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Dhoihir Dhoulkamal,ministre des Affaires étrangères : «Les droits humains vont ensemble avec le développement d’un pays»

Dhoihir Dhoulkamal,ministre des Affaires étrangères : «Les droits humains vont ensemble avec le développement d’un pays»

Politique | -

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Entretien. “Le Plan Comores Emergentes vise la construction d’hôpitaux pour améliorer la qualité des soins, la mise aux normes des écoles pour la qualité de l’enseignement, les routes, la mise en œuvre des projets économiques pour les infrastructures et le plein emploi. C’est ce que les Comores sont en train de faire sous les directives du chef de l’Etat. Le gouvernement comorien est le premier à avoir intérêt à promouvoir les droits humains mais ceux-ci sont indissociables au développement”. Le ministre a, par ailleurs, abordé en profondeur toutes les questions posées, actuellement, à la diplomatie comorienne et notamment les rapports de son pays avec la France en rapport avec la question de l’île comorienne de Mayotte, et la nouvelle situation créée dans le Proche et le Moyen-Orient avec la “réconciliation retrouvée”.


Le ministre des Affaires étrangères affirme que c’est le développement qui permet à tout gouvernement de promouvoir de façon graduelle les droits humains des concitoyens. Dhoihir Dhoulkamal estime que l’Union des Comores est sur la bonne voie en matière de protection et de promotion des droits de l’Homme. “Le Plan Comores Emergentes vise la construction d’hôpitaux pour améliorer la qualité des soins, la mise aux normes des écoles pour la qualité de l’enseignement, les routes, la mise en œuvre des projets économiques pour les infrastructures et le plein emploi. C’est ce que les Comores sont en train de faire sous les directives du chef de l’Etat. Le gouvernement comorien est le premier à avoir intérêt à promouvoir les droits humains mais ceux-ci sont indissociables au développement”, a-t-il nuancé au cours d’un long entretien accordé à Al-watwan et à l’Office de radio et de télévision de Ngazidja (Ortn). Le chef de la diplomatie comorienne est revenu aussi sur d’autres sujets : l’île comorienne de Mayotte, l’Emirat du Qatar ou encore l’ouverture annoncée du consulat des Comores à Marseille en France.


Costume noire, chemise blanche et cravate rouge, le ministre des Affaires étrangères semble à l’aise pour cette première grande interview accordée à deux medias de la place six mois après sa nomination à la tête de la diplomatie comorienne. Dhoihir Dhoulkamal s’est livré à Al-watwan et à l’Ortn avec un air décontracté, demandant même aux deux journalistes d’aller jusqu’au bout. “J’aime toutes les questions”, a-t-il souligné en préliminaire.
Mais le chef de la diplomatie comorienne est tout d’abord revenu sur les derniers propos de la Haute commissaire de l’Onu, chargée des Droits de l’Homme. Mme Michel Bachelet, basée à Genève en Suisse, avait interpellé les autorités comoriennes sur “une violation” supposée des droits de l’Homme aux Comores avec en toile de fond “les arrestations d’opposants politiques”.

“Le développement tire les
droits humains vers le haut”

“Tous les jours, nous nous battons pour améliorer les droits humains et les droits de l’Homme en général”, a répondu le ministre des Affaires étrangères. “Nous ne pouvons pas être un pays musulman, signataire de toutes les conventions internationales, et ignorer les droits humains”, a-t-il ajouté.
Mais Dhoihir Dhoulkamal persiste sur le fait que le respect desdits droits passera d’abord par le développement socio-économique. “Aucun pays au monde, même les grandes puissances, ne peut affirmer avoir tout accompli en matière de droits humains, c’est un processus évolutif qui va de pair avec le développement et qui s’inscrit dans une vision globale d’amélioration des conditions de vie des populations”, a-t-il insisté.
Le ministre des Affaires étrangères affirme que c’est bien le développement qui permet à tout gouvernement de promouvoir de façon graduelle les droits humains des citoyens. “Le Plan Comores Emergentes vise la construction d’hôpitaux pour améliorer la qualité des soins, il y a les projets routiers, les projets de mise aux normes des écoles pour la qualité de l’enseignement, la mise en œuvre des projets économiques pour les infrastructures et le plein emploi. C’est ce que les Comores sont en train de faire sous les directives du chef de l’Etat”, a-t-il nuancé.


Le ministre est revenu sur le passage des Comores à la catégorie inferieure des pays à revenus intermédiaires et à l’amélioration de la situation salariale des agents du secteur public comme étant “des indicateurs louables” qui placent le pays sur la bonne voie en matière de protection et d’amélioration des droits de l’Homme. “Il y a des années, on n’arrivait pas à payer les gens régulièrement. Depuis maintenant cinq ans, tous les fonctionnaires et agents de l’Etat sont payés régulièrement. Et depuis quatre mois, les agents de l’Etat sont payés les 25 du mois. C’est un pas de plus dans la volonté du gouvernement d’améliorer les droits de salariés du secteur public, c’est aussi une promotion des droits humains”, a souligné Dhoihir Dhoulkamal.

