La Commission de l’Union africaine, sise à Addis Abeba, par la voix de son président Moussa Faki Mahamat, a condamné « fermement » le coup d’Etat militaire orchestré hier mercredi 30 août en République du Gabon par un groupe d’officiers issus principalement de la Garde républicaine gabonaise et la gendarmerie. Un porte-parole avait indiqué à l’aube, via une chaîne de télévision, la décision prise par ses frères d’armes de « mettre fin au régime » d’Ali Bongo au pouvoir depuis 14 ans. L’officier a annoncé la dissolution des institutions et l’annulation des élections ainsi que les résultats proclamés quelques heures avant le putsch.Exprimant sa « grande inquiétude », l’Union africaine juge une démarche contraire à ses valeurs et « condamne fermement la tentative de coup d’Etat au pays comme voie de solution de sa crise post-électorale actuelle », d’après un communiqué rendu public hier en fin d’après-midi.
Un retour rapide à l’ordre constitutionnel
Les militaires avaient dénoncé indirectement « les résultats tronqués » qui avaient consacré la réélection d’Ali Bongo (64,27%) contre son rival Albert Ondo Ossa (30,77). De lourds soupçons de fraude ont été dénoncés. L’Union africaine a rappelé que la prise du pouvoir par la force « constitue une violation flagrante des instruments juridiques et politique » de l’institution continentale, citant notamment « la Charte africaine sur les élections, la démocratie et la gouvernance ». Des scènes de liesse ont été observées à Libreville, peu après le putsch. Le président renversé, dans une vidéo, a appelé ses « amis » de l’extérieur comme de l’Intérieur à « faire du bruit », dénonçant sa mise en résidence surveillée ordonnée par les putschistes et l’arrestation des membres de sa famille dont son fils Nourredin Bongo Valentin accusé de « haute trahison, de détournement de fonds publics, faux et usage de faux et trafics de stupéfiants… ». M. Mahamat dit souhaiter un retour rapide à l’ordre constitutionnel.
La situation était restée confuse à Libreville après le renversement d’Ali Bongo par des militaires. Ces derniers ont investi hier dans la soirée le général Brice Oligui Nguema comme « président de la transition » à durée indéterminée. «Le président de la Commission encourage tous les acteurs politiques, civils et militaires du Gabon à privilégier les voies politiques pacifiques conduisant au retour rapide à l’ordre constitutionnel démocratique au pays », souligne le communiqué qui a invité « l’armée nationale et les forces de sécurité à s’en tenir strictement à leur vocation républicaine, à garantir l’intégrité physique du président de la République, les membres de sa famille ainsi que de ceux de son gouvernement ».
Une crise de la démocratie en Afrique ?
Le gouvernement français, par la voix de son porte-parole, Olivier Véran, a condamné le coup d’Etat et dit suivre de « très près la situation ». Une formule classique reprise par presque toutes les autres grandes puissances, Etats-unis, Chine, Russie et Allemagne en tête. L’Union européenne a exprimé son « inquiétude » et s’interroge sur la multiplication des coups d’Etat en Afrique. Les Nations-Unies ont condamné le coup de force alors que le Commonwealth a exprimé « sa vive préoccupation ».
Cet énième coup de force suscite un débat passionné sur la nature profonde des modèles des régimes politiques (importés) et leur véritable ancrage dans les sociétés africaines. (…). Si des milieux parlent d’une crise de la démocratie en Afrique et son imperfectibilité face à des besoins nouveaux dictés par le temps, d’autres lient ces putschs et leur légitimité à la déconnexion prolongée des pouvoirs des vraies préoccupations des peuples. Il s’agit du sixième coup d’Etat enregistré en Afrique depuis 2020 après la Guinée, le Mali, le Burkina Faso, le Tchad et le Niger. Aucune réaction de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cemac).