Quelle est cette idée saugrenue qui court d’un régime à l’autre, et qui puise son argumentaire sur une note liberticide qui réglemente jusqu’à nos jours, les manifestations publiques en dehors des périodes électorales, signée par l’ancien ministre de l’Intérieur Ahmed Hassane El Barwane en 2010 et reprise en 2014 par le ministre de l’Intérieur Houssein Hassan Ibrahim ?
Cette note, prise au temps du président Sambi, reprise sous Ikililou et qui est brandie aujourd’hui comme un trophée par l’actuel ministre de l’Intérieur, Mohamed Daoudou, est illégale et dangereuse pour la démocratie. Car c’est en son nom qu’on empêche les gens de manifester et de s’exprimer dans les places publiques et dans les lieux privés. C’est en son nom qu’on viole la constitution de l’Union et les chartes des droits auxquelles nous sommes attachées.
Quel intérêt avait le pouvoir d’empêcher le gouverneur Salami de tenir une réunion à Ntsudjini dans un centre culturel communautaire, invité de surcroit par des jeunes ?
Je me range derrière ceux qui pensent que la question de Mayotte et la situation des refoulés est alarmante et devrait tout autant préoccuper l’ensemble de la classe politique. Mais je refuse aussi de m’inscrire dans cette dynamique qui conçoit qu’un droit peut en occulter un autre. Je m’élève contre la banalisation des actes qui fragilisent l’état de droit et je m’insurge contre les dérives qui portent atteintes au fonctionnement régulier des institutions.
Le droit de manifester sur tout sujet d’intérêt public est un droit fondamental reconnu et protégé par la loi. Ce droit apparait dans le préambule de la constitution qui reconnait “le droit à l’information plurielle et à la liberté de la presse”, mais aussi “les libertés d’expression, de réunion, d’association et la liberté syndicale dans le respect de la morale et de l’ordre public.”
Nul ne peut être inquiété pour ses opinions” et le droit de manifester se rattache au “droit d’expression collective des idées et des opinions.
La constitution comorienne exprime “son attachement aux principes et droits fondamentaux tels qu’ils sont définis par la Charte des Nations unies, celle de l’Organisation de l’Unité africaine, le Pacte de la Ligue des États arabes, la Déclaration universelle des Droits de l’Homme des Nations unies et la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.”
S’il est admis que les manifestations sur la voie publique sont soumises à l’obligation d’une déclaration préalable indiquant le but de la manifestation, le lieu, la date et l’heure du rassemblement et l’itinéraire projeté, il n’en est pas de même pour les rassemblements dans des lieux privés.
Encore faut-il le dire que dans les grandes démocraties la loi évolue et qu’une manifestation non déclarée, si elle ne trouble pas l’ordre public, ne peut être interdite. Un ordre de dispersion ne peut être donné qu’en cas de trouble à l’ordre public. Cette note illégale doit être “abolie” au risque d’assister à un glissement dangereux vers un régime totalitaire.