L’acte perpétré, lundi 19 février, à l’aéroport de Bandar es Salam à Mwali, a été qualifié par le ministère public d’”atteinte à la sûreté de l’État”, ce qui justifie le recours à la “Cour de sûreté de l’État”, juridiction habilitée à juger ce genre d’infractions.
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Prévue par l’article 698 du Code de procédure pénale comorien hérité de l’ancien système juridique colonial, cette Cour “a été chargée de juger les crimes et délits contre la sûreté de l’État, en temps de paix”, rappelle Me Moudjahid Abdoulbastoi, avocat au barreau de Moroni.
Atteinte à la sûreté de l’État ?
Ces crimes et délits sont prévus aux articles 55 à 83 du code pénal comorien. Sont notamment cités les crimes et trahison d’espionnage, l’exposition des Comores à une déclaration de guerre ou encore l’attentat ou complot contre les autorités de l’État ou l’intégrité territoriale. Peut-on, dans le cas présent, parler d’atteinte à la sûreté de l’État ?
Si la personne du chef de l’État est celle qui a été visée, et si cela est démontré, alors cela rentre dans les crimes et délits contre la sûreté de l’État, répond Mohamed Rafsandjani.
Le constitutionnaliste précise qu’”il y a 30 articles qui prévoient une multitude d’infractions de ce type. Celle qui se rapproche le plus des faits, c’est l’attentat ou le complot contre une autorité de l’État. Ici, c’est le chef de l’État”. La sentence maximale prévue pour des crimes contre la sureté de l’État, précise-t-il, est “souvent la peine de mort”.
Les sentences, rappelle-t-on, prononcées par la Cour à la suite de la tentative d’attentat contre le président Ikiliou Dhoinine en avril 2013, allaient de 22 mois à 10 ans fermes.
La composition de ladite Cour est prévue par une loi du 20 mars 1981.
Elle est censée comprendre un magistrat-président, des assesseurs civils et un commissaire exerçant l’action publique, assisté d’un substitut. Un autre magistrat est désigné pour remplir les fonctions de juge d’instruction.
Me Moudjahid Abdoulbastoi cite deux raisons qui font de cette juridiction “un intrus du système juridique comorien”.
“Un intrus du système juridique”
D’abord, la Cour de sûreté est une juridiction d’exception mise en place après la commission d’une infraction politique, afin de rendre justice de façon indépendante et impartiale. Mais, comment voulez-vous qu’un juge choisi par le régime en place après la commission d’une infraction contre le même régime soit indépendant et impartial ?, s’interroge-t-il.
L’avocat affirme, ensuite, que “la Cour de sûreté n’existe plus sur le plan légal. La loi de 1981 relative à cette cour est implicitement abrogée par l’article 1er de la Loi organique n0 05-016/AU du 20 décembre 2005 relative à l’organisation judicaire dans l’Union des Comores”.
L’article en question dispose que “sur le territoire de l’Union des Comores, la justice est rendue par : une Cour suprême, des Cours d’appel, des Cours d’assises, des Tribunaux de première instance, des Tribunaux de travail ; des Tribunaux de commerce ; des Tribunaux administratifs et des Tribunaux pour mineurs”. La Cour de sûreté n’ayant pas été citée, elle “n’est plus légale”, estime Me Moudjahid Abdoulbastoi.