La tension est montée entre les Comores et la France depuis plus d’une semaine, avec la crise sociale qui secoue l’île comorienne de Mayotte. L’ancien ambassadeur des Comores auprès de l’Afrique du sud, Ahmed Thabit, s’est étalé sur les différents degrés d’évolution des relations diplomatiques entre deux pays donnés. Des relations diplomatiques sont jugées “excellentes”, explique-t-il, lorsque sur le plan bilatéral entre les deux pays, les échanges et la coopération sont sans écailles. Lorsque, également, les deux pays n’ont pas de divergence en matière de politique extérieure sur le plan multilatéral.
Dans un degré plus bas, les relations sont considérées comme “au beau fixe” lorsqu’il n’existe pas de problème majeur, et à l’opposé, elles “ne sont pas au beau fixe” lorsqu’il subsiste quelques problèmes. Le dernier degré concerne les relations diplomatiques dites “tendues”. Dans ce cas-ci, certaines mesures diplomatiques sont prises, tenant compte de la gravité des problèmes.
Des points de repli
La première mesure se résume à une audience avec l’ambassadeur résident pour explication. Les Comores et la France ont déjà dépassé ce stade, puisque les deux ambassadeurs ont été respectivement convoqués. La deuxième mesure consiste à rappeler l’ambassadeur au pays pour consultation, et la troisième, à réduire le personnel de l’Ambassade.
Ces deuxième et troisième mesures ont été sautées par la France, pour arriver directement à la quatrième mesure qui consiste à suspendre les visas. Une réplique à la note circulaire envoyée par les autorités comoriennes aux compagnies aériennes et maritimes de ne pas accepter à leur bord des Comoriens refoulés de l’île sœur de Mayotte, et que le ministère des Affaires étrangères a tout bonnement qualifié, dans un communiqué publié le 31 mars dernier, de
chantage auquel le gouvernement comorien n’entend pas céder.
On peut par la suite s’attendre, si les deux parties ne parviennent pas à un compromis, au gel des relations diplomatiques et à la rupture, cinquième et sixième mesures. Il existe un précédent puisqu’après la déclaration unilatérale de l’indépendance en 1975, rappelle Ahmed Thabit, le gouvernement de Giscard d’Estaing avait décrété l’Etat d’urgence, levé une demi-heure plus tard au profit de la reconnaissance de l’indépendance des trois îles et le transfert des militaires français sur les autres îles à Mayotte.
Les relations diplomatiques entre les Comores et la France étaient alors rompues. Ali Soilihi avait à l’époque sollicité le gouvernement sénégalais pour qu’il s’occupe des ressortissants comoriens qui se trouvent à l’extérieur à travers ses ambassades. “L’accord avec le Sénégal n’est pas caduc”, fait savoir l’ancien ambassadeur ; même si, en cas de rupture des relations avec la France, il voit plus la Tanzanie ou l’Afrique du sud jouer ce rôle,
les trois pays étant sur la même longueur d’onde sur le plan diplomatique, surtout sur la question de Mayotte.
Ahmed Thabit souligne tout de même que “demander à un pays ami de s’occuper des ressortissants comoriens à l’étranger ne suffit pas, il faut aussi lui donner les moyens de le faire”, prenant l’exemple de ses enfants nés en Éthiopie et qui n’ont pas pu être enregistrés à l’ambassade du Sénégal, faute de registres comoriens.
La France de son côté pourrait solliciter la Chine, le Soudan ou encore l’Arabie saoudite pour s’occuper de ses ressortissants qui sont aux Comores, dans le cas d’une rupture des relations diplomatiques. Ahmed Thabit penche plus pour le dernier pays cité.
Quant aux ressortissants Comoriens, pour se rendre dans un pays de l’espace Schengen, ils devraient passer par une ambassade européenne à Dar es-Salaam ou à l’île Maurice. Le gel des relations est le stade dans lequel les pays s’intéressent à ces points de repli, pour pallier une probable rupture.