Faire œuvre de constitution n’est pas chose facile. Il ne suffit pas de compiler les alinéas et d’aligner des titres. Faire œuvre de constitution, c’est faire œuvre de logique. De sorte qu’amputer d’un article, elle devienne illisible. C’est aussi et surtout faire œuvre de cohérence. La Constitution ne fonctionne pas dans le paraître qui, du reste, ne fait jamais illusion longtemps. Ce qui compte c’est ce qui est, réellement. La nouvelle constitution projetée vogue à contre sens de ces postulats de bases. N’en déplaise à ses promoteurs qui s’évertuent à démontrer l’inverse, il est dans le projet, des principes et des institutions qui n’ont de consistance que le nom. Comme il est difficile de faire œuvre de constitution avec des coquilles vides et des contradictions, l’on se retrouve entre autres avec une autonomie des îles mentionnée, mais qui n’en sera pas une et un mandat non impératif qui n’en sera pas un.
L’autonomie des îles n’en sera pas une
Le projet dispose en effet que les îles jouissent d’une autonomie. Il n’en faut pas plus pour que d’aucuns affirment qu’elle est sauve. La réalité est toute autre. Ce dont les îles jouiront c’est simplement de la libre administration et gestion. C’est-à-dire à l’instar de la situation d’une collectivité territoriale. La véritable autonomie doit garantir trois niveaux d’autodétermination. Premièrement, il doit être consacré une autodétermination statutaire. Les îles doivent adopter de véritables constitutions insulaires. Ces lois statutaires organisent les îles, ses institutions et leur fonctionnement réciproque. Ce qui ne sera plus le cas. Deuxièmement, il doit être organisé une autodétermination législative.
Les îles doivent posséder un organe législatif composé d’élus au suffrage direct et doté de la fonction de légiférer et de contrôler. Il n’aura échappé à personne que les conseils des îles qui remplissent cette autodétermination seront supprimés. Remplacés par des «machins» qui au demeurant n’auront qu’une attribution consultative. Il ne s’agira plus de faire la loi, mais d’émettre des avis. Troisièmement, il doit être assuré une autodétermination financière. Les îles doivent être en mesure d’imaginer et de créer des mécanismes de recettes pour se doter d’un budget. Avec la nouvelle constitution, il ne faudra compter que sur la générosité de l’Union.
La nouvelle constitution reprend les dispositions de la précédente en la matière. Elle rappelle que les mandats des députés ne sont pas impératifs. Autrement dit, le mandat est représentatif.
Le mandat non impératif n’en sera pas un
La différence tenant au fait que dans ce dernier, le député représentant la nation n’est pas soumis à des injonctions des électeurs. Seulement, le projet précise que l’on pourra déchoir le mandat d’un député si celui-ci venait à changer de parti politique. D’où l’on apprend que la Constitution peut se contredire en deux articles consécutifs. Si le mandat du député n’est pas impératif, même les électeurs exerçant le suffrage universel ne pourraient le lui priver que dire des partis politiques. Le député représente la nation et non des formations. La transhumance politique est un problème d’éthique il ne rentre pas en compte dans les relations de la Nation et son élu. D’aucuns diront qu’il peut exister des principes qui s’opposent dans la constitution et que c’est le propre du juge de les concilier. Mais justement, conciliation n’est pas contradiction. Ou le mandat est impératif ou il ne l’est pas. L’ingénierie constitutionnelle est en train d’écrire ses pages les plus étonnantes en Union des Comores.
Les partisans de la nouvelle constitution multiplient les approximations juridiques pour la justifier où les opposants prônent la chaise vide ne cherchant même pas à s’y opposer. Au final, la quadrature du cercle infernal se dessine peu à peu : la mouvance présidentielle qui fonce tête baissée, l’opposition embourbée dans ses contradictions, le peuple pris en otage et le projet vicié par une architecture institutionnelle régressive. De cette farce constitutionnelle, l’on devine le dindon : le peuple souverain.
Mohamed Rafsandjani
Doctorant contractuel en droit public
Chargé d’enseignement à l’Université
de Toulon