“Un grand projet de mise aux normes des prisons”

Au sujet des conditions carcérales, le ministre des Affaires étrangères rappelle un projet en cours visant à doter le pays de nouvelles prisons répondant aux normes. “On nous parle des prisons dégradées avec des conditions carcérales difficiles. Le gouvernement a déjà ficelé un grand projet de construction de prisons sur les trois îles avec des bonnes perspectives d’améliorer l’environnement en milieu carcéral”, a-t-il expliqué, précisant que le chef de l’Etat et le gouvernement reste bien attaché à cette volonté de faire évoluer les droits des citoyens.
“Le gouvernement comorien est le premier à avoir intérêt à promouvoir les droits humains, ceux-ci sont indissociables au développement. Mais il faut des moyens et l’accompagnement de nos partenaires au développement. C’est pourquoi j’insiste encore que la grande priorité de ce pays est le développement économique.

Les droits humains vont ensemble avec le développement d’un pays”, insiste Dhoihir Dhoulkamal qui est revenu également sur certaines actions entreprises en matière de promotion des droits de l’enfant et de lutte contre les violences contre les femmes.

“Les affaires pénales prennent du temps”

“Le chef de l’Etat lui-même a ordonné la révision du Code pénal pour une protection renforcée des victimes des actes de violence, tout cela consiste à améliorer les droits humains. Il a mis en place le Conseil supérieur de la magistrature pour veiller sur la discipline des magistrats. Des juges sont formés. Nous venons de renforcer les conditions de travail de la Commission nationale des droits de l’Homme (Cndlh). Mais, encore une fois, on ne peut pas améliorer encore davantage les droits humains sans accélérer encore davantage le développement, car tout est lié. Et, les Comores et tous les partenaires, nous devons travailler ensemble pour améliorer les droits humains”, a souligné Dhoihir Dhoulkamal.


S’agissant “des arrestations d’opposants politiques” et la détention prolongée de certaines personnes inculpées par la justice, le ministre a renvoyé le sujet aux structures compétentes. “C’est une question qui relève de l’institution judiciaire. Et c’est à elle seule de donner suite. Mais ce que je peux dire, c’est que les affaires pénales prennent du temps, il faut d’énormes moyens et une expertise importante. C’est pourquoi nous prions Dieu pour qu’il nous donne les moyens nécessaires qui nous permettront de mieux améliorer le service public de la justice”.
Revenant sur la détention de l’ancien président Ahmed Abdallah Sambi, le ministre des Affaires étrangères a dit : “je ne souhaitais pas revenir sur le sujet. Mais je sais que nul n’est au-dessus de la loi. Récemment, un ancien président français a été poursuivi et condamné à trois ans de prison dont un ferme”. Quant au rapport parlementaire dont les conclusions ont servi, en grande partie, de base dans la procédure engagée contre l’inculpation et la détention de l’ancien chef d’Etat, Dhoihir Dhoulkamal a également souhaité ne pas faire trop de commentaires.


“Je ne souhaitais pas aussi en parler car, c’est comme s’il s’agissait d’une affaire personnelle. Je sais que le travail de la commission a été fait dans les normes car il y a une procédure d’enquête parlementaire. Il n’y a eu aucune faille dans la chaîne de travail du début jusqu’à l’adoption de ce rapport à l’hémicycle. L’affaire est maintenant aux mains de la justice. Il appartient à vous les journalistes de lire et de disséquer ce rapport, d’éclairer les citoyens sur ce programme de citoyenneté économique”.
Côté diplomatie, le ministre des Affaires étrangères entend se focaliser “sur la diplomatie économique” en renforçant les capacités techniques des représentations diplomatiques pour mieux créer les facilités nécessaires à l’absorption des fonds promis lors de la Conférence de Paris. Dhoihir Dhoulkamal dit souhaiter travailler avec tout le monde. “Nous n’excluons personne. Les Comores ont des merveilleux amis à l’international. Que ça soit nos frères d’Afrique et du monde arabe, que ça soit la Chine, le Maroc, la Tanzanie, l’Afrique du sud, la Russie, les Etats-Unis. Et les autres partenaires extérieurs. La Russie a sa place aux Comores. Mais pour nous, la France est et restera un partenaire privilégié et cela en raison des liens historiques qui unissent les deux peuples”, a-t-il précisé.

