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Commentaire : Inscrire la question de l’égalité homme-femme dans la constitution

Commentaire : Inscrire la question de l’égalité homme-femme dans la constitution

Politique | -   Faïza Soulé Youssouf

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Qu’il me soit permis de recommander l’inscription de la parité homme-femme dans la constitution, si réforme il devait y avoir. A l’instar du Rwanda, tant vanté, tant loué à tort ou à raison. Il est sans doute indispensable de souligner que si l’émergence dans le pays de Paul Kagamé est aujourd’hui une réalité, cela va sans dire et c’est peut-être mieux en le disant, qu’elle l’est aussi grâce aux rwandaises.

 

Les assises nationales ont pris fin hier. En grandes pompes. Lors de son allocution, le chef de l’Etat a insisté sur l’importance de la femme comorienne pour la société. Il dira, ne pas nous avoir, oubliées. D’ailleurs, deux petites filles ont lu le coran lors de la clôture des assises, une presque “révolution”. Parce la femme comorienne, est si présente mais si absente.

Elle est partout mais n’est visible nulle part. Elle est indispensable mais personne ne juge bon de la valoriser, de la rendre visible, de promouvoir son action. Les mauvaises langues rétorqueront qu’à poste égal, le salaire l’est aussi, peu importe le sexe.

Cela est sans doute vrai. Encore faudrait-il que ces mauvaises langues reconnaissent que si le salaire est le même pour le même poste, la carrière ne suis pas la même courbe.  L’ascension de la femme comorienne est un leurre. Sinon, nous n’avons qu’à nous demander ce que sont devenues les amies du primaire, du collège, du lycée, des bancs de l’université de nos dizaines de ministres hommes, de nos députés, de nos directeurs, de nos présidents. Que sont-elles devenues ? Ont-elles été comme eux, ministres, directrices, députées, etc. La réponse est non.

A quelques exceptions près.

Lors de la séance plénière du vendredi dernier, toujours dans le cadre des assises,  les experts ont recommandé la mise en place d’un quota pour les femmes  pour les instances de prise de décision, à hauteur de 40% .  C’est une bonne chose. Cela pourrait sans doute expliquer la non promulgation de la loi Hadjira sur le genre qui, elle, tablait sur 30% de femmes.  Mais est-ce suffisant ? 

Plus qu’une loi, c’est la constitution que nous visons. A l’heure où une réforme constitutionnelle est sur toutes les lèvres,  il nous vient une idée,  une réalité à mettre en place.  Alors que le Rwanda est cité en exemple pour son développement “spectaculaire”, n’oublions pas que ce pays a fait pour le genre. Ainsi, en 2003, la question de la parité a été inscrite dans la constitution.

L’article 9 en son alinéa 1 dispose qu’au niveau des postes de prise de décision, 30% doivent être obligatoirement être attribués à des femmes.  La constitution rwandaise définit comme principe fondamental, “l’égalité entre les hommes et les femmes reflétée par l’attribution d’AU MOINS 30% des postes dans les instances de prise de décisions”, selon le site www. elueslocales.fr.


Si l’on nous ne voit pas c’est parce que cela dénote un manque de volonté politique

Il ne s’agit pas ici de soutenir ou non toute réforme constitutionnelle. Mais plutôt  de dire que si réforme il devait y avoir, elle devrait être bénéfique aux femmes. Ainsi, pour que la parité entre les sexes devienne enfin une réalité, si je devais avoir une proposition, une recommandation, ce serait-celle-ci : que le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes soit inscrit en lettres d’or dans la loi fondamentale.  Je reste persuadée qu’il n’y aura pas d’émergence sans une profonde,  une entière participation de la femme, et à ce à tous les échelons.

Si l’on ne nous voit pas, ce n’est pas parce que nous sommes moins méritantes, moins compétentes, moins brillantes que les hommes. Si l’on ne nous voit pas, c’est parce que dès notre plus jeune âge, on nous demande de nous rendre invisibles. De nous cacher. De ne pas prendre la parole sans qu’on nous la donne. Dès notre plus jeune âge, on nous demande d’être discrètes, posées.

De la fermer.  Dès notre plus jeune âge, on nous demande d’être à l’arrière de nos pourtant  maisons, de servir le thé en sachant le servir sans incommoder nos hôtes-hommes,  et en nous retirant, après l’avoir servi,  sur la pointe des pieds.

Si l’on nous ne voit pas c’est parce que cela dénote un manque de volonté politique. Au président de la République, je lui demanderai de faire sien le combat pour l’émancipation de la femme.  En faisant en sorte que ses discours à la Nation ne soient prononcés qu’en des lieux ouverts aux femmes. Exit donc, les bangwe, les mosquées ou tout autre lieu qui dans l’imaginaire collectif est seulement dévolu au sexe dit fort.

Exit aussi le mélange étrange qui nous dessert,  entre Mila Nantsi et République. Les messages du président de la République ne devraient être prononcés qu’en  des endroits où les femmes se sentiront à l’aise de prendre la parole, s’y sentiront à leur place. Où elles auront aussi une place devant. Comme les hommes.

Il serait fort préjudiciable  qu’en 2031, une Ilham, une Fatima ou une Faouzia ne soient “que” les amies d’enfance des présidents, des  ministres, des députés ou des directeurs.  Il est temps que la femme comorienne cesse d’être l’avenir, le futur. Il est temps que la femme comorienne  incarne le présent.Et cela passera par la loi fondamentale.


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