencer par-là», martèle l’ancien candidat à la présidentielle de 2019, qui appelle, par ailleurs, à « la réintégration des enseignants docteurs de Patsy», renvoyés selon lui pour des raisons politiques.


Au-delà de la main tendue adressée aux exilés, nos interlocuteurs soulignent aussi que l’interdiction des manifestations rend encore plus tendue la situation, alors que depuis le 8 avril, une note ministérielle promet que la liberté de se réunir et de manifester ne souffre plus d’aucune entrave. Malheureusement, regrettent toutes nos sources, cette promesse n’est pas respectée. «Manifester c’est défiler, marcher pacifiquement dans la rue et non se retrouver dans un cadre privé», fait remarquer Idriss Mohamed.

 

Pour sa part, le président de Comores Alternative, Saïd Ahmed Saïd Abdillahi, «si le gouvernement n’autorise pas le peuple à manifester dans les capitales insulaires contre Wuambushu, on ne peut que conclure que les mesures annoncées sont un piège tendu à des personnalités».Le bal est donc dans le camp du pouvoir qui sait à présent quels actes doit-il poser s’il veut sortir le pays de cette atmosphère politique dite délétère.

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