A quelques jours du lancement de la campagne électorale, quelles observations faites-vous sur le processus électoral en général ?
Le processus électoral se poursuit, étape par étape, et semble respecter le format légal. Cependant l’on se doit de relever bon nombre de manquements plus ou moins graves. Le recensement des nouveaux électeurs ainsi que la mise à jour de la liste électorale ont été émaillés de fraudes, telle que la délivrance de faux actes d’état civil pour permettre le recensement des mineurs. De même, la rétention des listes électorales au détriment des candidats les empêche de connaître l’exactitude des informations contenues dans ces listes, telle que la radiation des personnes décédées ou le maintien des électeurs précédemment recensés. L’on pouvait également noter que la convocation du corps électoral a été faite à moins de 90 jours de la date de l’élection, en violation de la loi.
Enfin, la dernière étape du processus précédant la campagne électorale, à savoir la déclaration des candidatures, nous a bien alimentés en événements chocs, tels que le rejet discutable de certaines candidatures et la dispense de l’obligation de partir en congé accordée au président-candidat par la Cour suprême, et cela avant même que son statut définitif de candidat ne soit déclaré. Nous terminons la liste des événements chocs par le limogeage de la présidente de la chambre constitutionnelle chargée du contentieux électoral, immédiatement après l’arrêt proclamant la liste définitive des candidats.
Êtes-vous malgré tout satisfait de la gestion et du pilotage des élections ?
L’on se doit de noter que le ministère de l’Intérieur en charge des élections a fait le nécessaire pour mettre en place les institutions prévues par la loi pour cadrer l’organisation des élections. Il y a notamment la Ceni et ses démembrements, le Sen/Ceni [Sen : Secrétariat exécutif national, un organe rattaché à la Ceni pour assurer la permanence de la mission électorale de cette dernière lorsqu’elle aura rendu son dernier rapport sur les élections en cours, Ndlr] les directions régionales chargées des élections, le Cadre permanent de concertation etc. Cependant, l’ensemble de ces institutions, qui sont censées assurer des élections libres, inclusives, transparentes et crédibles, sont loin de remplir leurs missions.
Par exemple, la Ceni, malgré l’effort de la rendre inclusive et équilibrée, continue de susciter de la suspicion et de la méfiance quant au choix tendancieux de ses collaborateurs, à sa communication quelque part provocatrice et à sa relation conflictuelle avec le Cadre de concertation dont elle est membre. Par ailleurs, bien que preuve par la loi, la mise en place du Sen/Ceni en pleine période électorale crée un doute sur les bonnes intentions des autorités en charge des élections car le Sen/Ceni est conçu pour relayer la Ceni qui n’est plus une institution permanente, en période creuse. Le Sen/Ceni pourrait, en période électorale, servir de doublure à la Ceni et pervertir la transparence des opérations. En somme, pour l’acteur politique que je suis, dans le processus électoral, j’ai beau faire l’effort de juger objectivement l’organisation et la gestion du processus électoral, je ne suis pas pour autant satisfait et encore moins rassuré.
Le cadre de concertation a émis certaines doléances. Ont-elles été prises en compte ?
Le Cadre permanent de concertation est composé de tous les acteurs concernés par le processus électoral, des institutions étatiques (ministre de l’Intérieur, représentant du président de l’Union, secrétaire général et directeur des élections auprès du ministère de l’Intérieur, Cnpa, Ceni), aux partis politiques de l’opposition et du pouvoir, en terminant par la société civile. Sa mission principale est de créer un climat de concertation permanente en vue d’obtenir des élections inclusives, apaisées, libres, transparentes et crédibles. Pour aller dans le sens de l’apaisement, le Cadre a milité pour la libération des prisonniers politiques et a obtenu la grâce présidentielle pour un bon nombre de condamnés, à l’exclusion malheureusement du gouverneur Salami et du président Sambi. Il a milité pour le retour des exilés politiques et a enregistré le retour de ceux qui le souhaitaient. Certains ont même pu faire acte de candidature, malgré le traitement qui leur a été appliqué.
Le Cadre a pris une dizaine de résolutions remises au président de l’Union en vue d’obtenir, par voie législative et réglementaire, les aménagements des dispositions qui empêcheraient la pleine participation des acteurs politiques au processus en cours ou qui pourraient favoriser la fraude. Ainsi, l’omission du parrainage a été revendiquée et obtenu. Un projet de loi visant à équilibrer la composition des bureaux de vote et à suspendre les procurations, source de fraude, est dans le circuit législatif. Le Cadre s’emploie à obtenir par consensus les aménagements que la loi et le règlement ne pourront pas accorder faute de temps. Et ce sera là, la démonstration de la détermination des autorités à organiser des élections inclusives, apaisées, transparentes et crédibles. Nous les soumettons à l’épreuve.
Et à ce niveau, êtes-vous satisfaits ?
Je ne peux pas m’estimer satisfait des résultats enregistrés par le Cadre car plusieurs résolutions sont restées sans suite telle que la mise à disposition des listes électorales pour éviter toute surprise désagréable. Par ailleurs, le gros chantier de la sécurisation des élections reste
à construire
Quel devrait être le rôle du Cadre de concertation pendant la campagne électorale ?
Le Cadre permanent de concertation ouvre son espace aux représentants de tous les candidats aux élections du président de l’Union et des gouverneurs des îles. L’objectif est de suivre le déroulement de la campagne pour s’assurer de l’égalité de traitement des candidats en termes de communication, d’occupation de l’espace, de sécurité. Il s’emploiera à obtenir, grâce à l’implication de tous, une réelle sécurisation physique et technique du processus. Ainsi il veillera à ce que les candidats puissent participer à la conception du logiciel de tabulation des résultats. Il continuera à exiger le maintien des militaires dans leurs casernes le jour des élections.
L’opposition revient souvent sur la sécurisation. Qu’avez-vous proposé dans ce sens ?
L’opposition craint et à raison, l’immixtion de l’armée dans le déroulement des opérations électorales en intimidant les électeurs, en intervenant même dans les bureau de vote et en transvasant les urnes, comme cela se fait assez souvent, particulièrement à Anjouan. L’opposition exige, comme je viens de le dire ci-dessus, le maintien des militaires dans leurs casernes le jour du scrutin, reprenant une promesse faite par le chef de l’Etat. Elle insiste pour que le plan de sécurisation, à élaborer par la Ceni, soit soumis à l’approbation du Cadre permanent de concertation. C’est le dossier le plus difficile à négocier car le plus sensible, mais c’est sur ce dossier que les autorités feront la preuve de leur réelle volonté de transparence.