Comment accroître l’investissement privé étranger aux Comores pour soutenir de grands projets à forte croissance économique dans les îles ? La question a été au centre des discussions entre le chef de l’Etat, Azali Assoumani (avec sa délégation), et des techniciens de l’Agence française de développement (Afd) au cours d’une réunion de travail à laquelle les deux parties avaient beaucoup échangé sur les mécanismes techniques de suivi des projets prioritaires arrêtés par les deux pays.
Des projets co-définis
Si les Comores et la France affichent un engagement réciproque de contribuer à la concrétisation sans délais de l’Accord-cadre, il n’en demeure pas moins que les deux pays ont besoin du temps pour fixer un calendrier rationnel d’exécution des projets à soutenir sur le moyen terme et anticiper les obstacles susceptibles de compliquer leur mise en œuvre.
Les faibles capacités institutionnelles et la lourdeur des procédures sont autant des questions qui animent les deux parties appelées à jouer la pédagogie pour donner corps à l’essentiel des termes convenus et faire respecter la parole donnée. La France a mis une enveloppe de près de 74 milliards de francs comoriens (150 millions d’euros) à absorber dans les trois prochaines années. Encore faut-il disposer des structures d’exécution et de suivi en phase avec les règles d’or de l’Agence française de développement (Afd) dont l’antenne de Moroni aura la responsabilité d’assurer le pilotage des projets convenus par les deux pays. L’accord-cadre prévoit que la France mettra, via l’Afd, l’expertise technique nécessaire à la concrétisation « des 14 projets prioritaires » définis dans les secteurs identifiés : insertion des jeunes, agriculture, santé, environnement. « Il s’agit des projets co-définis avec la France », a precisé le ministre de l’Economie, Houmed Msaidie.
36,5 milliards en 9 ans
A ce jour, le montant cumulé des fonds investis aux Comores par l’Afd entre 2008 et 2017 est estimé (pour une période de 9 ans) à 74 millions d’euros (36,5 milliards de francs comoriens), soit la moitié des fonds annoncés sur trois ans par les deux chefs d’Etat au cours de leur conférence de presse conjointe. L’Afd devrait aussi multiplier par 10 le montant de ses engagements financiers aux Comores dans les cinq prochaines années, d’après Emmanuel Macron. « C’est dire qu’il faut aller vite », a reconnu le ministre Houmed Msaidie, peu après la réunion de travail avec les techniciens de l’Afd à Paris.
Les petites et moyennes entreprises
Alors où commencer ? Pour le ministre de l’Economie, l’urgence, c’est la jeunesse. « Une grosse partie de l’enveloppe a été réservée à cette jeunesse », a encore souligné Houmed Msaidie qui s’est abstenu de donner de détails sur la matérialisation de cette ambition portée par les plus hautes autorités du pays. On sait que la France a déjà mis sur pied aux Comores un projet en faveur de l’emploi dans le but de redynamiser les activités productives et contribuer ainsi au renforcement des chaines de valeurs en milieu rural.
La promotion des secteurs productifs ont mobilisé, ces cinq dernières années, toute l’attention de l’Agence française de développement (Afd) qui place l’entreprenariat en milieu rural au cœur de sa stratégie pour soutenir « une croissance à la fois durable et inclusive », selon les termes de l’ambassadrice de France aux Comores, Mme Jacqueline Bassa-Mazzoni, à l’occasion du lancement, en juin dernier à Moroni, d’une initiative dite « Facilité emploi » dédiée à la jeunesse. Même si les projets engagés il y a quelques années sont loin d’atteindre les résultats souhaités sur le terrain.
Mais l’Agence française de développement (Afd) souhaite aller plus loin dans cette ambition nouvelle des autorités comoriennes, déterminées à mettre le pays sur la voie de l’émergence d’ici à l’horizon 2030. Pour l’Afd, l’idéal serait de créer un panel d’investisseurs capables d’apporter de nouveaux financements au profit de la promotion des petites et moyennes entreprises (Pme), seule initiative louable, selon elle, de soutenir l’économie réelle aux Comores. « Le pays a besoin de créer ce tissu dynamique d’entrepreneurs pour servir la population », a souligné Renaud Dutreil (ici en haut avec le président), ancien ministre français de Pme qui apporte son expertise dans ce nouveau cadre de partenariat économique entre les Comores et la France.
Un fonds d’investissement
Les investissements privés étrangers sont estimés à 9 millions de dollars en 2017, d’après la note de conjoncture du premier semestre 2018 de la Banque centrale des Comores (Bcc), représentant 18% du Pib. L’investissement privé étranger est en nette baisse depuis 2011 où il était estimé à 23 millions de dollars, d’après toujours la Bcc. Dans ce nouvel élan, l’Agence française de développement ne souhaite pas se limiter sur l’enveloppe annoncée par la France et les Comores le 22 juillet à Paris. M. Dutreil parle « d’un fonds d’investissement » qui serait financé par des bailleurs comme l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et d’autres partenaires au développement potentiels dans le but de soutenir «les entrepreneurs comoriens » à mieux réussir dans leurs affaires, seule condition, selon lui, pour soutenir la croissance et créer des emplois au profit des jeunes.
A.S.Kemba