Mayotte : “la solution passe par
la pédagogie et la conciliation”

Revenant sur la coopération entre les Comores et la France, le ministre veut compter sur la nouvelle vision des autorités des deux pays visant à améliorer les conditions de vie des citoyens des quatre îles. Dhoihir Dhoulkamal fait notamment allusion à l’accord-cadre signé le 22 juillet 2019 à l’Elysée. “Je crois qu’on ne doit pas se voiler la face. La France est un partenaire incontournable. Nous entretenons des relations séculaires. Il y a une forte et importante communauté comorienne en France. Nous devons prendre en compte cet aspect si nous voulons entretenir de vraies relations de confiance avec la France”, a-t-il expliqué.
“Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est de voir comment faire pour bénéficier du savoir-faire français pour tirer des investissements productifs au profit de nos jeunes”, a-t-il mentionné, faisant référence notamment aux petites et moyennes entreprises (Pme) qui font l’économie française. “C’est que nous demandons de nos frères et sœurs de la diaspora, ce sont des propositions constructives pour le bien du pays, pour développer les secteurs productifs, pour créer des emplois. Par exemple, comment faire pour mettre fin à la double imposition des franco-comoriens? Comment faire pour améliorer l’accord d’entraide judiciaire? Comment faire pour permettre aux retraités franco-comoriens de pouvoir venir ici et contribuer au développement de notre pays?”.


Au sujet de l’occupation illégale de l’île comorienne, le ministre se montre préoccupé par les drames humains et le climat d’insécurité qui sévit dans plusieurs localités de Mayotte. “D’abord Mayotte, c’est l’une des quatre îles de l’archipel. Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est de voir comment éviter les drames en mer, comment lutter contre les scènes de violence à Mayotte, comment cohabiter ensemble, comment favoriser le développement dans les quatre îles. Nous sommes tous des Comoriens, les habitants des quatre îles sont condamnés à vivre ensemble quelles que soient les incompréhensions et les erreurs de l’histoire. Soyons des Comoriens peu importe où nous nous retrouvons”, a précisé Dhoihir Dhoulkamal. Pour lui “la solution passe par la pédagogie et la conciliation”.


Le chef de la diplomatie comorienne ajoute que de nombreux comoriens ont la nationalité française et que cela doit être capitalisé pour développer le pays et promouvoir le vivre-ensemble. “Ce sont des Anjouanais, des Grands-Comoriens, des Moheliens et des Mahorais qui enseignent à Mayotte, qui sont, dans l’administration et dans les centres de santé à Mayotte. Je le répète encore, nous sommes condamnés à vivre ensemble, à mettre fin à la haine et à reconstruire un destin commun”, ajoute Dhoihir Dhoulkamal qui annonce l’ouverture prochaine du consulat des Comores à Marseille. “Il n’y a aucune date. Mais c’est un dossier qui nous tient à cœur. Le but du gouvernement et du chef de l’Etat et de faciliter les Comoriens d’où ils se trouvent. Nous savons bien le rôle de notre diaspora. Les Comoriens doivent cultiver le vivre-ensemble partout où ils se trouvent. Le pays a le devoir d’accompagner et d’assister tous ses ressortissants”, a-t-il dit.

“Il n’y avait jamais eu un conflit
entre les Comores et le Qatar”

Le ministre s’est félicité de la réconciliation retrouvée entre tous les pays du Golfe et les initiatives engagées par la Ligue arabe pour accompagner l’Union des Comores dans son pan de développement socio-économique.
Dhoihir Dhoulkamal avait pris part récemment au 155è Conseil ordinaire des ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe au Caire en Egypte, consacré essentiellement à la prolongation du mandat du secrétaire général Ahmed Aboul Gheit. A cette occasion, le chef de la diplomatie comorienne a encore une fois félicité la réconciliation retrouvée entre tous les pays arabes, précisant que l’Union des Comores était toujours attachée à une issue concertée et positive de la crise qui secouait la région du Golfe.


Toujours sur les rapports entre les Comores et le Qatar, Dhoihir Dhoulkamal a tenu à faire des clarifications de taille. “Il n’y avait jamais eu un conflit entre les Comores et l’Emirat du Qatar. Nous étions seulement solidaires de l’Arabie Saoudite, c’est tout. Aujourd’hui, la réconciliation est retrouvée entre tous les pays du Golfe. Pour nous, c’est une très bonne nouvelle. Le chef de l’Etat Azali Assoumani s’est même réjoui de cette issue positive entre pays arabes. Et nous y travaillons pour promouvoir cette réconciliation retrouvée entre des pays frères attachés à des liens de solidarité et de coopération incontestables”, a-t-il expliqué.
Le ministre reconnait le “rôle moteur” des pays arabes et du Golfe dans le développement des Comores. “Nous entretenons des relations privilégiées avec tous ces pays, nous sommes reconnaissants pour tous ce qu’ils font en faveur de notre pays, les Emirats arabes Unis, l’Arabie Saoudite, le Koweït et tous les autres pays frères du Golfe qui sont attachés au développement des Comores”, a tenu à clarifier Dhoihir Dhoulkamal.

A. S. Kemba

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