logo Al-Watwan

Le premier journal des Comores

Droit et Actu : Vaine probité pour un Droit vain

Droit et Actu : Vaine probité pour un Droit vain

Politique | -   Contributeur

image article une
Il est des choses qui, littéralement, dépassent tout entendement. La reconduction du docteur Djaza Ahmed à la tête de la Ceni est de celles-là.

 

Non pas qu’on n’ait jamais vu pire dans l’histoire de notre jeune nation, loin de là. Mais,rarement, le pire ne s’était, aussi, si bien allié à l’absurde. Le tout, au vu et au su de l’opinion publique. Celle-ci avait, pourtant, assisté, en première loge, aux tripatouillages des voix exprimés par le suffrage universel, à l’utilisation suspicieuse des fonds alloués à l’organisation d’éléction jusqu’aux manœuvres et autres violations sommaires du droit électoral.

Si bien qu’à l’issue de ce scrutin de fortune, après une mise en cause interne de certains membres de la Ceni et une procédure judiciaire ouverte, l’on pensât le discrédit total. Et, pourtant ! oui le voilà de nouveau. Sans coup férir, il est reconduit par ses pairs et sous l’œil bienveillant des autorités. Sans céder à la vindicte populaire, il est juste question de droit.

À ce propos, le code électoral a était prévenant. Il dispose que la Ceni devra être composée par des “personnalités reconnues pour leur compétence, leur probité, leur impartialité, leur moralité (…)”. Eu égard à la mission, aussi bien noble que sensible, il faut considérer ces qualités comme cumulatives. C’est la moindre des choses lorsqu’on a la charge d’assurer la sincérité d’un processus qui porte la voix du peuple souverain.

Aussi bien, qu’il faille les réunir toute pour satisfaire à l’exigence de la loi. Un membre de la Ceni se doit d’être irréprochable. A fortiori, son président. Mais les faits sont têtus, ils parlent d’eux même. Le nouveau président a fait l’objet d’une procédure judiciaire qui le reproche un détournement de fonds de quelques 150 millions de nos francs comoriens. Il en a même était mise en examen.

La Cour des comptes également n’est pas en reste. Elle demande des investigations sur l’utilisation de l’aide saoudienne. Il ne s’agit pas de minces affaires. Elles ont déjà abouti à des gardes à vue, des détentions provisoires et des mises en liberté sous contrôle judiciaire.

Cela signifie qu’il existe pour les magistrats en charge de ces dossiers, des raisons plausibles de soupçonner que les personnes concernées ont commis ou tenter de commettre une infraction. Rien que pour cela, la probité a déjà perdu de sa superbe.

Le bon sens aurait exigé que l’équipe dirigeante soit remaniée afin de s’approcher de l’irréprochable. Que nenni ! la Ceni s’est fendue d’un communiqué pour expliquer qu’il n’y avait aucun problème car les membres concernés bénéficient d’une ordonnance de main levée.

C’est ici qu’il faut tout de suite apporter la précision juridique importante. Ne pas confondre défaut de probité et culpabilité. La seconde est le résultat d’un jugement à la suite d’un procès au préalable et sans quoi, toute personne est présumée innocente. Djaza Ahmed y compris.

Il ne s’agit donc pas de sa responsabilité pénale, mais de sa probité. Et celle-ci ne se juge pas toujours. Bien souvent, elle se constate. La probité, c’est la bonne moralité, l’intégrité personnelle et professionnelle. Celle qui se voit mais celle aussi qui se donne à voir.

L’on ne devrait même pas avoir à chercher en profondeur. La probité est de l’ordre du manifeste, de l’évidence, elle est en surface. C’est de cela que la loi électorale fait obligation. Dès lors qu’il y a soupçons, la probité s’en trouve entamer. Elle commande que l’on se retire de ses fonctions à responsabilités.

Non pas pour soi, mais pour ne pas égratigner l’institution que l’on sert. Il n’en a pas été ainsi. Un épisode de plus qui vient nous rappeler encore, s’il le fallait, qu’actuellement,les règlements et les lois n’ont que très peu de force. La politique semble avoir saisi le droit. Pire, elle semble en avoir fait de même avec le bon sens.

Nos chroniques n’ont jamais laissé la place à la première personne. Mais le nous inclusif ici serait déplacé tant la conclusion de tout ceci est de l’ordre du personnel. Alors, exceptionnellement, je dirais “je”. En effet, de par ma formation, j’en étais arrivé à une conviction que je pensais définitive : les institutions sont plus fortes que les hommes.

J’étais convaincu que quand elles sont bien faites, hélas, surtout quand elles le sont mal, les hommes finissent toujours par s’y plier. Non pas que j’ai eu totalement faux, mais force est de constater que les Comores en font exception.

Les hommes, surtout quand il s’agit de nos politiques, finissent toujours par prendre la mesure des institutions. Quelquefois, ils arrivent même à les réduire au silence. La Constitution, la loi, tout cela, restent finalement à la merci de nous tous.

Mohamed Rafsandjani Constitutionnaliste,

Doctorant en droit public,

Chargé d’enseignement à l’Université de Toulon

Commentaires