Abdou Elwahab Msa Bacar, avocat au barreau de Moroni
«Il est vrai que les dispositions de la précédente constitution concernant ce cas précis étaient claires. Il y avait 24 députés qui étaient élus au suffrage universel direct et 9 qui émanaient des Conseils des îles autonomes. Ceux-ci, une fois désignés par leurs pairs, acquéraient le statut de députés au même titre que les 24 et siégeaient pour une durée d’une année. La question se pose aujourd’hui avec la suppression des parlements insulaires. L’article 20, alinéa 5 de la précédente constitution disposait même que «les fonctions de député à l’Assemblée de l’Union d’un représentant d’une île autonome prennent fin en même temps que les pouvoirs du Conseil de cette île». Dans l’actuelle constitution, aucune disposition ne prévoit ce cas de figure. Pour ma part, je pense que les députés qui ont été cooptés lors de la session d’Avril finiront le mandat. Ceci est conforté par l’article 120, relatif aux dispositions transitoires de la loi fondamentale, qui indique que «les pouvoirs de l’Assemblée de l’Union prennent fin à la date d’expiration du mandat des députés actuellement en fonction». Raison pour laquelle, j’estime encore une fois, qu’étant donné que les conseillers désignés sont avant tout des députés, avec un même traitement une fois au parlement, que les 24 autres représentants de la Nation, ceux-ci siègeront jusqu’à la fin de la législature».
Mohamed Rafsandjani, doctorant, constitutionnaliste
«Est-ce que nous allons avoir une Assemblée incomplète avec la suppression des Conseils des îles ? C’était normalement aux dispositions transitoires de trancher. Comme cela, n’a pas été le cas, la situation est un tantinet inextricable. On pourrait considérer que, juridiquement, ce qui fait qu’ils sont députés c’est parce qu’ils sont cooptés.
Une fois que c’est fait, ce sont des députés pleins et entiers. Ainsi, si l’Assemblée poursuit son mandat, les députés issus des conseils insulaires, le resteront. Seulement cela ne pourra durer qu’une année, durée pendant laquelle les conseillers cooptés sont autorisés à siéger. La désignation des 9 élus issus des Conseils des îles se faisant tous les ans. Avec la suppression de ces derniers, il n’y aura personne pour coopter à nouveau.
Ou alors, on va encore plus loin et on considère que le maintien de l’Assemblée implique automatiquement et implicitement les Conseils des îles. Si on maintient l’Assemblée, on maintient sa composition et celle-ci exige des conseillers des îles cooptés. Les parlements insulaires devront exister jusqu’aux prochaines élections législatives.
La 3eme option est de poursuivre jusqu’à l’année prochaine, avec 33 députés. Et en 2019, finir la législature avec 24 représentants de la Nation. En réalité, la solution aurait été de dissoudre le parlement mais le président n’a plus ce pouvoir. Je pense que nous sommes dans l’impasse».
Mohamed Abdoulwahabi, juriste et ancien président de Ngazidja
«Avec la disparition des conseils des îles, la logique voudrait également que les conseillers cooptés à l’Assemblée de l’Union perdent la qualité de représentant de la nation. En effet, l’article 20 de la constitution de 2001 révisée en 2009 dispose que «les fonctions de Député à l’Assemblée de l’Union d’un représentant d’une île autonome, prennent fin en même temps que les pouvoirs du Conseil de cette île. Tout Député qui cesse d’appartenir au Conseil de l’île, dont il est issu, cesse en même temps d’appartenir à l’Assemblée de l’Union. Il est pourvu à son remplacement». L’Assemblée de l’Union est actuellement composée de vingt-sept députés sachant que les six de Ndzuani et Ngazidja qui devaient permettre d’atteindre les 33 prévus par les textes, n’ont pas siégé lors de la session ordinaire d’Avril 2018. Toutefois, l’institution n’est nullement paralysée parce que son fonctionnement dépend d’un quorum de dix-sept députés et la majorité absolue est à vingt-deux députés. Rappelons en effet que vingt-quatre représentants de la nation sont élus au suffrage universel et sont complétés par 9 autres désignés par les conseils des îles à raison de trois représentants par île. Seules les dispositions du texte de 2001 révisé en 2009 contraires à la constitution révisée le 30 juillet 2018 sont appelées à disparaitre. Suivant la logique institutionnelle, les représentants des îles ne doivent pas aller jusqu’au terme du mandat législatif. Dans l’éventualité d’un conflit qui naîtrait si les représentants des îles faisaient davantage de la résistance, une institution judiciaire en l’occurrence la Cour suprême serait saisie. Elle n’aurait pas de mal à revenir sur les dispositions de la loi. Par ailleurs, si je devais pointer du doigt une chose par rapport au nouveau texte constitutionnel, je mettrais l’accent sur l’absence de dispositions devant permettre de reconnaître un nouvel article ou un article amendé».
Propos recueillis par Fsy et Med Youssouf